Samia Ghali, 45 ans, fille d'un immigré algérien, née dans les quartiers nord de Marseille, défendra crânement ses chances à l'occasion du second tour des primaires socialistes, dimanche, à Marseille. Portrait d'une battante hors normes. Une nouvelle histoire politique est en train de s'écrire à Marseille. Elle ne contrarie pas seulement la stratégie mise en place par la direction locale du parti socialiste pour reconquérir la mairie de cette ville, mais aussi celle du gouvernement Ayrault lui-même. Cette histoire a pour héroïne Samia Ghali. Française d'origine algérienne, la maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille est arrivée dimanche dernier première (25,25%) lors des élections primaires organisées par le parti socialiste en vue de choisir son futur candidat aux élections municipales d'avril 2014. Samia Ghali a, contre toute attente, bousculé les hiérarchies et fragilisé les «notables» de gauche locaux. A l'image de Marie Arlette Carlotti, ministre de la Santé, soutenue par le président Hollande, lui-même, mais qui s'est retrouvée éjectée de la course. Dimanche prochain, Samia Ghali doit en découdre avec l'autre baron du parti socialiste marseillais, le député Patrick Mennuci, arrivé en seconde position avec un peu plus de 19% des voix. Fille d'un émigré algérien, née dans un bidonville il y a 45 ans, Samia Ghali a vécu les brimades du racisme, du déclassement social avec son lot de préjugés et de privations. Dans son livre autobiographique, paru en 2013, La Marseillaise, Samia Ghali décrit les conditions sociales abominables dans lesquelles vivait sa famille à Bassens, un bidonville situé au nord de Marseille. Sa vie commence mal. Ténacité A l'âge de 6 mois, elle échappe à la mort pour cause de malnutrition. Elle sera élevée par ses grands-parents, des immigrés algériens, dans les quartiers nord, au milieu d'une population maghrébine et quelques gitans. Son père était toujours absent. Dans la cité, «on me nommait ‘‘letima''. Soit, en arabe, l'orpheline», se souvient-elle. Mais de cette vie de désespoir et de misère, Samia Ghali a paradoxalement appris à être tenace et cultiver un fort caractère pour survivre. L'école, elle n'y a pas mis les pieds longtemps, à peine le temps de décrocher un diplôme de CAP en secrétariat-comptabilité. Mais peu importe si elle n'est pas sortie de l'Ecole nationale d'administration ou de Sciences Po comme la majorité des hommes politiques français, Samia a beaucoup appris, comme elle l'écrit, de l'école de la vie, des contacts avec ses semblables qui vivaient et continuent de vivre dans des ghettos miséreux, aux prises avec la violence, le chômage et les incertitudes de l'avenir. A 16 ans, elle fait son entrée en politique, décidée à changer elle-même les choses devant l'immobilisme de la classe politique marseillaise. Elle devient donc conseillère municipale puis maire de deux arrondissements. En 2008, elle entre au Sénat où elle siège avec des dinosaures de la politique. Connue pour son dynamisme et son franc-parler, c'est elle qui a demandé à l'été 2012 à François Hollande d'envoyer des bataillons de l'armée pour sécuriser les quartiers nord de Marseille, pris dans la spirale des règlements de comptes meurtriers et du trafic de la drogue. Depuis, elle est devenue la coqueluche des médias et sa voix commence à peser dans l'échiquier politique marseillais. Les critiques, elles aussi, fusent. Espoir La ministre chargée des personnes âgées, Marie-Arlette Carlotti, dénonce : «Personne n'avait vu jusqu'à présent ce système fonctionner avec une telle puissance, un tel sentiment d'impunité, à la vue de tous, avec des dizaines de minibus qui sillonnent la ville, des échanges d'argent, toute une organisation que j'ai envie de qualifier de ‘‘paramilitaire''». Même si elle caresse l'espoir de devenir un jour maire de Marseille, et bien qu'elle parte avec un léger avantage pour le second tour des primaires, ses chances de gagner sont minimes. D'abord parce que les chefs socialistes marseillais ont tous appelé à voter contre elle. Ensuite, même au plus haut de l'Etat français, tout est fait pour qu'elle soit recalée et que Patrick Mennuci, son rival, soit désigné candidat final. Lundi dernier, Samia Ghali a accusé Matignon de planifier sa défaite, au moment où d'autres responsables politiques socialistes critiquaient son manque de culture et sa gouaille, l'accusant de constamment poser les problèmes, sans jamais proposer de solutions. Mais peu importe l'issue du scrutin de dimanche, Samia Ghali aura au moins réussi à secouer le «cocotier» socialiste marseillais fait d'intrigues, de passe-droits et de parachutages.