Depuis le renversement, en 2011, du régime de Mouammar El Gueddafi par une coalition occidentalo-qatarie, la situation sécuritaire va de mal en pis en Libye. Cette instabilité chronique trouve en grande partie ses raisons dans la prolifération, à travers le pays, de milices lourdement armées engagées dans une terrible lutte pour le pouvoir, l'implantation de cellules terroristes liées à Al Qaîda et, surtout, l'incapacité du gouvernement à asseoir son autorité. La multiplication, ces dernières semaines, des attentats terroristes et combats fratricides entre différentes tribus rivales a d'ailleurs poussé des milliers de familles libyennes à fuir de nouveau le pays. Et c'est en Tunisie que les Libyens se réfugient le plus souvent. Le terminal terrestre de Ras Jdir, à la frontière de la Libye avec la Tunisie, a enregistré un important mouvement de transit. Le nombre de Libyens ayant foulé le sol tunisien a dépassé les 3000 ces derniers jours, a souligné à ce propos, mardi soir, la radio locale tunisienne Tataouine. Apparu très inquiet par ces nouveaux développements, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Othman Jerandi, dont le pays fait déjà face de nombreux maquis terroristes et à une crise économique de plus en plus étouffante, s'est empressé de faire part de la disposition de son pays «à assister la Libye dans l'édification de ses institutions» et exprimé la volonté de la Tunisie d'unir les efforts et de renforcer l'action commune, en vue de «relever» les nombreux défis de la présente étape, notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, la contrebande et le crime organisé. Il apparaît clairement, en effet, que le souci premier des Tunisiens est de faire en sorte que la crise libyenne ne déborde pas sur leur territoire. La partie sera difficile à tenir eu égard au fait que plusieurs régions libyennes ne sont plus contrôlées par Tripoli. Cela à commencer par la bande frontière. Les jours d'Ali Zeidan comptés ? Pour éviter un embrasement général, le Congrès national général libyen, la plus haute autorité en Libye, a de son côté décrété samedi dernier l'état d'urgence. Mais cette décision ne semble avoir eu aucun effet sur le terrain, faute d'une armée suffisamment forte pour la faire respecter. Conséquence : les violences se sont poursuivies avec la même intensité dans plusieurs régions du pays. Au moins cinq personnes ont encore été tuées, mardi, dans la banlieue de Ouerchefana, une localité à l'ouest de Tripoli, dans des affrontements entre ex-rebelles et groupes armés accusés d'être des partisans du régime déchu de Mouammar El Gueddafi. Mais pour le moment, rien ne prouve que Tripoli ait vraiment eu à faire à d'anciens «gueddafistes». Quoi qu'il en soit, parmi ces victimes, trois personnes avaient été sommairement exécutées et retrouvées les mains ligotées. Des affrontements similaires entre tribus rivales (Arabes et Toubous) se déroulent actuellement dans le sud du pays et ont déjà fait plusieurs dizaines de morts. Cette nouvelle flambée de violence intervient alors que la pression s'accentue sur le Premier ministre Ali Zeidan, suite à la décision des islamistes du Parti pour justice et la reconstruction (PJC) de retirer leurs ministres de son cabinet après avoir tenté sans succès (avec d'autres députés) de soumettre une motion de défiance au Parlement. En poste depuis un peu plus d'un an, Ali Zeidan est notamment critiqué pour ne pas être parvenu, justement, à rétablir l'ordre. Le PJC, bras politique des Frères musulmans libyens, détenait cinq des 32 portefeuilles du gouvernement (le Pétrole, l'Electricité, l'Habitat, l'Economie et les Sports). Dans un communiqué, 99 députés, dont ceux du PJC, ont certes reconnu l'échec de leurs efforts pour retirer la confiance au gouvernement. Ils ont toutefois appelé encore Ali Zeidan à démissionner pour éviter une aggravation de la crise, précisant au passage que les tractations en vue d'atteindre le quorum pour faire tomber son gouvernement allaient se poursuivre. Bref, la Libye risque de filer encore tout droit vers une nouvelle crise politique. La question est de savoir maintenant qui va en tirer le plus profit si cela venait à se produire. Mais pour l'heure, l'avenir d'Ali Zeidan, qui est un indépendant, est plus que jamais tributaire de la décision des députés de l'Alliance des forces nationales (AFN), les adversaires des islamistes du PJC au Parlement. Continueront-ils à le soutenir alors qu'il paraît déjà cuit ?