Même si Israël entend le saborder par ses activités répressives, le dialogue interpalestinien avance plutôt bien. Mais tout semble indiquer qu'Israël refuse que le président de l'Autorité palestinienne à l'origine de cette initiative que l'on dit bien acceptée, notamment par les Américains, apparaisse comme le maître du jeu, et qu'il déjoue la propagande d'Israël selon laquelle il n'a pas d'interlocuteur palestinien. C'est en tout cas le sens de cette attaque perpétrée hier dans la bande de Ghaza tuant cinq Palestiniens et qui n'a pour conséquence que radicaliser davantage les positions. Déclencher une spirale infernale qui servira de prétexte à Israël pour des actions unilatérales. Lundi, le leader palestinien Mahmoud Abbas s'était entretenu de nouveau avec les représentants des différents mouvements qui tentent de parvenir à une plateforme politique permettant une sortie de la crise politico-financière dans les territoires palestiniens. A l'issue de plus de deux heures de discussions, le président du Parlement, Aziz Doweik, issu du mouvement islamiste Hamas, a fait état de « progrès », estimant qu'une entente pourrait être conclue avant l'expiration du délai de dix jours fixé jeudi par M. Abbas. « L'atmosphère est très positive et nous commençons à nous approcher d'un accord », a pour sa part déclaré Moustapha Barghouthi, chef du parti Palestine indépendante. Le président Mahmoud Abbas a créé la surprise jeudi à l'ouverture du « dialogue national » entre les factions palestiniennes en donnant dix jours au Hamas pour qu'il modère ses positions, faute de quoi il organisera « sous 40 jours » un référendum sans précédent sur un plan proposé pour sortir de la crise. La consultation portera sur un « document d'entente nationale » préparé par des cadres des principaux mouvements palestiniens détenus en Israël et qui suggère notamment de confiner la « résistance » aux territoires occupés - c'est-à-dire la fin des attentats en Israël - et la création d'un Etat palestinien dans les territoires occupés par Israël depuis 1967. Ahmad Majdalani, du Front de lutte populaire, a affirmé que M. Abbas avait réitéré, lors de la rencontre de lundi, qu'il « n'aura pas d'autre choix que de consulter le peuple par voie de référendum si le dialogue échoue ». Autant dire que Mahmoud Abbas entend réunir entre ses mains tous les atouts, et ne pas en donner au Hamas, et d'ailleurs sa proposition d'organiser un référendum a été sévèrement critiquée lundi par le ministre des affaires étrangères, Mahmoud Zahar, dirigeant du Hamas. « Ce processus a un coût alors que nous avons besoin d'argent. Nul ne reconnaîtra Israël, ce n'est pas la peine d'avoir un référendum », a affirmé M. Zahar. « Nous n'avons pas peur d'un référendum, mais c'est une perte de temps et d'argent », a-t-il ajouté. Tawfik Abou Khoussa, porte-parole du Fatah, s'est interrogé sur les raisons qui poussent le Hamas à refuser un référendum. « Ils disent que la majorité de la rue soutient leur programme politique. Pourquoi alors existe-t-il une telle peur panique face à l'éventualité d'un référendum ? », a-t-il déclaré. L'entourage de M. Abbas croit que le président palestinien est en mesure de remporter le référendum. « Le référendum est un risque, mais c'est un risque calculé », estime l'analyste politique palestinien Ali Djarbaoui. « L'initiative des prisonniers lui a fourni l'occasion de mettre le Hamas en difficulté, de l'acculer », souligne un autre analyste palestinien, George Giacaman. Mis au pied du mur après la suspension des aides directes internationales, le Hamas pourrait trouver dans l'initiative de M. Abbas une porte de sortie, sans qu'il apparaisse comme se pliant aux pressions internationales mais comme montrant qu'il reconnaît la légitimité populaire dont il se réclame sans cesse. Selon un récent sondage publié par l'institut Near East Consulting de Ramallah, le document est soutenu par 80% de la population palestinienne. Ce qui est à l'avantage de Mahmoud Abbas qui utilise à son profit un très long parcours politique dont le point culminant est le processus de négociation avec les Palestiniens ayant conduit aux accords d'Oslo et qu'il avait dirigés en personne. C'est ce qui l'a d'ailleurs sorti de l'ombre en 1993. Sa force, c'est sa perspicacité et sa parfaite connaissance des dossiers, et sa maîtrise de l'art de la négociation. Il n'a toutefois pas manqué, et avant même d'apposer sa signature au bas du document le 13 septembre 1993 dans les jardins de la Maison-Blanche, de se montrer d'une extrême prudence, en raison de la position que les Israéliens allaient adopter, et qui avaient fait eux aussi le pari de la paix. Un pari risqué comme on le constate avec ce refus de la paix. C'est ce qui avait amené Mahmoud Abbas à dévoiler d'autres stratégies, comme ce qu'il appelle la démilitarisation de l'intifadha, peut-être mal comprise par les partisans de la lutte armée. Et avec son projet de référendum, il doit normalement avoir en main, un accord total des Palestiniens pour son projet de négociations avec Israël. A condition, toutefois, que celui-ci accepte le principe de négociation.