Vingt-deux quotidiens de 20 pays, dont El Watan pour l'Algérie, ont publié, le 22 juin dernier, un supplément de plusieurs pages pour parler de choses positives, des solutions que proposent des citoyens à travers le monde pour régler des problèmes, pour donner de l'espoir aux gens et leur dire : c'est possible. Le 26 septembre dernier, les rédacteurs en chef de douze de ces quotidiens se sont retrouvés au Havre (France) pour discuter de cette expérience unique en son genre. A l'occasion de la tenue du LH Forum, le forum de l'économie positive (24-27 septembre 2013) que préside Jacques Attali. Les représentants de ces médias ont participé à un séminaire pour faire le bilan de cette première opération et ils se sont engagés à la renouveler chaque année, en associant d'autres journaux et d'autres médias (radio, télé). Une personne est parvenue à fédérer tous ces médias et a réussi cette initiative. C'est Christian de Boisredon, directeur de la société française Sparknews. Comment lui est venue l'idée de lancer un tel chantier et convaincre autant de médias de quatre continents de participer à ce qu'il a appelé Impact Journalism Day (la journée du journalisme d'impact) ? Un jour, après avoir lu le journal et regardé la télé, déprimé, Christian de Boisredon s'est demandé : «C'est important d'être alerté de ce qui se passe dans le monde, mais j'aimerais aussi qu'on me parle plus souvent des initiatives positives, des hommes et des femmes qui changent le monde. Pourquoi les médias ne parlent-ils pas plus souvent des solutions ?» C'est à partir de là qu'est né l'Impact Journalism Day. Il contacte plusieurs quotidiens dans différents pays. Les réponses qu'il reçoit sont positives. Dans chaque pays, il cible le quotidien le plus influent, à l'image du Monde en France, du Times Of India qui est tiré à plus de 5 millions d'exemplaires/jour en Inde, du singapourien Straits Times, du journal canadien La Presse, du Daily Nation au Kenya, de l'Excelsior au Mexique, du belge Le Soir, du quotidien Fohla de Sao Polo au Brésil, du journal libanais L'Orient le Jour ou du journal nigérianThe Nation. En tout, 22 quotidiens acceptent de participer à l'expérience.
Lors du séminaire-bilan du Havre, le 26 septembre, les témoignages des rédacteurs en chef sur la manière dont l'idée de parler de choses positives a été accueillie dans les rédactions démontrent bien que chez les journalistes de tous les pays, écrire sur ce qui est positif «ce n'est pas du journalisme». «On n'est pas des boy-scouts, c'est ennuyeux, les lecteurs n'aimeraient pas, ça ne se vendra pas», telles sont quelques-unes des remarques entendues par les différents rédacteurs en chef. Celui du quotidien français Le Monde, Didier Pourquery, révèle que Libération a réalisé une de ses meilleures ventes de l'année lorsqu'il a publié une édition spéciale, un 26 décembre, intitulée «Libé des Solutions». Ceci pour montrer que les lecteurs ont aussi envie de lire des choses positives dans leur journal. Le succès de l'opération du 22 juin dernier a été telle que tous les participants n'ont pas hésité à s'engager à renouveler l'expérience en 2014, mais aussi à réserver, pour certains, un espace dans leurs journaux aux «informations positives». Lorsque M. de Boisredon propose l'idée de publier un même jour un supplément sur les initiatives positives aux 22 quotidiens du monde entier, la réponse ne tarde pas. Ils étaient tous d'accord. Pour Didier Hamann du Soir de Belgique, «souvent les journalistes se contentent d'être juste des spectateurs, or ma conviction, en tant que directeur général du Soir, le premier quotidien de Belgique, est qu'on doit aussi être des acteurs de la société en relayant les initiatives à suivre».
Pour le plus grand quotidien d'Inde, The Times of India, l'idée était intéressante, comme l'explique Suneet Johar, responsable éditorial : «On a rejoint Sparknews parce que nous croyons à la citation de Gandhi qui disait : “Soyez le changement que vous voulez voir dans ce monde.”» Sparknews, dont le site internet agrège des dizaines de vidéos pour des solutions sur des enjeux sociaux et environnementaux, demande aux quotidiens participants de produire trois ou quatre sujets chacun, en plus d'une vingtaine de sujets réalisés par les collaborateurs de Sparknews. Après la publication de ces dizaines d'histoires par les 22 quotidiens à travers le monde – dont El Watan qui y a consacré 12 pages – Sparknews a reçu des échos du monde entier. Une histoire est en train de devenir un vrai projet qui permettra à des millions de personnes dans le monde d'avoir des lunettes. C'est celle d'un Hollandais qui a inventé des lunettes universelles. La femme d'un des dirigeants du n°1 mondial des verres ophtalmiques, après avoir lu l'histoire dans le Straites Times de Singapour, le montre à son mari et lui demande de voir si son groupe peut faire quelque chose. Essilor et l'inventeur hollandais devraient se rencontrer rapidement pour discuter de la possibilité de produire ces lunettes à grande échelle. Au cours d'une présentation publique, devant des dizaines de participants au Forum de l'économie positive, Sparknews et les journaux partenaires, dont El Watan, après avoir raconté cette expérience unique, se sont engagés à poursuivre l'aventure et à associer d'autres quotidiens dans d'autres pays. L'engagement aussi de nouvelles histoires, de raconter ce que de simples gens peuvent créer, inventer pour changer la vie.