A l'orée de la fin de l'année et après le pitoyable spectacle télévisuel(1) de la cérémonie de signature de la loi des finances 2014, plus aucune personne sérieuse ne pense que le Président est en mesure d'assumer sa charge présidentielle (2) ni d'aller jusqu'au bout d'un quatrième mandat, ce qui ne signifie pas que sa cour(3) accepte qu'il ne se représente pas, puisqu'elle a déjà obtenu qu'il aille jusqu'au bout de son troisième mandat (4), ce qui arrangeait tout le monde, le scénario d'une élection anticipée n'ayant pas été préparé ! Un tel scénario aurait eu l'immense avantage, pour un clan du Pouvoir, de désigner électivement un candidat de remplacement, sans que la famille du président et son clan, ne puissent influencer directement ou indirectement ce choix. Dans cette perspective, des candidats comme A. Ouyahia, A. Belkhadem ou A. Benflis auraient eu toutes leurs chances, adoubés qu'ils sont tous les trois par un des clans du Pouvoir(5). Une désignation élective anticipée, en 2014, se serait traduite obligatoirement par une lutte de clans acerbe, doublée d'une période sanglante de règlement de compte, à l'encontre de tous ceux qui ont appartenu, de près ou de loin, au clan présidentiel sortant et en commençant par le président lui-même et sa famille.Quel rapport de force a permis de ne pas mettre en œuvre cette opportunité ? Car c'est dans ce contexte, que des voix se sont élevéespour stigmatiser le danger du départ du président pour le système(6) et pour eux-mêmes, avec à la clé, des prédications diaboliques de «procès en sorcellerie» qui conduiraient tout ce beau monde soit à l'exile (notamment moyen-oriental) soit sur l'échafaud, après leur passage à «une justice de nuit» qu'ils ont, eux-mêmes, contribué à instituer(7). Cette peur intériorisée va être diffusée et transmise savamment à l'intérieur du corps social, en direction de tous les serviteurs du Pouvoir et notamment à ceux qui se sont le plus servis et à toute la classe des«nouveaux riches» qui s'est sédimentée autour des rentes idéologiques (islamisme politique rampant et panarabisme(8) fonds de commerce), politiques (coalition présidentielle(9) et partis tiroir-caisse), économiques (économie de marché débridée(10) et substitution des monopoles publics à ceux privés), culturelles (commémorations luxueuses(11) et gabegies élitistes), cultuelles (érection des lieux de culte(12) en régulateurs sociétaux), sportives (retour aux entreprises publiques(13) et instrumentalisation politique). Dès lors, une campagne sourde va développer l'idée qu'il n'y a pas d'homme politique capable de remplacer le président actuelet des messagessubliminaux, déjà usités, vont apparaître comme celui de l'«homme providentiel» et «du moins mauvais des candidats» et qui ontinscrit,notre paysdans la médiocrité, depuis 1999, à travers ces litotes! Cette culture du zaïm est très ancrée dans nos mœurs politiques,consacrantun caractère divin à l'imperium et à ses actes de gestion, ici-bas, ce qui va entretenir le mythe de sa protection transcendantale. Souvent appelée «baraka», elle sera très savamment diffusée, dans le corps social, par une armée de zaouïas et des bataillons de tolba qui se feront tous rémunérersurle budget de l'Etat(14). Dès lors, remplacer le zaïm relève d'une action divine et non plus d'un processus électoral bassement humain, ce qui justifie la volonté, prêtée au président sortant, de vouloir mourir au poste de président de la République ! Cette «kodraillahya» fera l'objet d'une large diffusion et tentera de transcender la détérioration visible de son état de santé(15) et la manifestation des travers gérontologiques pour accréditer la thèse mystificatrice d'une mission présidentielle quasi-sacrée, très vivace encore dans le conscient collectif de nos populations. La désignation élective de 2014 revêtira, dès lors, le caractère d'un acte salutaire de refugepar rapport au passé sanglant de la «décennie noire» et éloignera le spectre d'une jacquerie annoncée, en cas où la continuité du système n'est pas assurée et qu'une rupture s'opère dans le Pouvoir et ses clans. L'opérationnalité de la permanence du système a été assurée, depuis l'indépendance de notre pays, par la sélection d'une poignée de personnes «cueillies», dès la fin de leurs études à l'Ecole nationale d'administration (ENA) et programmées pour servir le Pouvoir, en toutes circonstances et dans tous les domaines. Le club des énarques(16) va donc naître et se développer, du moins pour ceux qui vont accepter les «corvées de bois vert», en donnant le cachet de la compétence et l'illusion de la passation du pouvoir entre générations, à savoir, celle de novembre et celle des fruits de l'indépendance. Boîte à outils efficace, ces polyvalents-clé à molette (17) vont être désignés à tous les postes de rentes, pour une seule mission unique qui est celle de les distribuer à leurs protecteurs. Ceux qui ont cru pouvoir s'émanciper, après plusieurs années de «bons et loyaux services» rendus à la nation et prétendent aujourd'hui sortir de la partition et passer au grade de commandeur au sein du système, vont entrainer, à leur égard, une «tierce» répudiationsans aucun ménagement, la génération de novembre veillant au grain et entendant continuer à les gérer par télécommande. Quel rapport de force sociétal va perpétuer cet état de facto et permettre la situation d'infantilisme dans laquelle les élites se sont retrouvées piégées, contraintes soit à l'obséquiosité pavlovienne soit à l'errance misanthropique ? L'alternance systémique ou l'émeute populaire, c'est ce choix cornélien qui se dessine aujourd'hui pour notre pays. L'alternance au Pouvoir, dans un régime autocratique,est une alternative pour un esprit tourmenté, refusant d'admettre sa forfaiture voire sa lâcheté vis-à-vis du Pouvoir qu'il a servi, en toute circonstance, sachant pertinemment que la conquête du pouvoir s'arrache au prix de lourds sacrifices notamment humains. Il ne s'attribue en aucune façon par une opération du saint esprit, imaginée par confort intellectuel. Ce serait une erreur fatale, pour le clan présidentiel, que de choisir l'alternance, sachant très bien qu'il sera le premier à être livré à la vindicte populaire et sacrifié,par ses propres précédents supplétifs, à l'autel de la médiocratie, qu'il aura, lui-même, contribué à ériger en instruments de gestion de son pouvoir. Le «roi est mort… !» scande la foule, en regardant amusé le spectacle pitoyable de fin de règne qui se profile à l'horizon, ainsi queles déchirements sanglants et nauséabondes, entre clans du Pouvoir. C'est dans ce contexte, que s'inscrivent les implorations hystériques, à la coupole du 5 Juillet, du SG présumé du FLN, pour la candidature à un quatrième mandat du Président sortant, pressentant instinctivement, plus que tout le monde, qu'un autre logiciel le conduirait directement à l'échafaud. Comme «les Saadani» sont légion au niveau du Pouvoir et qu'ils ont pas du tout envie de se voir couper des rentes futures ni de devoir rendre des comptes sur leur enrichissement passé, le Président sortant sera donc «invité lourdement» à postuler pour un quatrième mandat, peu importe son l'état de santé actuel et futur ! Quant à l'émeute populaire, c'est une vague de fond qui risque, si elle venait à enfler, d'emporter toute l'Algérie, à l'instar d'un tsunami, sans que personne ne puisse anticiper ce qui en sortira, tant les frustrations sont profondes dans le corps social et que les inégalités criardes.Peut-être que ce sera l'émeute du sachet de lait, trop longtemps absent de nos étals… (à suivre) Renvois : 1)- Un minimum d'éthique aurait dicté que l'on ne diffuse pas de pareilles images, pour sa propre dignité et celle du peuple algérien. 2)- Deux Conseils des ministres en une année entière… Mais il est vrai que le Premier des ministre président a déclaré que les «Conseils des ministres étaient inutiles» ! 3)- La démonstration de ce refus s'est clairement exprimée à la coupole du 5 Juillet, lors de la moubayaa organisée par A. Saadani, pasdaran du FLN, pour dissuader le Président de se retirer. 4)- Personne ne peut croire que, durant son long séjour en soins intensifs suivi d'une convalescence prolongée, le Pouvoir n'aurait pas pu «déposer» le Président, en application de l'article 88 de la Constitution ! Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? 5)- C'est peu dire que les ex-Premiers ministres, du Président sortant, lui vouent une haine à peine cachée, pour la manière humiliante dont il s'est comporté avec eux, durant leur mandat et pour la manière au mieux cavalière dont il s'en est débarrassé. 6)- Un discours, construit sur la stabilité du pays, est servi à toutes les sauces par le Premier ministre, dans un contexte politique arabe tourmenté. 7)- Certains déménagent déjà pour se mettre à l'abri dans des «pays de droit», en attendant les résultats de la désignation élective d'avril 2014. 8)- Zaïmisme et droit de citer dans la bassecour «boulitique». 9)- Autorisation de création de quelque 60 partis après une interdiction de plus de dix ans. 10)- Décret exécutif n°13- 377 du 9 novembre 2013 portant statut de la mosquée. 11)- L'IGF planche sur les coûts faramineux de la manifestation «Tlemcen, capital islamique». 12)- Décret exécutif 13)- L'article de R. Hanifi «Sport, argent et politique» est édifiant dans ce domaine (in El Watan du 11 janvier 2014). 14)- L'une des premières décisions présidentielles en 1999 fut de reconsidérer la place des zaouïas dans la société et leur financement généreux, par le président de la République directement (fonds spéciaux), alors qu'auparavant, elles étaient strictement réduites à des activités très restrictives et en quasi-autofinancement, du fait du rôle douteux qu'elles ont joué durant la Révolution. 15)- L'examen médical subi au Val-de-Grâce, cette semaine, n'en est qu'un des épisodes, une espèce de «certificat médical» à fournir dans un dossier administratif de candidature. 16)- Il est inutile de les citer, ils se reconnaitront. 17)- Ils vont occuper tous les postes, même les plus techniques, pourvu qu'ils accomplissent leurs missions au profit du pouvoir (ambassadeur, ministre, Premier ministre, wali, chef de parti, homme d'affaires, intermédiaire, envoyé spécial, chargé de mission…).