Le bédéiste et caricaturiste brésilien Bira Dantas, présent à Alger en octobre, revient dans cet entretien sur son parcours, ses engagement et la construction artistique de la BD brésilienne. Tout un univers plein d'humour. -Vous êtes parmi les bédéistes les plus illustres du Brésil. Sur les routes depuis 1979… Absolument. Je fais de la BD, des caricatures depuis au moins 34 ans. J'ai adapté au 9e art les épisodes des humoristes Os Trabalhoes (groupe célèbre d'humoristes brésiliens, ndlr). J'ai fait la biographie en BD du Luiz Inacio Lulla Da Silva (président du Brésil de 2003 à 2001, ndlr). Le président Lulla a été quelque peu surpris de découvrir sa vie en BD ! Mais il a utilisé cette BD dans sa campagne électorale. J'ai apprécié la manière avec laquelle le président Lulla avait dirigé le Brésil. Notre pays est devenu plus amical dans ses relations avec les pays notamment l'Amérique du Sud, l'Afrique. -Parlez-nous de votre travail avec des syndicats brésiliens. C'est vrai. J'ai travaillé avec plusieurs syndicats en publiant des éditoriaux sous forme de cartoons. Par ailleurs, j'ai adapté à la BD des œuvres littéraires comme Don Quichotte de l'écrivain espagnol Miguel de Cervantès. Dans mon adaptation, Don Quichotte est humain, rêveur… J'ai adapté aussi des œuvres de la littérature brésilienne. Ces adaptations ont été très bien accueillies par le public au Brésil. C'est même devenu des manuels scolaires. Dans ce style de travail, je suis très sérieux, je me retiens. Mais dans les autres formes d'expression, je me lâche quelque peu. -Comment évolue la BD au Brésil actuellement ? Comme partout ailleurs dans le monde, le manga domine. Il enregistre les meilleures ventes et capte l'intérêt des médias. Mauricio de Sousa est un auteur de BD très populaire au Brésil. Il a publié plusieurs BD à l'adresse des enfants et des adolescents (il a notamment créé la BD Ronaldinho Gaucho dans laquelle il a imaginé l'enfance du célèbre footballeur, ndlr). Chaque mois, De Sousa vend plus de 400 000 de ses œuvres. Il vend donc plus que les productions de Disney, des super héros ou du manga. De Sousa utilise le langage du manga, les personnages du manga dans ses BD. Il a donc créé une nouvelle forme de BD alliant la structure traditionnelle aux codes contemporains, urbains. Il s'est quelque peu adapté aux exigences des jeunes lecteurs. Il a un studio où une centaine d'artistes travaillent à ses côtés. Les BD publiées par les journaux sont également populaires au Brésil (…) J'ai créé un personnage qui s'appelle Armadillo, sorte de super-héros qui n'a aucun pouvoir. Un homme normal qui a peur de tout, capable de faire un trou au sol pour se cacher, se protéger des méchants… -Est-ce que le public brésilien cherche les aventures des super-héros ? Oui, mais c'est un public qui se réduit au fil des ans. Les gens changent d'habitude de lecture, cherchent d'autres sujets. On sent un intérêt grandissant pour la BD franco-belge comme Asterix ou Lucky Luke. Les comics sont toujours présents, mais je pense que le temps est venu pour que les Brésiliens fassent la rencontre de la bande dessinée africaine. Nous n'avons pas de contact avec les auteurs d'Afrique. La BD africaine passe par l'Europe, la France notamment, pour qu'elle atterrisse au Brésil. Nous n'avons pas besoin d'intermédiaires. Nous devons recevoir directement la BD d'Afrique. D'où ma présence au Fibda. C'est ma première visite en Algérie. J'ai vu des images de l'Algérie avant de venir. J'ai marché dans la rue et j'ai remarqué que les Algériens ressemblent beaucoup aux Brésiliens. Il leur suffisait de parler portugais ! Nous avons donc beaucoup de choses en commun, de choses à partager. Maintenant, je veux manger des plats algériens et écouter de la musique algérienne. Tous les amis qui font de la BD au Brésil m'ont chargé de ramener des œuvres pour les donner gratuitement au public du Festival d'Alger. Ils m'ont dit : «Il faut que les Algériens aient une idée sur ce que nous faisons au Brésil dans cet art.» La BD brésilienne a beaucoup de référence est variée. -Quelles sont vos thématiques préférées ? J'ai une préférence pour les sujets politiques. Parce que le monde change, de nouvelles idées émergent, des contestations s'expriment à haute voix. Les gens dénoncent la corruption, le néocolonialisme… Je m'intéresse à la caricature politique. Mes meilleurs travaux sont réalisés dans ce domaine. Mes idées sont à gauche. Des gens m'ont fait le reproche d'avoir soutenu les présidents Lulla et Rousseff. Je leur ai dit que les deux présidents ont fait beaucoup de choses pour les petites gens au Brésil. Le pays a changé de visage grâce à leur action. Lulla était un Président populaire, Dilma Rousseff est plus technique mais veut atteindre les mêmes objectifs que son prédécesseur. Elle veut une meilleure répartition des richesses, s'occupe des classes les plus démunies, œuvre à réduire les disparités sociales.