A près des mois d'immobilisme, cela commence visiblement à bouger dans le dossier syrien. Après plusieurs reports, la conférence de Genève 2, qui doit tenter de trouver une solution au conflit en Syrie, devrait finalement avoir lieu le 23 novembre prochain. L'annonce faite hier par la Ligue arabe est à présenter au conditionnel, car, dans les faits, rien n'est encore acquis. Le plus dur reste même à faire. Et le plus dur consiste précisément à convaincre l'opposition – actuellement hétéroclite et très rétive à l'idée de traiter avec Bachar Al Assad — de participer à cette conférence. Parfaitement conscient de la complexité du problème, l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, a d'ailleurs prévenu, au Caire, qu'il n'était pas envisageable de réunir la conférence destinée à trouver une issue politique — à un conflit qui a fait depuis mars 2011 plus de 115 000 morts — en l'absence d'une opposition syrienne «crédible». Autrement dit, le rendez-vous de Genève 2 ne tient toujours qu'à un fil. La situation est rendue davantage compliquée par le fait que l'Arabie Saoudite et le Qatar, les «parrains» d'une grande partie de l'opposition syrienne, ne veulent plus de Bachar Al Assad au pouvoir et ne croient pas à la possibilité d'une solution politique. Tout le monde sait que l'opposition syrienne fera ce que l'Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie lui diront de faire. Pour l'heure, il est clair que ces trois pays, qui ont investi beaucoup de temps et d'argent dans l'opération de renversement du chef de l'Etat syrien, voient d'un très mauvais œil le deal conclu récemment par Moscou et Washington sur la crise syrienne et dont l'une des clauses consiste justement à éviter la guerre et à tout miser sur un règlement politique. Cet élément explique un peu d'ailleurs le coup de gueule de Riyad, qui a refusé cette semaine de siéger au Conseil de sécurité. Il sera donc très dur de faire changer d'avis le roi Abdallah. L'expérience a montré néanmoins que seuls les Américains peuvent parvenir à «convaincre» l'Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie d'accepter de mettre un peu d'eau dans leur «leben» (petit-lait) et de donner une chance à la paix. Mais sans un «arrangement» américano-saoudien, il est peu probable que Genève 2 aboutisse. Car, actuellement, c'est surtout Riyad (qui a retrouvé son statut de leader du monde musulman après l'abdication surprise de l'émir du Qatar) qui paraît influer le plus sur le cours de la crise syrienne. Istanbul, un rendez-vous compliqué Une chose est certaine, c'est la semaine prochaine à Istanbul que l'opposition doit décider de sa participation à Genève 2. Et sans nul doute, ce rendez-vous décisif sera suivi de très près par la communauté internationale. Comme pour Genève 2, cette rencontre d'Istanbul s'annonce extrêmement compliquée car, par-delà le jeu de Doha et de Riyad, l'opposition syrienne est profondément divisée sur la question de sa participation. Par ailleurs, les deux protagonistes de la crise restent en total désaccord sur la place du Président dans une éventuelle transition. Le régime exclut tout départ anticipé de M. Al Assad alors que l'opposition en exil rejette toute transition prévoyant son maintien au pouvoir. Pour persuader tout ce beau monde d'aller à Genève 2, il faudrait tout simplement une sorte de «miracle diplomatique». Et encore, rien n'est évident du fait que l'équation syrienne est truffée d'inconnues. Pour tenter de rapprocher les points de vue, les ministres de 11 pays occidentaux et arabes et l'opposition syrienne modérée doivent d'ailleurs se retrouver demain à Londres. L'idée est, en effet, de préparer le mieux possible cette conférence et convaincre les plus réticents de la Coalition nationale syrienne (CNS) d'adhérer au processus. Le secrétaire d'Etat, John Kerry, doit également y participer. Ce qui est en soi un élément assez rassurant. Ces nouveaux efforts diplomatiques interviennent, rappelle-t-on, plus d'un mois après la conclusion d'un accord russo-américain sur le démantèlement de l'arsenal chimique syrien, qui a éloigné la menace d'une frappe américaine, lancée après une attaque chimique meurtrière imputée au régime, le 21 août, près de Damas. Ceci pour dire que, comme au temps de la guerre froide, quand les Etats-Unis et la Russie tapent du poing sur la table… tout devient possible. Sans nul doute, le poids de ce «couple» devrait être tout aussi déterminant dans le cas de Genève 2. A moins que…