En tolérant (avec une extrême passivité de la police marocaine) qu'une bande de citoyens marocains excités attaque cet espace de souveraineté incontestable qu'est le consulat d'Algérie à Casablanca, ramenant le drapeau national, le Maroc vient de prouver qu'il est réellement à court d'arguments concernant ses relations avec l'Algérie. Même si la veille, le rappel de son ambassadeur avait été interprété froidement par Alger comme une pratique courante dans les relations internationales lorsque les raisons en sont précises et appréciées à leur juste valeur. Or, Rabat déclare avoir pris cette décision notamment en raison du discours à Abuja du président Abdelaziz Bouteflika, réitérant l'appui de l'Algérie au droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'extension du mandat de la mission de l'ONU au Sahara occidental à la question des droits de l'homme. Pourtant, devrait-on dire, il n'y a rien de particulièrement nouveau dans la position de l'Algérie qui se caractérise, au contraire, par une remarquable constance. Pourquoi alors vouloir à tout prix mettre en cause l'Algérie alors que le défunt souverain marocain Hassan II avait affirmé, en 1987, que la question du Sahara occidental n'a jamais opposé son pays et l'Algérie ? On croyait alors qu'une telle position était définitive, d'autant plus qu'elle avait ouvert la voie à des négociations officielles entre son pays et le Front Polisario. L'accord auquel les deux parties étaient parvenues prévoyait la tenue d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. L'ONU l'avait alors endossé en 1990 en en faisant son plan de paix, avec l'engagement solennel des membres du Conseil de sécurité. Sauf qu'une année plus tard, Rabat se rétractait sans être suivi par l'organisation internationale, ses membres refusant de faire le jeu du Maroc. C'est ce qui explique le blocage depuis 1991 du plan de paix, mais pas sa fin, puisque l'ONU fait elle aussi preuve de constance en voulant le faire appliquer, comme elle le fait depuis 1997, avec des émissaires du secrétaire général et un examen constant de cette situation. En outre, cette question est régulièrement examinée par la commission de décolonisation de l'ONU, malgré l'existence d'un plan de paix. C'est dire l'intérêt qui lui est accordé au plan international et le soutien au peuple sahraoui. Il est bien difficile d'oublier le camouflet subi par la diplomatie marocaine quand elle a voulu que la résolution soit votée, alors que, traditionnellement, c'est le consensus qui prévaut. Ou encore l'arrêt de l'ONU déniant au Maroc le statut de puissance administrante pour s'en tenir à la stricte vérité, celle de force d'occupation. Et quand Rabat, qui veut en établir d'autres et les faire accepter, soulève la question des frontières, il lui est répondu qu'aucune menace ne pèse sur celles qui ont été reconnues par l'ONU. Un autre échec. Ce sont bien les Etats-Unis qui ont refusé, en 2005, d'inclure le territoire du Sahara occidental dans l'accord de libre-échange conclu avec le Maroc et qui ont proposé au mois d'avril dernier un projet de résolution prévoyant l'élargissement du mandat de la Minurso. Le roi du Maroc, en totale perte de vitesse et soumis à la contestation intérieure, doit avoir bien d'autres raisons pour agir ainsi et permettre la violation du consulat d'Algérie à Casablanca, un acte tout à la fois ridicule et d'une extrême gravité au regard du droit international et du principe de l'inviolabilité des représentations diplomatiques.