Les propos sont ceux du secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saadani, condensés dans une longue dépêche postée jeudi par l'agence de presse britannique Reuters : «Le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) continuera à jouer son rôle, mais ne sera plus impliqué dans la vie politique, dans les partis, les médias et la justice.» Selon la même source, qui cite le même responsable, «Bouteflika veut faire adopter, avant l'élection présidentielle d'avril prochain, des réformes constitutionnelles visant à mettre fin au rôle politique des ''faiseurs de rois'' du puissant service de renseignement algérien». L'ancien président de l'Assemblée populaire nationale (APN), «désigné» à la tête de l'institution parlementaire par le chef de l'Etat après la démission de Karim Younès à l'entame de son deuxième mandat en 2005, a précisé, toujours à Reuters, que «le président Bouteflika était décidé à instaurer en Algérie une ''société civile'' et à limiter l'influence politique du DRS, qui joue un rôle central dans la vie politique depuis l'indépendance, en 1962». Le secrétaire général du FLN réitère : «Bouteflika est notre candidat. Il n' y a pas pour nous d'autre candidat pour l'élection présidentielle que lui», avant de lâcher une phrase qui laisse planer le suspense quant à la candidature du chef de l'Etat pour un quatrième mandat : «Il est encore trop tôt pour parler de ça.» «Le président algérien a déjà réduit l'influence du DRS, dirigé par Mohamed Mediène, en transférant à l'armée certains pouvoirs de l'agence de renseignement. Le chef d'état-major des forces armées est l'un de ses fidèles.» Le commentaire est de Reuters, qui croit savoir aussi qu'«une des réformes en préparation limiterait le nombre de mandats pour le Président et le vice-Président». Amar Saadani résume enfin : «Les réformes et la prochaine élection vont faire taire ceux qui nous dénigrent à l'étranger. Ils ne pourront plus dire que l'Algérie est dirigée par les généraux.» En fait, il y a plusieurs choses à retenir des déclarations du secrétaire général du FLN. Premièrement : il s'érige en porte-parole de la Présidence ou de ce qu'on appelle communément «le clan présidentiel», communique sur la volonté et les intentions du chef de l'Etat et étale ses projets en damant le pion au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, en abordant des questions dépassant largement le cadre partisan de l'ex-parti unique qu'il dirige. Deuxièmement : par sa déclaration sur les récents changements opérés par le chef de l'Etat dans certaines structures du DRS dirigé par Mohamed Médiène dit «Toufik», en servant à l'opinion publique une lecture qui accrédite la thèse selon laquelle il y a eu bel et bien un bras de fer au sommet de l'Etat et que Abdelaziz Bouteflika avait pour objectif, par le biais des décisions prises, la réduction du rôle du DRS. Mieux encore, Amar Saadani prend à contre-pied les communiqués et les démentis du ministère de la Défense nationale, qui avait nié l'existence d'un tel conflit, expliquant les récents changements par la volonté de parachever la professionnalisation de l'armée. Le très contesté secrétaire général du FLN est-il investi d'une mission non officielle par la présidence de la République qui est, selon des informations répercutées par la presse, pour beaucoup dans sa nomination à la tête de l'ex-parti unique ? Une chose est sûre : en justifiant les réformes constitutionnelles qu'il annonce essentiellement par l'intention du président de réduire le rôle du DRS dans la vie politique, Amar Saadani jette un pavé dans la mare et ouvre (ou rouvre) le front avec la structure dont il est question. Quand Saadani prend à contre-pied les démentis du MDN Troisièmement : le secrétaire général du FLN révèle aussi que la réforme constitutionnelle, contestée dans la forme et dans le fond par de larges pans de la classe politique, consacrera le retour à la limitation des mandats présidentiels à deux au maximum. Pour ainsi dire, l'argumentaire laisse perplexe en cela que le Président, qui avait révisé la Constitution en décembre 2008, à la veille de son troisième mandat, pour faire sauter le verrou constitutionnel qui l'empêchait de prolonger son règne, décide aujourd'hui de revenir à l'ancienne formule. S'agit-il d'un incroyable regain de ferveur pour le principe de l'alternance au pouvoir chez le chef de l'Etat ? Assurément non puisqu'on prête au Président, dont l'état de santé s'est considérablement dégradé après son accident vasculaire cérébral (AVC), la volonté de s'accrocher au pouvoir. Et Amar Saadani l'annonce expressément candidat à l'élection présidentielle d'avril 2014. On comprend, en réalité, que la hantise du clan présidentiel est moins le retour à l'alternance par la limitation des mandats que son souci d'introduire dans la nouvelle mouture constitutionnelle le poste de vice-Président pour assurer la continuité des tenants du pouvoir en cas de rechute grave du chef de l'Etat après 2014. En s'adressant à l'agence de presse britannique, le secrétaire général du FLN a pris soin, par ailleurs, de donner des gages à la communauté internationale quant à la réforme que le président Bouteflika s'apprêterait à faire. «Ceux qui nous dénigrent à l'étranger ne pourront plus dire que l'Algérie est dirigée par les généraux», assure Amar Saadani. Mais qu'est-ce qui a donc retenu, quatorze ans durant, le chef de l'Etat de réduire le rôle de la police politique pour ne le faire qu'aujourd'hui, à la veille d'une élection aussi importante et décisive que la prochaine présidentielle ? Beaucoup d'interrogations et surtout énormément de doutes entourent les vrais desseins d'une énième réforme constitutionnelle qui obéirait plus à un impératif de pouvoir qu'à un désir de doter le pays d'une Loi fondamentale pérenne, le mettant à l'abri de tentations totalitaires et le plaçant résolument sur la voie démocratique.