Une semaine après la dérive inexplicable des Etats-Unis au Conseil de sécurité, Washington se propose comme médiateur entre le Front Polisario et le Maroc. Les USA ont-ils l'intention de déstabiliser le Maghreb? Après une mauvaise passe au Conseil de sécurité, lors des débats de la dernière résolution sur le Sahara occidental, les USA proposent à Rabat une médiation. Ce n'est pas innocent. Quelle marge de crédibilité auront donc ces négociations préconisées par le Conseil de sécurité si les Etats-Unis d'Amérique se proposent de la chapeauter? Surtout lorsqu'on sait que ce pays, en total divorce avec les valeurs des droits de l'homme, a appuyé, sans réserve aucune, le projet «d'autonomie» marocain, antinomique avec le droit des peuples à l'autodétermination. Les ambassadeurs américains dans les pays du Maghreb ne cessent de multiplier les échecs. Le représentant des USA à Rabat, Thomas Riley, a déclaré que son pays était «prêt à faciliter les négociations» entre le Maroc et le Front Polisario en vue de trouver une solution au conflit. Selon toute vraisemblance, les Etats-Unis ne sont prêts que pour des négociations à la mesure des attentes du royaume alaouite. Sinon, comment expliquer le soutien des USA aux thèses marocaines -qui vont à l'encontre des principes de la Charte des Nations unies- lors du dernier débat du Conseil de sécurité de l'ONU sur la question sahraouie? Une semaine après la dérive inexplicable des Etats-Unis, Washington, par la voix de son ambassadeur à Rabat, déclare que les USA «espèrent voir dans les prochaines semaines des négociations entre les deux parties et en tant que pays ami, on a proposé de faciliter cette rencontre». Visiblement, la volonté du pays de Georges W.Bush souffre de crédibilité, et l'entrée en jeu des USA constitue, qu'on le veuille ou non, un haut risque pour l'avenir des négociations. D'autant plus que le diplomate américain à Rabat a salué, une fois de plus, «l'initiative du Maroc d'accorder un statut d'autonomie» au Sahara occidental, remettant sur le tapis un projet mort-né et clairement rejeté par la résolution 1754 qui n'en fait aucune mention. Une politique ambiguë aux contours flous. A quoi joue Washington qui avait décidé, il y a de cela quelques jours, de fermer son consulat à Casablanca? Une décision prise au lendemain des deux attentats kamikazes qui ont visé le consulat et le Centre culturel US dans la métropole marocaine. Seul le motif sécuritaire a été avancé. Et, c'est le même prétexte allégué pour justifier le soutien des USA aux manoeuvres marocaines sur le Sahara occidental. Autrement dit, les USA croient que l'autonomie du Sahara est la clé de la sécurité alors que c'est le contraire qui risque d'être vrai avec la reprise de la violence dans cette région. En fait, seul le règlement de la question sahraouie, par une consultation populaire sur le principe de l'autodétermination, est en mesure de sécuriser la région. Le Maroc qui voulait «quaïdiser» le combat du peuple sahraoui a-t-il réussi à «domestiquer» la position américaine? Politiquement, la voix des représentants diplomatiques est loin de constituer une position officielle. Mais, leurs sorties controversées risquent de compliquer les choses. L'on se rappelle de la position de l'ambassadeur américain à Alger au sujet du plan «d'autonomie» qu'a proposé le Maroc. Robert S. Ford avait déclaré à l'Expression que «le projet d'autonomie marocain est vide». Cette déclaration s'est avérée n'être, en fin de compte, qu'un jeu diplomatique, dire une chose pour les uns et le contraire pour les autres. Or, quelques semaines plus tard, les USA ont changé pour s'aligner sur une position marocaine qui ne pouvait mener qu'à l'impasse. Deux hypothèses s'imposent: ou bien les ambassadeurs américains aux pays du Maghreb, notamment en Algérie et au Maroc, ne savent plus sur quel pied danser, ou bien les USA ont l'intention d'appliquer une nouvelle stratégie dans la région. Une chose est sûre, la politique étrangère américaine est toujours émaillée de graves dérives, pour ne pas dire autres choses. L'on s'interroge sur ce que sera le devenir de cet intérêt brusque accordé par Washington à la question sahraouie et, par ricochet, à la région du Maghreb. Si cela venait à être confirmé, ce serait, sans l'ombre d'un doute, un autre danger pour la région. En toile de fond figure la volonté US d'installer un commandement militaire unifié en Afrique du nord. Pour y parvenir, tout semble bon pour les Etats-Unis y compris de jouer un jeu risqué qui menace de mettre la région maghrébine à feu et à sang.