Pour faire de la politique, il faut être moralement irréprochable. Du moins en théorie. Car dans la pratique, c'est une tout autre histoire. Combien sont-ils parmi nos politiciens, anciens et nouveaux, qui peuvent prétendre aujourd'hui être quittes avec leur conscience ? A faire leur boulot de manière désintéressée dans l'unique but de rendre service à la société, à jurer de ne pas tromper l'opinion publique par la démagogie, la filouterie, l'art du mensonge ? En somme à réaliser un parcours qui ne saurait souffrir d'une quelconque contestation ? On pourra toujours chercher les sans taches, ce serait peine perdue, car en politique les véreux et les ambitieux sans scrupules qui sont prêts à vendre leur âme au diable pour conquérir le Pouvoir sont plus nombreux que les idéalistes vertueux qui passent pour des naïfs qui n'ont pas leur place dans une arène où tous les coups sont permis. La politique à l'algérienne est cependant à l'image de ceux qui l'ont façonnée, formatée, orientée depuis l'indépendance du pays. Totalement au service du régime au temps du parti unique, elle s'est délitée avec l'illusoire ouverture démocratique sous le non moins discutable avènement du pluralisme qui devait donner naissance à un contre-pouvoir incarné par une opposition légale, dont les droits d'intervention sont consacrés par la constitution, mais qui a viré très vite à la récupération. Les textes de loi sont clairs, mais pour les tenants du système, la meilleure façon de continuer de faire de la politique, c'est de neutraliser cette opposition hétéroclite par tous les moyens, surtout les plus perfides, et réduire à sa plus simple expression son influence au sein de la société. Cinquante années que le pays est indépendant, mais c'est toujours la politique du Pouvoir en place qui prime et qui a droit de cité même dans les situations économiques et sociales les plus désastreuses. Le sérail, assurément, a bien manœuvré pour rester seul sur scène. Les miettes qu'il a laissées volontairement à ses opposants ne sont pas faites pour l'inquiéter outre mesure. Au contraire, elles lui donnent l'occasion d'avoir un alibi, même fictif, au plan international. Les grandes nations apportent leur caution au régime quand leurs intérêts économiques et stratégiques sont conservés. Elles ferment les yeux sur la mascarade démocratique qui se joue à l'intérieur du pays. Mais nos dirigeants, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui, semblent se complaire de cet état de fait, pourvu qu'ils restent accrochés à leurs postes, voire à leurs privilèges. Ils parlent de la nécessité de changement lorsque la déliquescence de l'état du pays les interpelle, ils reconnaissent que la situation est alarmante et peut provoquer de grands désordres, mais jamais il ne leur viendrait à l'idée que les responsables de toutes les turbulences vécues ou à venir ce sont eux. Ils disent oui au changement, mais pas sans nous. C'est le diktat d'une politique à sens unique qui nous est servie, à l'image de la prédominance du FLN qui a été rejeté par le peuple pour sa politique sectaire mais qui a tout fait pour revenir comme la première force du pays dans un nouveau paysage où la démocratie ne sert que de façade. C'est cette triste réalité qui se déroule sous nos yeux et qui semble sans fin. En instrumentalisant l'ancien parti unique, et tous les partis satellites créés pour parasiter la vie politique, le Pouvoir n'a qu'un seul objectif, c'est de maintenir le rapport de force en sa faveur quels que soient les dégâts que sa position de suprématie inconditionnelle est capable de générer. Pour cela, il a toujours besoin d'un personnel prêt à toutes les soumissions, pourvu qu'il y trouve quelque part son compte. Le FLN étant passé maître dans l'art de convertir ce genre de «militants» qui n'ont jamais froid aux yeux pour affronter les épreuves les plus détestables, il va sans dire que c'est avec sa bénédiction directe ou indirecte que va fleurir toute une faune d'opportunistes pour qui la politique n'est qu'un moyen détourné, un tremplin inespéré pour accéder à des positions dans la hiérarchie sociale qu'ils n'auraient jamais pu atteindre en comptant sur leurs propres compétences. Pour ces gens-là, faire de la politique est une pratique immorale qui peut mener loin tant que la couverture du Pouvoir central est assurée. La contrepartie, c'est de crier plus fort que tout le monde pour faire avaliser la vision du sérail, et en même temps combattre férocement toutes les forces progressistes qui oseraient dire le contraire. La cohorte des courtisans est légion dans le paysage politique algérien qui, au fil des années, en raison de l'outrecuidance des gouvernants qui refusent systématiquement le jeu de l'alternance pourtant vitale pour l'avenir du pays, s'appauvrit de plus en plus jusqu'à devenir insignifiant et complètement improductif malgré la persistance de quelques résistants qui refusent de baisser les bras, forts de la conviction de leur combat. Comment donc porter la voix de la raison face à une armée de bonimenteurs capables de travestir toutes les vérités pour greffer celle de leurs sponsors ? La partie est déséquilibrée, mais tant qu'il y a de l'espoir pour redresser la situation, les téméraires de la politique, considérés comme les ennemis de la stabilité par les hauts représentants du Pouvoir, ne s'avouent jamais vaincus à l'avance, et c'est tant mieux pour les projets à venir. En attendant, le site Algérie Patriotique dans sa dernière livraison nous donne un aperçu ahurissant sur le parcours d'un de ces opportunistes qui ont gravi les échelons en faisant dans l'escroquerie, la surenchère, le trafic d'influence, et même les pratiques de gangster pour arriver au sommet. Il est devenu un haut dignitaire d'un parti majoritaire, il parle en toute impunité au nom du Président, et n'a pas froid aux yeux pour s'assumer. Il se reconnaîtra… Combien sont-ils comme lui à frayer dans l'incandescence ? -Sûrement des milliers et des milliers…