On peut dire cette fois que Genève 2 parle de Genève 1, mais pour un court instant. L'explication est simple : la première qui se tient depuis mercredi dans la cité helvétique a pour objectif d'appliquer ce qui avait été convenu dans cette même ville en juin 2012, le point nodal étant la période de transition et, par conséquent, les instruments appropriés. Et là, il s'agit d'institutions acceptées mais aussi composées d'éléments issus des parties en conflit. Donc un gouvernement, mais aussi le contrôle sur toutes les institutions existantes ou devant être mises sur pied, en attendant le règlement définitif. Quant à la durée, elle est liée au blocage enregistré sur cette même question. «Les discussions n'ont pas été constructives aujourd'hui en raison de l'attitude du régime qui a voulu dévier celles qui devaient porter sur l'application de Genève 1», a déclaré un membre de la délégation de l'opposition. Une source proche de la délégation du régime a indiqué, quant à elle, que «l'opposition avait rejeté la feuille de travail et avait demandé qu'on parle uniquement de l'organe gouvernemental de transition». Un tel blocage, jamais exclu, a amené le médiateur de l'ONU à lever la séance. Nul doute que Lakhdar Brahimi s'y attendait au regard du climat détestable qui prévalait le jour même de l'ouverture de la conférence, qui a d'ailleurs amené à reporter la suite de 24 heures. C'est pourquoi il a préféré instaurer un climat de confiance, avant d'aller vers des questions plus difficiles, sachant que s'il y a accord sur le principe de la transition, la lecture qui en est faite n'est pas univoque. En juin 2012, tout le monde criait victoire ; la réalité du terrain et de la rébellion aidant, comment concilier des points de vue aussi opposés ? Ainsi, après deux jours consacrés aux problèmes des populations assiégées, aux milliers de prisonniers et aux disparus dont le nombre demeure inconnu, les négociateurs du régime syrien et de la rébellion doivent aborder le sujet le plus délicat : le gouvernement de transition et, plus exactement, l'exercice du pouvoir, mais aussi la place et le rôle de Bachar Al Assad. Avant même que se tienne Genève 2, le chef de l'Etat syrien avait évoqué cette question et même plus sous la forme d'une candidature à un nouveau mandat, alors que pour l'opposition, il n'est pas question qu'il demeure à son poste. Ce que les uns et les autres considèrent comme une «ligne rouge», une autre, après celle des armes chimiques fixée, rappelle-t-on, par les Etats-Unis. «Nous allons commencer à parler de la transition de la dictature à la démocratie», a déclaré Louai Safi, membre de la délégation de l'opposition, hier peu avant la reprise des négociations. A Damas, la presse syrienne rappelait que «la délégation gouvernementale n'est pas partie à Genève pour remettre le pouvoir». L'on apprenait toutefois que des experts ayant participé à la rédaction de Genève 1 devaient expliquer aux deux délégations le contenu de ce document. L'exercice paraît difficile. En fait, le moment de vérité, et l'on saura alors si Genève n'était pas une simple manœuvre, puisque la réalité du terrain, marquée par d'intenses combats jusque dans les faubourgs de Damas, laisserait croire à l'hypothèse d'une victoire militaire. On se rappelle que le régime syrien en a utilisé au moins la symbolique en faisant atterrir un avion sur l'aéroport d'Alep mercredi dernier, à l'instant même où s'ouvrait la conférence de Genève. Quant à la rébellion, elle tente de surmonter ses querelles et de faire taire les armes utilisées par certaines de ses factions contre d'autres opposants. Une situation réellement complexe, avec des risques de rupture réelle nombreux. L'exercice reste délicat, comme en témoignent les termes employés et, dans pareil cas, la précision s'impose d'elle-même. On parle effectivement de négociations et de «respect mutuel». Pour qu'aucune partie n'endosse un échec éventuel ?