Très maladroitement, Rabat s'est piégée elle-même en tentant de placer Alger dans l'oeil du cyclone. Le royaume de Mohammed VI joue-t-il bel et bien avec le feu? En témoignent, notamment, les terribles contrevérités et affabulations contenues dans le communiqué pondu par son ministère des Affaires étrangères pour torpiller la visite d'Ouyahia au Maroc, comme il en avait été question le 21 mars passé entre le président algérien et le souverain marocain. Sans doute irrité par la force tranquille de l'Algérie, car n'ayant absolument rien à se reprocher, le Maroc a décidé d'aller vers une nouvelle escalade dont il semble mal mesurer les conséquences puisqu'il est en train de monter sa diaspora contre notre pays. Des preuves irréfutables existent, qui attestent que les manifestations anti-algériennes organisées ces derniers jours devant nos ambassades à Paris, Madrid, Frankfurt et Montréal sont l'oeuvre du Palais royal. Même nos consulats à Oujda et Casablanca ne sont pas épargnés. Or, il est établi, comme le démontre le tract en notre possession, que les rendez-vous sont pris devant les ambassades et les consulats marocains comme point de ralliement à ces manifestations. Ce sont les services secrets marocains qui sont derrière tout cela, y compris la confection des tracts en question. Cette campagne, qui n'a rencontré qu'indifférence de la part des autorités algériennes, est relayée par de féroces attaques de la part de la presse marocaine, inféodée en grande partie à des cercles du pouvoir ou des partis tous acquis à la thèse colonialiste de Rabat. Cette tension entretenue à l'extrême, qui ne semble pas avoir dit son dernier mot puisque les desseins poursuivis par Mohammed VI ne sont pas encore clairs, pourrait dégénérer si la très forte communauté algérienne basée à l'étranger venait à réagir à son tour pour aller vers des manifestations gigantesques, n'ayant rien à voir avec les quelques dizaines de «sujets» marocains que les agents du Makhzen ont trouvé beaucoup de mal à acheminer jusqu'aux portes de nos représentations diplomatiques basées à l'étranger. Le Maroc face à ses difficultés internes, Rabat est en train de perdre toute contenance, et d'accumuler les bourdes sur le plan diplomatique tout en vivant en parallèle une grave crise sécuritaire, économique et sociale. Même la très timide expérience démocratique tentée par le défunt Hassan II, a été sanctionnée par un lamentable échec puisque le Palais a renoncé à «traiter» avec les partis de l'opposition alors que la presse y est très largement contrôlée, comme le confirment tous les témoignages faits par les spécialistes de ce pays. Le monde n'est pas dupe Rabat, dans son obstination, ne cherche rien moins qu'à monter l'un contre l'autre deux peuples voisins et frères. Cela relève toutefois du domaine de l'impossible, comme l'expliquent des sources diplomatiques algériennes pour qui la meilleure riposte à une campagne aussi «calomnieuse» et «ordurière» ne saurait être que le silence méprisant puisque le monde entier a pleinement conscience de ce qui se passe dans cette partie du monde et des droits de chacun. Il est évident pour tous que l'Algérie, qui soutient tous les peuples voulant s'émanciper dans le respect du droit international, ne se considère nullement liée au Maroc par la question du Sahara occidental. «Celle-ci est du ressort exclusif des Nations unies», tiennent à nous expliquer des sources diplomatiques algériennes. Alger a, jusqu'ici, évité les écueils dans lesquels voulait l'entraîner Rabat, à savoir une polémique sans fin pour faire accroire au monde que le conflit du Sahara occidental concernerait ces deux pays. Or, il n'en est strictement rien. Rabat, dans son communiqué, a même tenté d'accréditer la thèse selon laquelle un deal aurait pu été conclu entre Bouteflika et Mohammed VI lors de leur rencontre de Zéralda du 21 mars passé. Notre pays, fidèle à ses traditions, qui a payé le prix fort de son indépendance, ne saurait pas cesser de soutenir des principes de droit international sans remettre en cause sa propre existence. C'est sans doute cette constance de vue, qui concorde parfaitement avec la vision du conseil de sécurité de l'ONU, qui semble le plus irriter les autorités marocaines, poussées jusqu'au fin fond de leurs retranchements, au point d'accumuler présentement les bourdes diplomatiques. Pour se convaincre de la justesse de vue algérienne, faut-il rappeler que Rabat avait accepté le principe d'autodétermination du peuple sahraoui depuis 1981 au sommet de Naïrobi? Il a cependant opéré moult replis stratégiques et manoeuvres dilatoires dans le seul but d'empêcher que ce scrutin ait lieu. Il s'agit là d'un aveu très clair que le peuple sahraoui n'est pas marocain. Le Palais le croit en tout cas assez fort, au point de l'empêcher de s'exprimer librement et souverainement. Un véritable massacre n'est-il pas commis présentement à huis clos dans les territoires occupés? De la bonne volonté d'Alger Les «manifestants marocains», loin d'agir «spontanément», ont beau jeu à évoquer les fameux «séquestrés» de Tindouf. En effet, la libération des détenus marocains devait entrer dans le cadre d'un plan global de règlement de la crise sahraouie, tel que défini par la quatrième commission onusienne traitant des questions de décolonisation à travers le monde. Cette question, posée bien avant le démarrage du processus d'édification de l'UMA, ne lui est liée en aucune manière. Or, Alger a été le seul pays à assister à l'ensemble des sommets de ce groupe avec la plus haute représentation, à savoir celle de ses chefs d'Etat successifs. Elle a également accepté le lourd sacrifice de présider l'UMA pendant neuf longues années, au plus fort de sa crise sécuritaire, pour empêcher que cette union ne soit enterrée, comme le voulait le Maroc dans son chantage désormais éventé. Quant aux relations bilatérales entre les deux pays, il ne fait aucun doute, là encore, qu'Alger a tout fait pour les mener au «niveau d'excellence» souhaité par les deux peuples en optant carrément pour une relance globale et inconditionnelle à la faveur de la visite d'Ouyahia, censée intervenir après celle de Belkhadem. Cela, en dépit de l'instauration des visas de manière unilatérale par le Maroc, doublée de graves accusations, démenties depuis, lancées à l'encontre de notre pays à la suite de l'attentat terroriste commis au Maroc en 1994. C'est Rabat qui a donc rejeté, sans raisons recevables, l'offre de normalisation entre nos deux pays. Elle lui a préféré des médiations qu'Alger a catégoriquement rejetées partant du principe que le Maroc est un pays frère, voisin et s'exprimant dans la même langue. Toujours est-il que la campagne actuelle, menée tous azimuts contre notre pays, n'augure rien de bon, puisqu'elle annonce peut-être de nouvelles escalades de la part d'un pays qui tente de «dominer» ses véritables crises internes en optant pour la diversion.