Malgré le discours réitéré des pouvoirs publics, sur le terrain il n'y a rien de vraiment concret. Présidant la cérémonie d'installation du wali d'Alger, le ministre de l'Intérieur, Tayeb Belaïz, a assuré, la main sur le cœur, que la délivrance du passeport se fera au bout d'une semaine. Il exigera, à l'occasion, de ses subordonnés, dont certains étaient présents dans la salle de conférences de l'ex-CPVA, d'appliquer sa décision. Sauf que les mesures annoncées par M. Belaïz ne sont toujours pas effectives. Le même ministre a présenté devant les députés de l'APN son projet de loi relatif aux documents de voyage. Lors de son intervention, M. Belaïz a réduit le premier délai. Il s'est engagé à ce que le passeport biométrique, dont la durée de validité a été prolongée à 10 ans, sera délivré dans les vingt-quatre heures. «Je ferai tout mon possible pour atteindre cet objectif», avait-il asséné sans trop convaincre son auditoire silencieux, mais surtout les citoyens agacés par une administration kafkaïenne. Dans les circonscriptions administratives chargées de la délivrance du fameux document, c'est toujours l'attente et l'incompréhension. Des demandeurs ont déposé leur dossier depuis plusieurs mois, mais n'ont rien reçu. A Dar El Beïda, l'une des administrations les plus sollicitées de la capitale, les citoyens s'impatientent. «Je me suis déplacé pour voir quelle suite a été donnée à mon dossier que j'ai déposé il y a plus de trois mois. Les agents m'ont demandé de patienter encore et d'attendre que je reçoive un message sur mon portable. J'attends toujours», s'indigne un résidant de Bab Ezzouar, obligé d'abandonner ses cours à plusieurs reprises pour faire le pied de grue avec plusieurs autres citoyens des différentes communes de la circonscription administrative. «Certes, il n'est plus nécessaire d'avoir un rendez-vous, ni même de présenter quelques documents, mais il n'est jamais facile de déposer le dossier, vu l'accueil des guichetiers grincheux», s'indigne ce résidant d'une cité populaire. Si le service a été quelque peu amélioré, rien de vraiment important n'a changé dans les services administratifs des wilayas déléguées qui reçoivent des centaines de demandes par jour. L'allègement du dossier n'a rien réglé. «On exige plus du malheureux citoyen de ramener certains documents, que je trouve superflus, mais je m'étonne que des responsables, le ministre de l'Intérieur en l'occurrence, annoncent des mesures qui ne sont pas appliquées, ou ne sont pas du tout applicables. Quelle est l'administration qui peut rendre des réponses en une seule journée ? Il faut que les services soient d'abord dotés de moyens et qu'on allège les dossiers de toute cette paperasse inutile. Les agents appliquent des décisions sans assises juridiques, donc illégales, prises par leurs prédécesseurs au poste, mais qui osera y toucher ? La machine est là, et tous s'y conforment», estime un président d'APC dont on taira le nom. De plus, le centre de production des passeports biométriques est visiblement dépassé. «Le quota des daïras n'est pas important. Les responsables qui récupèrent chaque semaine les documents attendent plusieurs jours et sont seuls à affronter les citoyens, parfois très violents. Le centre, qui a commencé à produire les passeports en janvier 2012, n'en délivre qu'un millier par jour. Le ministre de l'Intérieur, lui, a parlé de 6000 documents. Il a aussi évoqué le renforcement du centre en moyens pour lui permettre d'émettre, à partir de mars prochain, environ 18 000 passeports par jour. Ce chiffre ne sera jamais atteint», nous signale une source à la wilaya. M. Belaïz a affirmé que l'exigence de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) portant sur la généralisation du passeport biométrique entrera en vigueur le 24 novembre 2015. L'Algérie doit respecter ce délai, mais, en dépit de la suppression de 60% des documents, le rythme sera toujours faible. «Si les pouvoirs publics ont annoncé ces suppressions, c'est pour pousser les gens à accepter les changements politiques à venir à la veille de la présidentielle. Les citoyens ne croient plus en rien. Dans les daïras, c'est toujours Kafka qui est aux commandes», s'indigne le résidant de Bab Ezzouar, qui n'a toujours pas reçu son fameux document de voyage.