On évoque à nouveau le «plafonnement» des salaires des joueurs professionnels. En est-il temps? Mais est-ce seulement ce volet qui devrait préoccuper les dirigeants du football national? Concurremment au plafonnement des salaires, ne faudrait-il pas également songer à la moralisation de la pratique, d'autant que l'un ne va pas sans l'autre. De fait, c'est par là que les instances du football professionnel auraient dû commencer. Sans la moralisation de la pratique du football, rien de sérieux ne peut se réaliser. En effet, il existe des structures (FAF, Dncg, LFP) théoriquement dotées des prérogatives nécessaires pour assainir le milieu et imposer l'ordre dans la pratique du professionnalisme tout en veillant au respect des normes de gestion par les sociétés sportives par actions (Sspa). Le moins que l'on puisse avancer - trois ans après la création des clubs de football professionnel - est que l'on est loin du compte. Loin du compte dans la mesure où le «professionnalisme» à l'algérienne se rapproche plus de l'arnaque - où tous les coups sont permis - que d'un «job» sainement pratiqué. Or, les missions des structures en charge du football professionnel - singulièrement la LFP et la Dncg - sont clairement établies sans que cela ait eu jusqu'ici un effet sur la gestion des Sspa quand peu d'entre elles respectent les règles du jeu. Il aurait dû y avoir cohérence entre le budget de fonctionnement du club professionnel et la masse salariale qui - dans le pire des cas - ne devait pas dépasser les 50% du budget. Or, la masse salariale absorbe plus de 70% des dépenses globales, donc au-delà des normes budgétaires du club (lorsque celui-ci en dispose, bien sûr). Il appartenait donc à la direction nationale de contrôle de la gestion des clubs professionnels (Dncg) de veiller à l'équilibre budgétaire des clubs dont la presque totalité est surendettée. Aussi, il nous semble que le problème n'est pas dans le plafonnement des salaires, mais est surtout mal posé. En effet, avant d'évoquer ce principe, il fallait d'abord songer à imposer au club un budget qui soit en conformité avec la pratique du sport professionnel et ses contraintes financières (salaires des joueurs, primes de victoire, stages, centre de formation) qui sont énormes. Qui gère une société doit voir loin. De fait, seules les instances dirigeantes du football professionnel (FAF, LFP, Dncg) peuvent imposer, non point un plafond, mais une base budgétaire, sine qua non, pour tout club désirant embrasser le professionnalisme. L'existence d'un budget conforme aux normes de gestion est l'exigence première pour toute Sspa prétendant à la pratique professionnelle. Il appartient aux instances sus-citées d'évaluer le montant financier nécessaire au professionnalisme, en en interdisant l'accès à tout club ne réunissant pas les conditions de cette pratique. Il ne s'agit pas d'égalitarisme, mais d'imposer le fait que chaque société sportive doit vivre en fonction de ses moyens et pratiquer des salaires de plain-pied avec ces moyens et le budget de la Sspa. Bien sûr, des sociétés sont mieux dotées que d'autres et les salaires de leurs contractants reflètent, peuvent refléter, cette «disparité» de niveau financier. C'est cela la loi du professionnalisme. Dès lors, il est inadmissible que l'Etat (la DJS, l'APC, l'APW ou le wali) pourvoit aux manques de clubs censés vivre des revenus de leur pratique. Aussi, c'est l'Etat, dans une large mesure, qui, par ses subventions aux Sspa, cautionne cette dérive salariale. Outre des salaires incongrus - dont aucun sou n'est retourné au Trésor public (impôt) - les dirigeants des Sspa octroient des «primes» de victoires inconcevables, financées par les... subventions publiques. De fait, des joueurs, des managers et dirigeants se sont déclarés contre le plafonnement des salaires. Surtout lorsque cet argent qui vient d'ailleurs est inexistant dans les caisses des clubs. Avec ce curieux professionnalisme à l'algérienne, aucun joueur, fût-il le plus médiocre, n'accepte de signer son contrat d'engagement à moins de 90 millions de centimes mensuels. C'est encore plus incroyable lorsque l'on sait que c'est l'Etat - incapable par ailleurs de reconsidérer la valeur du Snmg - qui, au final, paie ces salaires ahurissants, par le biais des subventions et des aides des autorités locales aux clubs de football. En fait, il faut mettre un terme à ce tonneau des Danaïdes en moralisant la pratique, en imposant un budget aux clubs, enfin, en plafonnant les salaires. En vérité, le professionnalisme tel que pratiqué en Algérie, n'a pas de sens.