Quand on voit des titres sur cinq colonnes, dans nos journaux, se plaindre du flou qui caractérise en ce moment la situation politique, on serait tenté d'en conclure qu'a contrario, il y a eu des moments de clarté et de fonctionnement prévisible. Généralement, quand il y a dans la presse plus de titres interrogatifs qu'informatifs, la facilité serait de croire que c'est l'imbroglio et que la situation ne peut évoluer que vers l'inconnu. La validité de ce raisonnement ne s'est pas toujours vérifiée en Algérie. L'histoire des dernières décennies, pourtant difficiles et porteuses de dangers, a révélé au contraire l'existence de parades et de balisages qui, à défaut d'orienter les événements dans une direction bien précise, ont rempli une mission de garde-fous et évité d'emprunter telle direction plutôt que telle autre. Il est compréhensible de trouver anormal qu'à trois mois de l'élection présidentielle, et au moment où l'on s'apprête à convoquer dans les tous prochains jours le corps électoral, l'interrogation la plus lancinante reste toujours sans réponse. Le président Bouteflika sera-t-il ou non candidat à sa propre succession en briguant un quatrième mandat, s'interrogent en chœur partis politiques, observateurs étrangers et journalistes ? La meilleure réponse pourrait ressembler à celle d'un Normand : il pourra se présenter comme il pourra ne pas se présenter. Dans un jeu politique normal où les scrutins politiques sont quasiment routiniers, la candidature ou non candidature d'un président sortant est une contingence qui n'influe qu'à la marge sur les modalités d'expression et le résultat du suffrage populaire. Ce n'est pas le cas en Algérie, et prétendre le contraire reviendrait à créditer le pays et son système de grandes enjambées ou avancées dans la voie de la démocratie et de l'Etat de droit. D'abord, ceux qui donnent le plus de la voix en ce moment, notamment pour prévenir contre le spectre de la fraude, ne sont pas parmi les prétendants les plus en vue pour une entrée dans le Palais d'El Mouradia. Le dire, ce n'est pas tant amoindrir leurs qualités ou leur rôle politique que reconnaître honnêtement un manque d'ancrage populaire des acteurs politiques qui donnent vie à une scène du même nom mais sans possibilité de la changer ou de la redéfinir. A quoi s'ajoute une désaffection des citoyens-électeurs pour la politique et qui risque de faire de ce moment fort qu'est la présidentielle un événement atone et peu enthousiasmant. Quel que soit l'état de la scène politique algérienne à une encablure de l'échéance d'avril, il n'y a, tout compte fait, qu'une inconnue : l'intention du Président sortant. En suivant ce raisonnement, on serait tenté de poser une autre interrogation, subséquente : qu'est-ce qui empêche les candidatures crédibles, issues des partis politiques ou parmi les personnalités connues, de se manifester ? A l'exception notable de celle de Benflis, ancien chef de gouvernement du Président sortant et de celle de Benbitour, qui a occupé les mêmes fonctions, on ne peut pas dire des autres candidatures connues à ce jour, qu'elles aient suffisamment de poids pour se poser en alternative. Méfiance, voilà le maître-mot. Peu de monde croit à une élection ouverte où tous les candidats, qu'ils aient appartenus au système ou pas, partiraient avec une égalité des chances indiscutable. Significatif de ce manque de confiance dans le discours officiel, on scrute plus vers l'état-major de l'ANP et la présidence de la République, les deux centres de décision les plus importants, que vers les appareils des partis politiques et encore moins le FLN, parti majoritaire où le secrétaire général, désigné par oukase il y a moins de six mois, s'époumone vainement pour faire sortir le président Bouteflika de son silence et réclamer sur le ton de l'exigence une révision de la Constitution avant le scrutin d'avril prochain. A y regarder de plus près, l'état des lieux pourrait ne pas être aussi flou que cela. Les allées et venues chez Bouteflika de Gaïd Salah, patron de l'état-major, n'ont certainement pas pour seul objet la sécurité aux frontières et dans le pays. Leur nombre, depuis moins d'un an, indiquerait plutôt un examen de questions tout aussi importantes et sensibles. Comme la consultation d'avril d'où sortira le prochain président de la République. A. S.