Deux mois après la découverte du corps de Baha Eddine, la disparition de Ayoub, 12 ans, à El Kouif, plonge la région de Tébessa dans l'effroi. D'autant que les disparitions d'enfants se multiplient. Il était sorti pour s'acheter une glace, près du domicile de son grand-père, à la cité du 1er-Novembre à El Kouif, à 35 km de Tébessa. Sédira Ayoub, 12 ans, n'est jamais revenu. Depuis le 19 juin, sa famille attend des nouvelles dans l'angoisse. Sa photo a été placardée dans les principaux lieux de la ville. Un avis de recherche a été diffusé sur facebook. Mais l'enquête déclenchée par la police de la sûreté de daïra, dès le lendemain de sa disparition, n'a toujours rien donné. «Ce jour-là, ma famille s'était réunie pour une petite cérémonie de fin d'études, pour mon fils qui venait de soutenir sa thèse d'ingéniorat. Ayoub était là. Il jouait avec ses cousins avant de sortir», se souvient, inquiet, Abdelwahab son grand-père. Après le décès de son père et le remariage de sa mère, Ayoub vivait entre le domicile de son grand-père et celui de son oncle. «Quand mon petit-fils a cours, il passe la journée chez moi et le soir, rentre chez son oncle, au douar de Rayacha, à quelques encablures de la ville», précise-t-il. La famille ne se rend compte de sa disparition que le lendemain. «On croyait qu'il était rentré chez son oncle», précise le grand-père. Son oncle maternel contacte alors les amis d'Ayoub avant de réaliser qu'il est porté disparu. Aussitôt, sa famille et ses voisins partent à sa recherche. «On a organisé des battues, on a cherché partout, dans tous les quartiers, même dans les montagnes alentours. On est allés jusqu'à la frontière, sans succès», raconte Abdelwahab. La gendarmerie, qui a ouvert une quête, a auditionné plusieurs personnes, en vain. La famille, qui ne croit pas à une fugue, pense à un enlèvement. D'autant que ce n'est pas le premier à Tébessa. Crime Après l'enlèvement et l'assassinat en novembre 2013 du petit Baha Eddine, 9 ans, les proches de Ayoub redoutent le pire. Depuis sa disparition, sa mère souffre d'hypertension. «J'ai immédiatement fait le lien avec le petit Baha Eddine. Je crains qu'il n'ait subi le même sort.» Baha Eddine, en 4e année primaire, avait aussi été kidnappé à El Kouif, alors qu'il accompagnait son frère à l'école, il avait pris le temps d'aller acheter une équerre à la librairie du quartier Ghéline. Trois jours après sa disparition, il est retrouvé mort et enterré dans un fossé à 300 m de sa maison. Les quatre auteurs présumés ce crime odieux sont actuellement sous mandat de dépôt pour «enlèvement, séquestration, viol et homicide volontaire». Deux mois plus tard, El Kouif est toujours sous le choc. Tous les habitants parlent de ce crime, «le plus odieux que la région n'ait jamais connu». La peur s'est installée à tel point que les parents d'élèves accompagnent chaque jour leurs enfants à l'école de peur qu'ils subissent le même sort. «Il est encore trop jeune pour penser quitter la maison», argumente encore son grand-père. D'autant que rien dans son quotidien ne semble indiquer un mal-être. Ayoub, scolarisé en première année au CEM Bendib Bakar à El Kouif, est même un brillant élève. Il s'entend bien avec toute sa famille et d'après sa mère «il aime la vie plus que tout et son petit frère Yassine handicapé». Yeux bandés D'autres disparitions, restées jusque-là non élucidées, suscitent des interrogations. Ainsi, en août 2012, Rached Eddine Hamza, 11 ans, disparaît alors qu'il accompagnait sa grand-mère dans une boutique de cosmétiques. L'alerte est donnée par des contrebandiers. Enlevé par une famille tunisienne en visite en Algérie, il est retrouvé trois jours plus tard sur une plage, abandonné par ses ravisseurs. Peu avant, c'est un collégien de 15 ans, Mohamed Alla Eddine Guédri, qui disparaît dans la commune de Bekkaria, à 12 km de Tébessa, où il se rendait. Deux jours après, Alla Eddine est rentré à la maison. Selon un proche, il aurait échappé à ces kidnappeurs. Avant cela, en mai 2012, la petite Siham Touaibia, 12 ans, élève en 4e année primaire, disparaissait aussi dans des circonstances mystérieuses. Elle sortait de sa maison, à Bekkaria, à 11 km de Tébessa pour se rendre à l'école, à quelques mètres de chez elle. Plus de quatre mois après, Siham a été conduite par une personne inconnue dans une gare routière à Tébessa à bord d'une voiture, alors qu'elle avait les yeux bandés. Elle a été abandonnée au milieu de la foule. Ces disparitions alimentent une rumeur récurrente à Tébessa, celle d'un réseau de trafic d'organes entre la Tunisie et l'Algérie. Mais la police, qui n'a pour l'heure reçu aucune plainte à ce sujet, dément l'existence d'un tel trafic.