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La martyre sans sépulture
Yamouna Gamouh. Héroïne de la révolution
Publié dans El Watan le 03 - 11 - 2013

Beaucoup de jeunes se sont sacrifiés pour leur patrie, dont des femmes, telles des fées de la liberté.
Connaissez-vous Yamouna Gamouh ?» Cette question, on peut la poser à n'importe quel habitant de Skikda, jeune ou moins jeune. La réponse est presque machinale: «Oui, je connais Yamouna Gamouh, c'est le CEM situé près de Bab Qcentina.» Yamouna Gamouh, avant d'être cette dénomination sur le fronton d'un CEM, était une frêle et belle jeune fille qui a abandonné ses rêves pour épouser le destin de tout un pays et qui a fait honneur à Skikda, cette ville qui a donné le meilleur de sa jeunesse pour la cause nationale mais qu'on a délestée, depuis l'indépendance, de tous ses titres de noblesse. L'histoire de Yamouna n'a pas été facile à remonter.
Pour retracer le parcours de cette icône de la femme nationaliste de Skikda, il a fallu revenir sur des souvenirs familiaux et aussi sur des témoignages de ceux qu'elle avait côtoyés dans les maquis d'El Alia, à l'est de Skikda. Ce n'est pas facile de retrouver les traces de cette jeune femme dont on parle peu. D'ailleurs, c'est une martyre sans sépulture. Yamouna est née un 18 février 1936 à Sidi Mezghiche. Madani, son père, disposait de quelques biens et était connu pour être un homme d'une grande culture. Pieux et surtout très respecté, il était un membre incontournable de l'association des Ouléma musulmans dans la région.
Nationaliste, indépendantiste, il militait au PPA et veillait à honorer ses cotisations. «Mon père aimait la langue arabe et je me rappelle très bien qu'il nous interdisait fermement d'écouter les stations de la Radio française. Il nous obligeait presque à n'écouter que les émissions des ondes arabophones» témoigne Zlikha Guemouh, la sœur de Yamouna et veuve aussi de feu Salah Mellouki l'un des plus jeunes Skikdis à avoir rejoint le maquis.
Enfants de nationalistes
Les activités du père Madani, père de Yamouna, n'allaient pas tarder à lui attirer des ennuis. L'administration coloniale, au su de ses activités nationalistes, mettra sa machine en marche et fera tout pour le ruiner. Sans biens, et comprenant qu'il n'avait rien à faire à Sidi Mezghiche, Madani emmène ses enfants à Skikda où il loue une pièce-cuisine, à Zkak Arabe (quartier arabe) près de Kahouat Alidra (café Alidra). «Quand nous sommes venus à Skikda en 1950, Yamouna avait déjà décroché le certificat d'études primaires en langue arabe et française. Elle est aussitôt partie suivre des cours secondaires en accompagnant la famille de sa sœur aînée à Aïn Touta dans la wilaya de Batna. Elle aidait le mari de sa sœur à enseigner tout en poursuivant ses études en langue arabe et en langue française aussi puisqu'elle s'était inscrite dans les cours par correspondance dispensés par une école de Toulouse, en France», témoigne Zlikha. Peu de temps après, elle rentre à Skikda. Elle se met aussitôt au service des enfants de son pays en devenant enseignante à l'école El Irchad. Ecoutons plutôt sa sœur revenir sur ce sujet «Elle enseignait plus de 10 heures par jour.
De 8h à 16h, elle dispensait des cours de langue arabe aux petits enfants et à 17h, elle remet son tablier pour accueillir les enfants algériens qui suivaient leurs cours dans les écoles françaises pour leur apprendre l'arabe. En même temps, elle devait aider financièrement la famille. Je dirai même qu'elle était le chef de famille puisqu'en plus de l'enseignement, elle était également une bonne couturière. Ma sœur était très timide. D'ailleurs pour aller rejoindre l'école où elle enseignait et qui est située dans le quartier arabe, et, même si elle était très coquette, elle mettait Lemlaya pour qu'on ne la reconnaisse pas dans ce quartier toujours grouillant de monde et faisait un grand détour pour rejoindre ses élèves». En plus de cette activité, Yamouna s'occupait de tâches administratives relatives à la Révolution. «On était en contact avec la famille Bouzenad d'El Kobbia et Yemmouna s'occupait de transcrire les cotisations et autres activités administratives en relation avec la Révolution», ajoute Zlikha. En 1958, le père Madani informe sa fille qu'elle est appelée à rejoindre le maquis d'El Alia. «Je me souviens qu'elle m'avait regardé longuement avant de me dire : prie Dieu que je ne tombe pas entre les mains de l'ennemi.»
Une enseignante au maquis
La voilà avec plusieurs autres filles de Skikda dans les maquis d'El Alia. Le 20 août 1955 a fini par faire de ces lieux un immense maquis qui va des Platanes jusqu'à Lemssaoussa de Guerbès. Les conditions de vie sont difficiles dans cet immense massif et les moudjahidine sont souvent appelés à changer de lieux. Frêle et très réservée, la petite Yamouna a eu à faire face avec ses sœurs de combat à cette nouvelle réalité pas toujours facile.
Quel était donc le rôle de Yamouna et dans quelles conditions a-t-elle été abattue par l'armée coloniale ? Pour avoir une réponse, il a fallu faire plusieurs recoupements auprès des moudjahidines qui ont fait les maquis d'El Alia. Il faut cependant préciser que ce n'était pas une tâche facile car El Alia et contrairement à d'autres régions de Skikda se caractérisait par une présence massive de femmes, ce qui risque d'induire certains témoins à l'erreur en confondant, involontairement, les noms des femmes révolutionnaires d'El Alia. Une chose reste sûre: Yamouna n'a pas été abattue par l'aviation militaire française mais plutôt par une balle en pleine tête. Une autre évidence : tous les témoins qui ont été sollicités insistent sur les traits de caractère de Yamouna en la décrivant tous comme étant «une jeune fille bien élevée et très sympathique». «J'ai eu à rencontrer Yamouna alors que j'étais à El Alia. Elle s'occupait des tâches administratives et faisait même office de secrétaire», rapporte Titouah Mokrane.
La même information est rapportée par Boumendjel Boulesnane qui était le responsable du secteur d'El Alia. «Yamouna était très active et vu son niveau d'instruction elle était chargée de tout ce qui concerne l'administration du maquis. C'était une brave fille», témoigne M Boulesnane. Pour le volet humain, Zohra Bechiri, assez vieille aujourd'hui et qui habitait à El Alia à cette époque, se rappelle encore de la jeune Yamouna.
Elle dira :«Elle venait souvent chez nous en compagnie d'autres femmes moudjahidates. Il y avait Djamila Lemkassar, Saliha Hammouda, Boufnaz Habiba, Djebbar Sakina, Sayad Saliha. Il leur arrivait même de passer la nuit chez nous. J'avais 18 ans et je me souviens très bien de Yamouna et son image est encore gravée dans ma mémoire. Notre amitié était très grande. Elle était gentille et très sympathique. Elle semblait même très heureuse et il lui arrivait de fredonner quelques airs de l'époque. Quand elle venait, elle était toujours habillée en treillis militaire et dès qu'elle m'aperçoit, elle vient vers moi me demander de lui donner d'autres vêtements et de lui préparer la Kesra (galette) qu'elle aimait beaucoup. Elle avait un cœur en or. Je ne me rappelle pas de la date de sa mort mais je me souviens que le jour où elle a été abattue, la nouvelle avait fait le tour d'El Alia : Yemouna est morte ! Yemouna est morte ! Je me souviens de ces phrases qui ont fait le tour des maisons éparses d'El Alia où elle était très appréciée.»
Le même témoignage est rapporté par Maghlaoui Fatima, âgée aujourd'hui de plus de 80 ans. «Oui j'ai connu Yamouna. Elle était belle et assez chétive. C'est elle qui m'a soignée lorsque, jeune, j'avais subi une intervention chirurgicale. Elle était aux petits soins avec moi, m'aidait, changeait mes pansements. Ses amies, pour la taquiner, lui demandaient pourquoi elle faisait tant avec moi et leur répond : cette femme m'a dorlotée quand elle n'était pas malade. Elle m'a toujours préparé la Tamina quand je passais chez elle. Ce qui est vrai car elle était tellement sympathique qu'elle était devenue comme une sœur pour toutes les femmes d'El Alia». Pour les conditions de sa mort, Maghlaoui Fatima ne se souvient pas de la date. «Je sais seulement qu'elle a été abattue par l'armée française. On a appris par la suite que sa dépouille a été emportée par les Français». Mais comment est morte cette femme connue aussi pour sa grande pudeur ? Côté officiel, on avance qu'elle est morte en 1960. Plusieurs témoins ayant connu les maquis d'El Alia ne se souviennent pas, dans le détail de la date et des conditions de sa disparition. Il fallait donc recouper toutes ces informations et trouver un témoin qui faisait partie de son propre groupe le jour de sa mort pour pouvoir en parler. Après moult tentatives, on parvient à trouver la bonne personne.
Morte sur un rocher
Il s'agit de Chebel Boumendjel, dit Saâd. Il accepte de témoigner, disant : «Je suis monté au maquis d'El Alia le 17 août 1955. Yamouna, que j'appelais Yamina, est venue bien après. Je me souviens très bien d'elle car elle faisait partie du même groupe que moi. Je ne peux pas vous dire la date exacte de sa mort, mais je peux affirmer qu'elle est morte sous mes yeux.» Il arrête sa narration un long moment comme s'il revivait la scène de la mort de Yamouna une seconde fois. Puis il reprend : «On était plus de six moudjahidines dont Yamina et la femme de Ali El Felfli. On devait se déplacer vers un autre endroit et c'est en arrivant à Ech Eddeb près de Aïn Mohgen que des militaires français nous ont vus. Aussitôt on a essayé de nous cacher dans les buissons qui entourent ces lieux. Yamina voulait voir si les militaires étaient toujours à leur emplacement initial. Elle s'est glissée, à plat ventre au fond des buissons pour parvenir à un rocher qui dominait les lieux. Je l'ai vu et j'ai eu peur pour elle. J'ai alors enfreint le silence qu'on s'imposait et je l'ai appelé : Yamina…descends vite de ce rocher…descends ! et là, une balle tirée par un soldat français est venue se nicher dans sa tête.
Yamina est tombée. Pris de panique, on a tenté de fuir avant qu'une deuxième balle vienne abattre Rabie Bouhouita. On est restés cachés. Quelques heures après, les soldats français sont repartis car une autre bataille menée par le groupe de Daïboune et de Chebel Amor se tenait au même moment à Oued Leksob, non loin de l'endroit où on se trouvait. On a alors enterré, dans la précipitation, Yamouna et Rabie et on est repartie.» Les deux tombes creusées dans une terre sablonneuse ne tiendront pas devant le temps et aujourd'hui il n'en persiste aucune trace. Voilà une partie de l'histoire de Yamouna Gamouh qui aurait fêté ses 73 ans cette année. Elle aurait même eu plein d'enfants et d'arrières-petits enfants dans une Algérie qu'elle aimait. Mais Yamouna a fini par avoir sa revanche sur le destin en devenant la mère de milliers d'enfants de son pays qui arpentent chaque jour le perron de ce même CEM qui porte désormais son nom.


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