Que d'encre a coulé depuis la promulgation du décret 05-405 fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement ainsi que les conditions de reconnaissance d'utilité publique et d'intérêt général des fédérations nationales et ce, sur deux points essentiels qui ont trait à la limitation du mandat, d'une part et à la majoration des effectifs d'experts désignés par la tutelle, d'autre part. Il semble pour le moins paradoxal que ce texte, du moins très attendu après les récentes déconvenues de notre élite sportive nationale, n'ait suscité que très peu de débat en réalité, si l'on prenait en compte la dimension du mouvement sportif national dans sa large composante et la portée du texte. En effet, le débat autour d'un texte de cette importance n'a touché en fait qu'une frange très restreinte de la population sportive pour ne se limiter qu'à l'avis de certains présidents de fédération qui y voyaient une forme d'ingérence de l'Etat dans ce qu'ils considèrent comme leurs affaires exclusives. Il est vrai que le texte visé, de par son impact, aurait dû faire l'objet d'une plus large communication impliquant tous les canaux de la tutelle et de son prolongement au niveau local à travers les directions de wilaya, les centres d'information et d'animation de la jeunesse, les instituts de formation du secteur, les ligues et les clubs sportifs et l'ensemble du réseau associatif. Cette démarche aurait pu permettre une large information des acteurs du secteur qui ne pouvaient qu'accueillir favorablement les nouvelles dispositions, les défendre auprès de l'opinion publique en général et sportive en particulier et même se mobiliser pour soutenir la volonté de mener un train de réformes visant l'assainissement du mouvement sportif national et la promotion de la pratique sportive en Algérie et celle de notre élite au plan international. C'est pour cela que la mesure de renforcer la composante de l'assemblée générale par l'apport d'experts, dans la proportion de 30%, ne peut qu'être salutaire pour le devenir du sport national livré en bloc à des apprentis sorciers qui n'avaient pour seul objectif que d'en tirer des profits personnels devant la passivité, si ce n'est la complicité des services et organes de contrôle. Le résultat est connu aujourd'hui : débâcle de nos sélectionnés à Athènes, élimination de notre onze national du mondial 2006 et pour la première fois à la coupe d'Afrique des nations, élimination de notre sept national du mondial de hand et modeste 5e place à la dernière coupe d'Afrique et la prestation plus que médiocre, et même si cela était attendu, de notre élite en athlétisme aux derniers championnats du monde d'Helsinki ; sans doute notre plus mauvais résultat depuis 1991 à Tokyo, le seul espoir permis reste offert par nos valeureux judokas. Si la responsabilité de ces échecs peut être imputée à plusieurs facteurs endogènes et exogènes qu'un audit pourra très certainement cerner, il est néanmoins patent de constater, qu'en grande partie, ces raisons sont à rechercher dans la mise à l'écart des techniciens et experts formés à grands frais, et pour leur majorité, dans nos instituts nationaux et qui ont apporté la preuve de leur compétence, leur palmarès est là pour en témoigner, en Algérie et à l'étranger. Marginalisation des techniciens et des experts Or, parmi ces techniciens et en vue de la consolidation des fédérations spor-tives, le ministre de la jeunesse et des sports a jugé utile la nomination d'experts dans chacune des disciplines. Il serait avant tout utile de relever un détail, qui semble avoir échappé à la vague de protestation et de dénigrements soulevés par certains responsables fédéraux à l'égard du texte au travers une campagne tous azimuts, laquelle, comble de l'ironie, visait même l'implication des instances sportives mondiales pour remettre en cause un décret engageant l'autorité de l'Etat algérien et appelant à écarter nos représentants, athlètes et clubs, de la participation à toute manifestation sportive mondiale au nom d'une certaine liberté, très souvent absente de leur répertoire dans l'exercice de leurs fonction nationale, détail ô combien important, puisque le décret stipule 30% au plus, ce qui laisse la porte ouverte à l'adaptation de ce taux à la réalité de chaque fédération. Cela dit, le décret reste muet sur ce plan, sur les profils des experts désignés par l'autorité de tutelle, sur leur statut et sur les missions qui leur sont affectées. En effet, ces techniciens, une fois désignés et élus, se voient très souvent oubliés voire même ignorés ; l'espace d'un mandat, par ceux-là mêmes qui les ont désignés sous le qualificatif pédant d'expert. Or, que recouvre ce qualificatif ? Au plan sémantique, ce terme est défini comme spécialiste dont le métier consiste à faire des évaluations ou des constats, ou encore comme une personne qui a de très bonnes connaissances (dans un domaine particulier). Il est aussi compris parfois comme une personne nommée d'office pour donner son avis sur une question de sa compétence. Ces définitions représentent à elles seules des charges, même théoriques, permettant la détermination des profils ; et donc les critères de désignation, mais aussi et surtout les missions attendues de ces personnalités du sport, qui assez souvent se trouvent consultants au niveau des instances internationales. Alors pourquoi les ignore-t-on chez nous et pourquoi leur donne-t-on ce titre éloquent sans que dans la pratique, l'on puisse constater réellement et la pertinence de leur désignation, leur apport pour la promotion du sport et le résultat de leur exercice au titre de la représentation de l'autorité de nomination, le ministère de la jeunesse et des sports en l'occurrence et donc l'Etat algérien, qui concoure pour l'essentiel dans le financement des fédérations sportives nationales. Dans la pratique, en effet, ces experts rejetés dans leur majorité par les fédérations, la polémique engendrée par la promulgation du décret 05-405 en témoigne, se trouvent de fait marginalisés par l'autorité de nomination, dès lors qu'ils ne se trouvent consultés que dans de rares cas, si tant est que le choix ait effectivement ciblé les meilleurs. En effet, aucun rapport ne leur est exigé par la centrale, ils ne sont jamais réunis pour débattre de leur mandat et aucune exigence ne leur est imposée en leur qualité de représentants de la tutelle. Leur présence au niveau de chaque fédération doit obéir, en fait, au souci de l'Etat de voir ses orientations concrétisées sur le terrain, en matière de développement, en matière d'aboutissement des objectifs assignés aux représentants de l'élite algérienne, mais aussi et surtout à la défense de l'éthique, bien malmenée durant ces dernières années, et cela même au sein des structures et organes chargés de sa promotion ; structures censées participer à l'encadrement de notre jeunesse, son épanouissement et de la meilleure représentation de notre pays à l'étranger. Alors comment tirer au maximum profit de l'exercice de nos experts au sein des structures et organes du mouvement sportif national ?... Il serait souhaitable en premier lieu et pour mieux asseoir la position de ces derniers de leur assurer un statut, même moral, consacrant leur existence légale et qui définisse leur mission, les critères de désignation, le mode d'exercice et les formes de collaboration avec la tutelle. Dans ce cadre, il serait nécessaire que ces derniers dressent, pour le compte de l'autorité de tutelle, des rapports semestriels sur leurs activités et surtout, sur les bilans d'étape relatifs aux objectifs assignés par la tutelle, les écarts constatés et les propositions de mesures correctives à envisager qui représentent, pour la tutelle, autant d'indications pour mesurer l'impact réel de l'exercice de chaque structure et organe et préciser, le cas échéant, les recommandations à assurer pour l'avenir. Il peut être envisagé aussi un forum, à l'issue de chaque mandat olympique, pour dresser un bilan exhaustif de l'ensemble des représentants exerçant pour le compte de la tutelle au sein du mouvement sportif national, pour dresser une expertise générale à même d'informer le premier responsable de la centraIe sur la situation réelle objective du sport national. L'ensemble de ces propositions, qui ne sont certainement pas complètes, peuvent faire l'objet de débats regroupant notre élite technique pour son enrichissement, d'une part et la recherche d'un large consensus national autour des missions assignées à nos experts en la matière, d'autre part. Le sport est une affaire de professionnels lesquels, réunis, mobilisés et res-ponsabilisés pourront transcender les clivages actuels pour participer à redorer le blason terni de notre sport national et faire honneur à notre pays. (*) Enseignant à l'INFS/STS d'Alger, ancien président de la Fédération d'athlétisme et ancien cadre du MJS