Partira, partira pas ? Les rumeurs autour de l'éventuel départ, démission ou limogeage du chef du gouvernement Ahmed Ouyahia pèsent sur le pays. Selon certaines sources, Ouyahia aurait été « remercié, mais l'arrivée avant-hier soir du Premier ministre turc a retardé la décision présidentielle ». Les mêmes sources avancent que « l'intention de Bouteflika de limoger Ouyahia datait d'avant la maladie du Président et son évacuation à Paris fin novembre 2005 ». L'on avance le nom de Abdelmalek Sellal, ministre des Ressources en eau, ancien directeur de campagne du candidat Bouteflika en 1999, comme éventuel remplaçant de Ouyahia. La thèse défendue par ces sources est que « le Président, craignant le syndrome Benflis, refuse que Ouyahia lui fasse de l'ombre ». En 2003-2004, le président Bouteflika, candidat pour un deuxième mandat, a commencé par limoger son chef du gouvernement Ali Benflis, également patron du FLN à l'époque, avant de récupérer le vieux parti et le faire entrer dans « la maison de l'obéissance ». Les mêmes sources avancent une autre raison pouvant motiver l'éventuel renversement : le refus de Ouyahia d'entendre parler d'une révision de la Constitution, tant revendiquée par un des occupants de « la maison d'obéissance », Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN, également ministre d'Etat. La révision de la Loi fondamentale, selon Belkhadem, devrait déboucher sur un système présidentiel fort. « Lundi (hier) après-midi, Ouyahia est à son bureau et il bosse. Avec la pression, c'est vrai. Mais il est encore là », affirme une autre source proche de la décision. « Ouyahia sait qu'il ne restera pas jusqu'en 2008 (à une année de la prochaine présidentielle), il savait qu'il est en bout de piste, mais il n'apprécie pas ce climat malsain créé par le FLN et le MSP. Ce n'est pas ainsi, poussé aussi violemment à la porte, qu'il va quitter la tête du gouvernement », ajoute notre interlocuteur qui regrette « les manœuvres de Belkhadem et de Bouguerra qui semblent vouloir installer le pays dans l'instabilité ». « Dans une situation normale, ce n'est pas l'humeur du Président qui décide de dégommer un chef de gouvernement », confie un cadre du RND, parti drivé par Ahmed Ouyahia. « Si Ouyahia part, j'espère que ce sera pour des raisons valables et liées directement à l'intérêt du pays », appuie un député FLN. « Les bonnes raisons ? On ne les connaît pas encore ? La gestion des affaires publiques ? On n'arrête pas de dire officiellement que l'Algérie va bien et que le programme de relance marche bien. » Et le second projet du président Bouteflika, la charte pour la paix et la réconciliation nationale ? Personne ne veut se prononcer. La gestion de l'héritage des violences reste, semble-t-il, tabou, relevant des services secrets militaires et des autres démembrements sécuritaires. Services dont les discrets changements dans la hiérarchie pourraient également expliquer les tensions actuelles. Reste une ultime lecture proposée au « coup de chien » subit par Ouyahia : le dégraissement politique de l'Exécutif. Exit les appartenances politiques au gouvernement pour imposer des technocrates - la thèse Sellal s'incruste bien dans cette éventualité - pour rester fidèle à la vision de Bouteflika d'un « Président de tous les Algériens » et à ses appels au « réveil » de la société civile. Le Président aime s'entourer de « comités de soutien » poussant comme des champignons à l'approche de chaque élection. Le pire, prédit un observateur, est que Ouyahia parte et qu'on se retrouve avec un nouveau gouvernement sans que l'opinion publique comprenne les fondements de ce changement.