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«La connaissance libère»
La chronique de Maurice Tarik Maschino
Publié dans El Watan le 19 - 12 - 2013

Plus d'une centaine de chercheurs français en sciences sociales (histoire, sociologie, ethnologie, science politique, économie politique) viennent de publier un Manifeste(1), où ils dénoncent les attaques qu'ils subissent de la part du pouvoir politique, des patrons d'édition et des médias.Coupes claires dans le budget de recherche des universités, recrutement de vacataires, suppression d'heures d'enseignement, refus des éditeurs, chez qui les commerciaux font la loi, de publier des ouvrages qui ne seront pas des best-sellers, silence des médias sur des textes critiques : de toutes parts, les sciences sociales se voient contestées dans leur existence même, et leurs productions, quand elles sont publiées, sont quasiment boycottées ou passées sous silence.
La raison d'une offensive tous azimuts ? Les sciences sociales dénoncent la fausseté des opinions les plus répandues, elles en démontrent la stupidité et mettent à nu la volonté des dirigeants et des patrons de mystifier les citoyens. Car c'est une tromperie d'expliquer en termes de nature des attitudes, des manières de faire et de penser qui n'ont rien de naturel et sont le produit d'une situation historique. L'histoire, la sociologie, l'ethnologie montrent qu'«aucune position sociale, aucune croyance, aucune relation sociale n'est intangible, nécessaire, tenant à la ‘‘nature des choses''… En restituant les conditions de production, historiques et sociales, de ces évidences, elles sapent les devoirs d'obéissance ou les piétés d'institution».
Par exemple, elles montrent qu'«il n'existe pas une nature féminine éternelle, ici et partout». Et s'opposent par là au sens commun, qui est un non-sens ou un contresens. Parce qu'il essentialise ce qui est historique, donc variable et modifiable. De ce que les femmes portent les enfants, l'opinion en déduit qu'il est naturel qu'elles s'en occupent et prennent en charge les tâches domestiques – n'ont-elles pas d'ailleurs, dit-on, les qualités requises : «douceur», «sentimentalité», «fragilité ? — alors que les hommes, déclarés «plus forts», «plus rationnels» et donc «plus aptes à commander», ont en charge l'entretien de la famille et les relations extérieures.
Inepties, objectent les sciences sociales. «Les différenciations et les inégalités entre hommes et femmes procèdent d'un enchevêtrement d'apprentissages et de dressages sociaux aux rôles de sexe», apprentissages et conditionnement qui commencent dès la naissance, s'apprennent et se développent dans la famille, se poursuivent à l'école, se prolongent dans la vie sociale et constituent le socle sur lequel s'édifient croyances et préjugés.
Parler de la «différence des sexes» présuppose que les sexes, par nature, possèdent des caractéristiques qui les distinguent absolument et se réfère à une vision essentialiste totalement chimérique : par eux-mêmes — psychologiquement, intellectuellement et tout aussi bien physiquement, les sexes ne sont pas différents, ils le deviennent. Si l'homme a souvent plus de force physique que la femme, il le doit à la façon dont son milieu l'a traité, au modèle qu'il lui a inculqué — en un mot, à son dressage : «Filles et garçons ne naissent pas filles ou garçons, mais apprennent à devenir femmes et hommes».
C'est pourquoi les scientifiques utilisent, au grand dam des réactionnaires de tous bords soucieux de sauvegarder leurs privilèges — hommes de pouvoir, patrons, dirigeants politiques, notables religieux, «chefs de famille», «grands frères»… — la notion de genre. Résultat de nombreuses recherches, cette notion souligne que «sexe biologique et genre ne coïncident pas», que, «suivant les sociétés et les époques, existent ou existèrent mille façons légitimes d'être homme ou femme».
Comme existent de nombreuses formes de familles. Celle qui prédomine en Occident — un homme, une femme, des enfants — n'a, contrairement à ce que prétendent ses défenseurs intéressés, rien de naturel, rien d'universel. Il y a toutes sortes de façons de «faire famille» : une famille peut être monoparentale, homoparentale, élargie, communautaire. «L'ethnologue, écrit C. Lévi-Strauss, fait valoir que même les pratiques qui choquent le plus l'opinion — procréation assistée permise aux femmes vierges, célibataires, veuves, ou bien aux couples homosexuels — ont leur équivalent dans d'autres sociétés qui ne s'en portent pas plus mal».
Aucune de ces pratiques n'est naturelle, et il est grotesque de prétendre, comme le font les fanatiques de la famille traditionnelle, qu'un enfant a «naturellement» besoin d'un père et d'une mère. Il a besoin d'être aimé et d'intégrer, parce qu'il est aimé, une image positive de lui-même. Personne n'est fondé, par nature, à lui donner cet amour, comme le soulignent, négativement, tous ces exemples de pères qui battent comme plâtre leur progéniture ou de mères qui tuent leur bébé et le jettent aux ordures. Genre, famille, traitement de l'immigration et des étrangers, structures sociales — conformistes, inégalitaires, sclérosées ou dynamiques et ouvertes à ceux qui viennent d'ailleurs —, régimes politiques, de la dictature à la démocratie représentative —, tout ce qui est humain est construit. En démontrant de quelle façon et pour quelles raisons les sciences sociales nous permettent de nous libérer des préjugés qu'on nous a inculqués, elles rendent possible la connaissance et nous invitent à agir pour construire un monde plus humain.

Manifeste, la connaissance libère, Editions du croquant. La Dispute.


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