La feuille de route du néo gouvernement de Ahmed Ouyahia remise hier aux députés pour examen, donne un avant-goût de ce que sera le troisième mandat du président Bouteflika. Si l'actuel paysage politique est jugé, à juste titre sans relief, celui à venir risque tout simplement de donner corps à une normalisation autoritaire. La preuve ? L'alinéa 30 de ce plan d'action prévoit la révision des lois organiques relatives aux partis politiques et au régime électoral mais pas forcément dans le sens démocratique proclamé. L'amendement de ces lois y est motivé par le souci de « promouvoir un pluralisme politique assaini de toute dérive et de consolider les procédures électorales à la lumière des expériences vécues ». Dans quel sens le gouvernement du triumvirat Bouteflika-Ouyahia-Zerhouni compte-t-il assainir le pluralisme politique ? S'agit-il d'une opération de toilettage qui consisterait à faire œuvre de salubrité publique en éliminant ces portillons saisonniers de la politique qui profitent à fond de l'argent public ? On est tenté d'applaudir des deux mains si ce n'est que ce sont ces mêmes partis polluant le paysage politique que Bouteflika agite pour vendre des élections pluralistes. A-t-il en fin de compte, décidé de s'en débarrasser après de « loyaux services » ? Difficile à croire. Mis à part ces formations sans ancrage populaire, on a du mal à trouver ces partis auteurs de « dérives » auxquels cet amendement est clairement destiné. Le fait est que depuis la grande dérive du FIS dissous, pas un parti politique n'a été mis au box des accusés. A moins que le pouvoir veuille fermer le bec à certains partis qui osent lui apporter la contradiction. Et ces partis se recrutent parmi le camp démocratique et non pas islamiste bien que la thérapie de cheval proposée était à la mode durant les années FIS. En l'occurrence, « l'assainissement », au sens Bouteflikien du terme, pourrait signifier la fermeture à double tour du jeu démocratique aux partis actifs de l'opposition d'un côté, et l'interdiction désormais « légale » de la création des nouveaux partis d'obédience démocratique. Ce nouvel arsenal législatif pourrait constituer un rempart contre la volonté de certaines personnalités comme Ahmed Benbitour de se lancer dans l'arène politique alors même que l'agrément de nouveaux partis est pratiquement impossible. Assainir la démocratie… La révision de la loi organique relative aux partis politiques, révisée déjà en 1996 par l'ex-président, Liamine Zeroual, pour mettre fin aux « dérives du FIS », a tout l'air d'un énième tour de vis à la pratique démocratique en Algérie. Bien installé au pouvoir depuis dix ans, Bouteflika voudrait assurer une transition en douce à l'intérieur du sérail en coupant l'herbe sous les pieds de ceux qui attendent leur tour. Dans le même ordre d'idées, ce plan d'action du gouvernement est farci de référants politico-idéologiques qui renforcent cette volonté de fermer définitivement le jeu. On notera cette emphase sur les thèmes à très forte valeur ajoutée populiste comme « l'unité nationale » et « l'identité nationale » que le gouvernement se propose de promouvoir ou à préserver, c'est selon. En parcourant l'exposé des motifs, on se croirait dans un pays équarrisse ; en bute à des mouvements séparatistes, voire sécessionnistes. Que le gouvernement veuille « raffermir l'unité nationale », à travers la poursuite et l'approfondissement de la promotion des préceptes de l'Islam (…), à travers la prise en charge des mosquées et de leur mobilisation comme espace de fraternité (…) est en soi un aveu d'échec. L'unité nationale tant chantée n'est donc pas aussi solide puisque le pouvoir entend la raffermir… Aussi, l'unité nationale ne se nourrit-elle pas uniquement avec ces formules incantatoires comme « la promotion de la dimension arabo-musulmane de notre identité nationale » et « la promotion de l'amazighité comme l'un des ciments de l'identité nationale, notamment dans les domaines linguistique, culturel et médiatique ». Les Algériens ont certainement plus besoin d'être rassurés sur leur avenir, de manger à leur faim mais surtout de profiter de la richesse de leur pays que d'un discours idéologique aux accents panarabistes. Il reste que ce plan que Ouyahia va exécuter est conforme à la démocratie, selon Bouteflika.