Le déplacement hypothétique de Ahmed Ouyahia à l'APN pour y faire sa déclaration de politique générale, conformément aux usages, prend l'allure d'une véritable crise politique au sein des institutions tant les liens organiques et politiques entre l'Assemblée populaire, les partis au pouvoir et le gouvernement sont si enchevêtrés. Jusqu'à hier, personne ne sait exactement ce qui adviendra dans quelques jours. Remaniement ministériel ? Démission du gouvernement ? Limogeage de Ahmed Ouyahia ? Annulation pure et simple de la prestation supposée de chef du gouvernement à l'APN ? Les supputations vont bon train et la presse en fait ses choux gras. Il faut dire que le tir groupé sur Ouyahia en provenance de ses alliés politiques immédiats, que sont Bouguerra Soltani, côté MSP et Belkhadem, côté FLN, et l'ouverture d'un autre front de refus autour de Djaballah du MRN, de Louisa Hanoune du PT et de Abderrazak Smaïl du PRA, a tôt fait de présenter Ouyahia dans la posture peu enviable d'un chef virtuellement déchu. Hier, en tout cas, le bureau de l'APN, censé enregistrer la demande du chef du gouvernement pour fixer une date à la déclaration de politique générale, n'a rien reçu de tel, confient des sources sûres. Cela ne veut néanmoins pas dire que Ahmed Ouyahia n'en a pas fait la demande. Nos sources précisent que le président de l'APN, Amar Saïdani, également président du bureau de l'assemblée, a bel et bien reçu la demande de Ouyahia mais l'aurait mise sous le boisseau en attendant « une possible décantation ». En l'occurrence, Abdelaziz Belkhadem aurait, confie-t- on, demandé à M. Saïdani de ne pas transmettre la lettre au bureau avant qu'il n'y ai du « nouveau ». Et ce nouveau c'est, bien sûr, l'éventuel remplacement de Ahmed Ouyahia qui serait directement lié à l'annulation du passage de ce dernier à l'assemblée. Le chef du gouvernement, lui, se fait très discret. Ses proches affirment qu'à part une brève apparition samedi au palais du gouvernement, Ahmed Ouyahia préfère rester chez lui à la résidence d'Etat de Club des Pins. A l'Assemblée nationale, les députés du RND se font désirer. Le bureau du groupe parlementaire de ce parti est inhabituellement désert, mis à part quelques brèves apparitions du président Miloud Chorfi. En face, le QG parlementaire du FLN respire la quiétude et la bonne humeur. Les députés du vieux front n'hésitent pas à mettre Ahmed Ouyahia à la tête du gouvernement au passé. « Au FLN, c'est la fête », indiquent des sources au fait des intrigues du palais Zighoud Youcef. C'est que, chez les élus de ce parti, on spécule déjà sur l'identité du prochain chef du gouvernement. Exit donc la venue ou pas de Ouyahia. C'est ce que souhaite Belkhadem et ses partisans mais pas forcément le président de la République... Pour cause, d'autres sources aussi crédibles s'attendent à un « retour » à la normale, c'est-à-dire que cette fronde finira par lâcher prise dans moins d'une semaine comme si de rien n'était." La raison est que le chef de l'Etat ne serait pas sur la même longueur d'ondes que les dirigeants du FLN pour la simple raison que le gouvernement est composé majoritairement de ministres issus justement de ce parti. En clair, si échec il y a dans l'exécution du programme du Président, c'est aussi celui du FLN en tant que parti ayant la charge de plus de portefeuilles ministériels. La démarche oppositionnelle du FLN parait donc moins comme une émanation de la volonté présidentielle que celle de se débarrasser d'un Ouyahia encombrant par son soutien et sa mission quasi sacerdotale au service du président Bouteflika, dont il réclame à lui seul l'allégeance. Les oreilles des dirigeants du FLN et ceux du RND sont donc suspendues aux instructions du Président qui, comme d'habitude, sifflera la fin du chahut et enverra chacun à sa place. Tout porte à croire que cette théâtrale montée au créneau du FLN accoucherait d'une éternelle « reconduction » de Ouyahia, dans la sérénité totale...