Le plafonnement des salaires des joueurs professionnels tel que préconisé par la Fédération algérienne de football (FAF) et la Ligue de football professionnel (LFP) modifiera-t-il la situation désastreuse dans laquelle baignent les sociétés sportives par action (SSPA) depuis l'instauration du professionnalisme en Algérie ? Rien n'est moins sûr après la mesure annoncée par les deux instances à la fin du conclave, avec les présidents des SSPA de Ligue 1, qui s'est tenu la semaine dernière. La FAF et la LFP tentent de faire croire et admettre que le problème majeur qui entrave le bon fonctionnement du professionnalisme «made in Algeria» réside uniquement dans le chapitre (colossal) des salaires, lequel plombe les SSPA. C'est faux ! Il est autrement plus grave que ce que la fédération et la ligue tentent conjointement de faire croire pour accabler les joueurs uniquement aux yeux de l'opinion et éluder par là- même leur entière responsabilité dans le fiasco (du professionnalisme) qui n'a pas de nom. Que de milliards de dinars engloutis, sans espoir de retour, sur investissement ! Les clubs pros (SSPA) sont des puits sans fond. Pire, ils échappent à tout contrôle financier sérieux et rigoureux. La FAF et la LFP, qui ont porté le projet et l'ont accompagné au cours des quatre premières années de son existence, se rendent compte aujourd'hui qu'il n'a aucun avenir sans la généreuse contribution des pouvoirs publics (donc du Trésor public) et quelques sponsors pas trop regardants sur l'utilisation de leurs deniers par les SSPA. Les salaires (de la discorde) versés à des joueurs de Ligue 1 n'ont jamais suscité la moindre réaction ni inquiétude de la part des responsables du football, ni du ministère de la Jeunesse et des sports (MJS). Tous ont fermé les yeux sur cette dérive que beaucoup assimilent à une complicité avérée dans une entreprise de dilapidation effrénée des deniers publics. Avancer que le règlement du problème des salaires sauvera le professionnalisme est un leurre. Un de plus. Si vraiment y a une volonté de remettre sur les rails le professionnalisme ,il faudra préalablement revoir toute la structure et le socle sur lequel il repose. Son lancement, avec 32 clubs, était un suicide programmé. Ses promoteurs n'ont tenu compte d'aucun paramètre lié au contexte économique dans lequel le projet était appelé à évoluer. La preuve, au bout de sa 4e année d'existence le professionnalisme est à l'article de la mort. Il est maintenu en vie artificiellement sans aucune perspective encourageante. A qui la faute ? Aux joueurs qui perçoivent des salaires «mirobolants» ? Aux dirigeants qui leur ont consenti ces largesses ou aux responsables de la fédération et de la ligue qui ont cautionné cette dérive ? En pointant du doigt les salaires, les responsables de la fédération et de la ligue se sont défaussés sur les joueurs. Leur démarche vise un objectif : éluder leur responsabilité dans la faillite du professionnalisme. Les joueurs, par le biais de leurs salaires, sont des proies faciles pour tromper, encore une fois l'opinion sur les responsabilités des uns et des autres. Celles de la fédération et de la ligue sont pleinement engagées dans la mascarade du prétendu professionnalisme. Pire encore, les deux instances continuent de régenter le football en exerçant pleinement le statut de tutorat sur la discipline (football) et ses acteurs (joueurs, entraîneurs …) sans que ce «droit» ne leur soit conféré par aucun texte. Au lieu de s'attaquer à tous les (vrais) problèmes qui minent le professionnalisme de pacotille qu'elles ont mis sur le marché, la FAF et la LFP ont décidé de circonscrire le débat au seul chapitre des salaires. Elles auraient mieux fait d'abord d'appliquer leur propre règlement du football professionnel qui stipule dans son article 25 – chapitre dépôt des documents – : «A la fin de chaque trimestre, le club doit envoyer à la LFP et à la FAF une copie de l'état de déclaration des joueurs professionnels adressée à la CNAS. Le refus d'envoyer l'état de déclaration des joueurs est sanctionné par les dispositions prévues dans l'article 107 du code disciplinaire qui précise le non-respect du dépôt des documents prévu par les dispositions de l'article 25 du règlement des championnats de football professionnel entraîne les sanctions suivantes : - 1re infraction : défalcation d'1 point, 300 000 DA d'amende. - 2e infraction : défalcation de 3 points, 500 000 DA d'amende. - 3e infraction : rétrogradation en division inférieure et 1 000 000 de DA d'amende.» Est-ce que la LFP a déjà appliqué cet article ? Jamais ! Elle a laissé les clubs aller droit dans le mur. La FAF, la LFP et le MJS se sont-ils un jour inquiétés des bilans des SSPA qu'ont présentés les commissaires au compte ? La réponse est dans la question. Les SSPA ont été couvertes par l'impunité que leur ont accordée les instances censées protéger le professionnalisme des dérives (salariales et autres). Ce professionnalisme arrimé aux mamelles du Trésor public n'a aucun avenir. La preuve, au terme de quatre années d'existence aucun club algérien ne dispose de la licence professionnelle qui doit lui permettre de participer à une compétition réservée aux formations professionnelles. Ce professionnalisme déguisé, hideux et sans idée directrice n'a sa place qu'au musée des horreurs. La réflexion doit se concentrer sur les moyens de reprendre le projet depuis le début afin de lui garantir un avenir et surtout le pérenniser sur des bases saines et des objectifs raisonnables. Tenter d'imposer par le haut la mesure de plafonnement des salaires sans avoir sérié tous les problèmes équivaut seulement à déplacer le problème, pas à le résoudre au mieux des intérêts de tous les acteurs du football professionnel. La fuite en avant a assez duré !