L'auteur américain de la BD A.D. : New Orleans after the Deluge, Josh Neufeld est à Alger pour participer au troisième festival international de la bande dessinée d'Alger (Fibda). Hier, il a co-animé une conférence sur «La BD, les éditeurs face aux exigences du public et des auteurs». - Avez-vous une idée sur la BD algérienne ou africaine ? Nous sommes venus ici à Alger pour en apprendre davantage. Je ne connais bien la BD africaine. Il m'est arrivé de rencontrer des dessinateurs africains et voir leurs travaux. La BD de ce continent n'arrive pas aux Etats Unis, la traduction est presque inexistante.
- Même pour la BD anglophone ? J'ai déjà eu l'occasion de voir les travaux des Nigérians lors d'une exposition à New York. Malheureusement, il n'y avait pas de catalogue ou de livres à acheter. Je pense comme mon ami Brandon Jerwa (également à Alger pour participer au FIBDA, ndlr) qu'il y a un réel problème de disponibilité de la BD africaine aux Etats-Unis. Notre présence à des manifestations telles que le FIBDA nous permettent de nous ouvrir sur d'autres cultures et sur d'autres formes de BD.
- Les bédéistes américains ne se suffisent-ils pas à eux-mêmes et vivent-ils dans leur bulle ? Il y a beaucoup de mangas japonais et les seuls BD traduites aux USA sont les franco-belges telles que Tintin ou Astérix. Pour les autres BD, il y a un problème de la langue. Les Américains ne parlent pas beaucoup de langues. - Pourquoi le manga japonais a-t-il des fans dans le monde entier alors que les comics américaines sont peu présents ? Mais tout le monde connaît Superman, Batman et Spiderman, qui sont des bandes dessinées à l'origine. Une compagnie comme Marvell a tenté de traduire et de vendre la BD américaine en Europe. Cette opération n'a pas vraiment réussi. Les mangas, il y en a pour tous les goûts, servies à toutes les sauces. Par contre, la BD américaine reste figée sur l'image des super héros. Les ventes de BD sont en chute libre aux Etats Unis. La situation se dégrade d'année en année. Il y a vingt ans, les lecteurs de BD étaient fort nombreux. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les ventes de mangas, en revanche, sont en constante augmentation. Il y a même des auteurs américains qui se sont mis à faire des mangas. - Les auteurs de BD peuvent-ils traiter tous les sujets ? N'y a-t-il pas de limites ? Mon travail est très personnel. Je prépare mon œuvre et je la propose à l'éditeur. Libre à lui de la publier ou pas. - Autrement dit, la maison d'édition peut censurer un travail comme elle veut… Tant que je n'ai pas signé de contrat avec l'éditeur ou un arrangement préalable, je peux prendre mon travail et aller le proposer à autre éditeur qui acceptera de me publier. Dans mon album A.D., il y a un personnage qui proférait des injures. Mon éditeur m'a demandé de réduire ces injures. Pour moi, ce n'était pas une censure. C'était plutôt un conseil car il ne faut oublier le contexte dans lequel l'album a été fait. - Ce n'est pas de l'autocensure ? Le terme censure est trop fort. Il y a des lois américaines contre l'obscénité, la pornographie enfantine ou le racisme. Ceux qui sont sanctionnés généralement sont les acheteurs de ce genre de produits, pas les créateurs des BD. - Comment réagissez-vous à la polémique soulevée par les caricatures danoises sur le Prophète de l'Islam ? Je me place au milieu. Je suis Américain et je crois à la liberté d'expression et à la liberté de création. Cependant, je trouve que les caricatures danoises étaient offensantes et insultantes car elles avaient été faites avec l'intention délibérée d'offenser une communauté. Je n'approuve pas cela. J'aime bien cette citation de Voltaire : «Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire.» - Votre roman graphique A.D. : New Orleans after the Deluge a été classé parmi les meilleures ventes aux Etats-Unis. Comment avez-vous pensé à restituer la catastrophe à travers la BD ? J'avais été profondément affectée par ce qui s'est passé en août 2005 à la Nouvelle-Orléans. J'étais volontaire à la Croix-Rouge. J'ai aussi travaillé au Mississippi. Une année après la catastrophe naturelle, un site web m'a invité à m'exprimer sur Katrina sous forme de BD. Une fois mis en ligne, les gens ont apprécié ce travail. J'ai reçu beaucoup de messages d'encouragement. Et j'ai reçu les messages des habitants de Nouvelle Orléans notamment ceux qui ont vécu la catastrophe. Ils m'ont dit que la BD telle qu'elle a été présentée les a quelque peu soulagés. - Et là, vous travaillez sur des illustrations de The influencing Machine (la machine d'influence), une émission radio… Oui. C'est un genre d'hommage à la présentatrice Brooke Gladstone de la radio publique américaine NPR (la NPR est la seule radio publique aux Etats-Unis, ndlr). Brooke Gladstone présente une émission sur la presse, «On the media». Dans la prochaine BD, son personnage évolue à travers le temps. Elle est à Rome, dans l'Egyptienne ancienne, à Carthage. Cette BD sortira l'année prochaine. Cette présentatrice produit elle-même des BD.