Le mythe de l'aisance financière en Algérie semble s'effriter chaque jour un peu plus. Au milieu de discours laudateurs misant tout sur les accomplissements des programmes quinquennaux de relance et de croissance économiques, les autorités en charge des finances et des politiques monétaires semblent trancher avec l'excès d'optimisme ambiant.Après les multiples sorties du ministre des Finances, hier c'était au tour du gouverneur de la Banque d'Algérie de passer par l'examen de l'APN. Un exercice qui, à défaut de pleinement convaincre les quelques députés ayant pris la peine d'assister à la séance, du moins avertit et prévient que le rythme actuel de dépenses n'est plus soutenable. C'est face à un hémicycle clairsemé que Mohamed Laksaci s'est livré à une tâche bien compliquée. Respecter le juste équilibre entre l'éloge des réalisations en matière d'infrastructures et programmes d'équipements publics, et l'inquiétude face au rythme de croissance des importations d'un côté et des dépenses courantes de l'Etat de l'autre. Le premier responsable de l'autorité monétaire fait le constat suivant : la balance des paiements enregistre pour la première fois depuis plusieurs années un déficit, lequel va en se creusant. Et pour cause, si l'on prend en considération l'un des éléments constitutifs de la balance des paiements, à savoir le solde du compte courant, les chiffres sont éloquents : celui-ci a enregistré un déficit de 1,2 milliard de dollars au premier semestre 2013, alors qu'une année plus tôt, il enregistrait un excédent de 10 milliards de dollars. Pis encore, ce déficit s'est encore creusé pour atteindre 1,7 milliard de dollars en septembre 2013 sous l'effet de l'aggravation du déficit du revenu des facteurs, de la baisse des transferts nets, sur fond de forte contraction du solde de la balance commerciale. Il est vrai que tandis que les revenus issus des hydrocarbures exportés baissent inexorablement (environ 5,5 milliards de dollars en moins entre le premier semestre 2012 et le premier semestre 2013), les importations ont connu, durant la même période, une hausse de 20%. Appréciation de 5% du dinar Autant d'éléments pour accroître les pressions sur la balance des paiements et de clôture sur un juste équilibre à la fin de l'exercice 2013, comme annoncé par le ministre des Finances. Une situation qui non seulement reflète la vulnérabilité de la situation financière externe aux chocs et fluctuations du marché du pétrole, mais ne manquerait pas d'avoir un impact sur l'accumulation des réserves de changes, lesquelles sont d'ailleurs passées de 190,66 milliards de dollars en décembre 2012 à 189,750 milliards de dollars en juin 2013. Même si le gouverneur de la Banque d'Algérie préfère nuancer son propos en estimant que l'importance des avoirs extérieurs de l'Algérie et le faible endettement constituent les éléments de la solidité de la situation financière. Le déficit de la balance des paiements n'aura néanmoins pas eu d'impact sur le taux de change effectif réel du dinar, dans la mesure où Mohamed Laksaci évoque une appréciation de 7% du taux de change effectif réel du dinar au mois de juin 2013 et de 5% en septembre. Appréciation induite par la réduction de moitié du différentiel d'inflation entre l'Algérie et quinze de ses partenaires commerciaux. Il mettra, néanmoins, la récente dépréciation du dinar sur le marché interbancaire de change face à l'euro et au dollar sur le compte des fluctuations du taux de change des monnaies européenne et américaine. Une affirmation qui s'accompagne de l'aveu d'un «affinement» des interventions de la Banque d'Algérie sur le marché des changes. Au plan interne, le gouverneur de la Banque d'Algérie n'a pas manqué de mettre à l'index l'expansion des dépenses courantes, notamment des transferts sociaux. Il a estimé que ce rythme de dépense n'est plus soutenable dans la mesure où les recettes budgétaires ordinaires ne couvraient en 2012 que 45,1% des dépenses courantes. Ce qui représente l'un des plus gros points faibles de la structure du budget de l'Etat et une vulnérabilité de plus face à d'hypothétiques chocs externes. Une situation qui a également conduit à un déficit des opérations du Trésor évalué à 4,7% du PIB. En tout état de cause, on compte sur les capacités de financement du déficit du Trésor via l'épargne publique. M. Laksaci a ainsi précisé que les dépôts au niveau de la Banque d'Algérie ont atteint 5754 milliards de dinars en septembre dernier, et ce, malgré une hausse des crédits à l'économie, lesquels se répartissent à parts égales entre le secteur public et le secteur privé (ménages et PME). Notons enfin que le gouverneur de la Banque d'Algérie répondra, aujourd'hui, aux préoccupations des députés lesquelles se sont axées notamment sur l'ouverture de bureaux de change, la hausse de l'allocation devises, la dépréciation du dinar, les rendements des réserves de changes placés à l'étranger, les transferts illicites de devises qui auraient coûté à l'Algérie, entre 1994 et 2001, 7 milliards de dollars, le blanchiment d'argent, l'autonomie de la Banque centrale, ainsi que la pertinence du rapport annuel de la Banque d'Algérie.