Si l'équipe au pouvoir s'affaire à mettre en place les instruments techniques pour le déroulement du scrutin d'avril prochain, les conditions garantissant une compétition démocratique entre leaders politiques sont quasi absentes. Crispation. Jamais une élection présidentielle n'aura cristallisé autant d'inconnues. A moins de trois mois seulement de la tenue de ce rendez-vous majeur dans la vie de la nation, le paysage politique national n'offre aucune lisibilité permettant aux Algériens de se faire une opinion plus ou moins claire. Le flou domine. Le mystère jalousement gardé sur les intentions du Président sortant, affaibli par la maladie, déroute la classe politique et lasse l'opinion publique. L'opposition traditionnelle, dans ses différentes tendances, n'arrive toujours pas à se fixer sur cette échéance. Signe d'un climat politique peu rassurant dans lequel se projette et se déroulera l'élection présidentielle. Si l'équipe au pouvoir s'affaire à mettre en place les instruments techniques pour le déroulement du scrutin d'avril prochain, les conditions garantissant une compétition démocratique entre leaders politiques sont quasi absentes. Le vide imposé des années durant se ressent cruellement à l'orée de cette échéance que les compétiteurs potentiels n'ont eu ni le temps ni les moyens de préparer, ligotés par un dispositif politico-administratif autoritariste et déroutés par les caprices monarchiques du Président et son entourage. David contre Goliath Les acteurs politiques sont unanimes à dire que l'élection présidentielle est «fermée». Une sentence que l'on entend désormais y compris au sein des groupes gravitant à la périphérie du régime. La cheftaine du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, pourtant traditionnellement bienveillante à l'égard du pouvoir, déplore «l'absence de conditions nécessaires à la tenue d'une élection démocratique» et évoque sans hésiter «un malaise» au sommet du pouvoir. Le Front des forces socialistes (FFS) qui, depuis les insurrections qui ont secoué nombre de pays de la région, semble avoir tempéré ses élans d'opposition radicale et misé sur une position plutôt «conciliante» vis-à-vis du régime, prédit depuis peu que l'élection d'avril ne pourra être que verrouillée. Les autres partis et personnalités, qui s'emploient dans la difficulté à élaborer une alliance visant à briser le statu quo, en sont réduits à constater «l'absence de volonté chez le pouvoir en place d'organiser une élection transparente et honnête». Il faut dire que depuis l'hospitalisation du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, une année avant la présidentielle, tout le débat politique s'est focalisé sur l'intention et surtout la capacité du Président sortant à briguer un quatrième mandat. Une question qui, par ailleurs, n'est pas encore tranchée dans un yoyo de mauvais goût qui, mine de rien, tient tout le pays en haleine. Ce mystère relève-t-il d'un calcul tactique du concerné et des décideurs pour laisser planer le doute et «décourager» du coup des candidats dits de poids ? De nombreux acteurs et autres analystes politiques voient dans ces atermoiements la «difficulté» des différents clans au pouvoir à «forger un consensus autour d'une candidature de compromis». L'état de santé incertain du Président sortant n'est pas pour faciliter la tâche. L'apparente convergence entre les différents centres de décision qui détiennent le pouvoir réel peut-elle durer longtemps ou des fissurations risquent-elles d'éclater au grand jour ? Pacification de la vie politique Ainsi, l'élection présidentielle d'avril prochain – la cinquième depuis que le pays est sorti de la dictature du parti unique – est loin d'incarner le changement politique, sinon le début d'un processus mettant fin aux années d'autoritarisme. Historiquement et symboliquement, c'est pourtant celle qui doit clore l'ère où la référence à la guerre de Libération est avancée comme principale source de légitimation de la conquête du pouvoir. Les espaces démocratiques arrachés de haute lutte se réduisent comme une peau de chagrin. Les partis politiques nés de l'ouverture concédée au lendemain des événements d'Octobre 1988 sont usés et dévitalisés. La panoplie de leaders qui ont longtemps animé la scène nationale sont éjectés de l'arène. Pour réduire à néant leur capacité à drainer les populations, ils se retrouvent en dehors des appareils politiques qu'ils ont pourtant largement contribué à consolider. Tout l'encadrement militant des années quatre-vingt-dix, dont le combat devrait aujourd'hui aboutir, se trouve paradoxalement hors jeu. Les partis ont perdu de leur puissance et s'effacent au profit des réseaux clientélistes et occultes de plus en plus influents sur les décisions politiques et économiques du pays. Le profil de certains candidats à la candidature est à ce titre révélateur. Technocrates au mieux et sans parcours politique. Hormis quelques-uns, la plupart des prétendants à la magistrature suprême se présentent aux Algériens en inconnus. Le processus de pacification de la vie politique nationale, certes résultant de la mauvaise tournure prise par l'ouverture de 1989 (décennie noire) et ses répliques, est aussi l'œuvre patiente et vicieuse d'un système qui a su jusqu'ici se préserver en empêchant le jeu politique. Les trois mandats de Bouteflika peuvent en être la parfaite illustration. Les rares poches de résistance ont été neutralisées. L'élection risque d'être une simple formalité pour avaliser des plans décidés en dehors des voies légales et démocratiques. Jusqu'à quand ?