Le lieu, dont la construction remonte à l'ère coloniale, demeure une véritable plaie qui défigure la ville, en plus des foyers de maladies qu'il incarne. Situé au bord de l'oued qui traverse le centre-ville, à un jet de pierre d'une luxueuse bâtisse nouvellement construite et destinée à abriter l'assemblée populaire de wilaya, dominé par le minaret de la mosquée Ben Badis, «Haï 174 logements», une cité de recasement où vivent quelque 170 familles et qui date de l'ère coloniale, a presque fini de défier le temps. Délitescents, les balcons, d'où dégouline une eau douteuse, laissent transparaître une structure métallique gagnée par la rouille et menacent de s'effondrer. Trois bâtiments de quatre étages chacun, alignés en forme de la lettre « F », entourent une espèce de grande cour où plusieurs habitants, sans la moindre vergogne, y jettent leurs sacs-poubelles, bien qu'à une quarantaine de mètres de là, un dépotoir y soit aménagé ! Le rez-de-chaussée, lui, est carrément répugnant. Des tuyaux et des buses éventrés laissent couler les eaux usées qui, sous le regard impassible des riverains, arrosent la cour. L'une des voies d'accès à cette cour est inondée d'une fange noirâtre et nauséabonde où il ne serait pas loisible d'y patauger. Voilà ce qui justifie le sobriquet «El Batimate el mouaskhine» (les bâtiments sales, ndlr) et que certains habitants, par dérision, arborent fièrement. Et dire que les autorités n'ignorent pas l'existence de cette plaie qui, en plus du foyer de maladies qu'elle incarne et du danger qu'elle représente, défigure l'aspect de la ville. A notre surprise, ce sont, paradoxalement, les occupants de cette cité, qui refusent de déménager. A l'occasion, effectuant hier une sortie d'inspection dans la ville de Batna, le wali s'y était rendu et s'est entretenu avec eux. L'entretien a tourné autour de la démolition des bâtisses et, cette fois, ce sera certainement la bonne, puisqu'une décision de démolition avait été prise auparavant puis annulée suite au refus catégorique des occupants. Les raisons cette position sont relatives aux actes de propriété que possèdent plusieurs d'entre eux. Ces bâtiments, faut-il le souligner, ont été cédés par l'APC de Batna à la caisse de sécurité sociale (Casorec) et cette dernière fera de même pour les appartements à ceux qui l'ont sollicité. Propriétaires à part entière, les occupants invoquent le problème de l'éloignement au cas du déménagement, car on leur propose des logements à la nouvelle ville de Hamla. Ces raisons, selon certaines indiscrétions, cachent d'autres appétences. En effet, l'oued qui borde la cité est sur le point d'être couvert et une route y sera aménagée ; ce qui ne manquera pas de transformer le lieu en un autre centre commercial : le rêve de tout un chacun d'habiter dans une rue marchande. Par ailleurs, ces mêmes habitants, préférant les conditions de vie misérables et rejetant le troc de leur taudis contre une maison neuve et confortable, cachent mal le vœu de l'indemnisation. Face à cette situation, le wali préconisera aux habitants de s'organiser et de dégager un groupe pour rechercher en commun une solution à cette peine. La démolition reste bien sûr la solution unique et ce ne sera qu'un début puisqu'à deux rues plus loin, deux autres quartiers (cité Evolutive et cité Millions), stigmates du plan de Constantine, datant de la même période, doivent également suivre.