Les candidats à l'élection présidentielle afghane ont tenu, hier à Kaboul, leurs premiers grands meetings politiques à l'occasion de l'ouverture officielle de la campagne électorale. Abdullah Abdullah, l'un des favoris du scrutin, a entamé sa campagne tambour battant. De mère tadjike et de père pachtoune, les deux principaux peuples de l'Afghanistan, M. Abdullah était, après une campagne réussie, arrivé en deuxième position au premier tour de la présidentielle de 2009 avec plus de 30% des voix. En raison des menaces qui pèsent sur la campagne électorale, un important dispositif de sécurité a été mis en place pour protéger les meetings, avec une forte présence policière et des palpations de sécurité systématiques. La raison ? La campagne a été endeuillée par la mort de deux membres de l'équipe de M. Abdullah, abattus en pleine rue par des hommes armés samedi soir à Hérat, la grande ville de l'ouest afghan. Cette attaque a été «fermement condamnée» par le chef de la mission de l'ONU en Afghanistan, Jan Kubis, qui a déploré dans un communiqué «toute tentative visant à saboter le processus électoral». Ces meurtres font resurgir le spectre de la précédente élection présidentielle, en 2009, un scrutin chaotique marqué par des fraudes et des violences. Sécurité oblige donc, Ashraf Ghani, un autre candidat sérieux à la présidentielle, a dû tenir une réunion politique dans une grande salle de réception de la capitale afghane. Onze candidats sont en lice pour briguer la succession du président Hamid Karzaï, à qui la Constitution interdit de briguer un troisième mandat. La course à la présidence afghane, dont le premier tour aura lieu le 5 avril prochain, fait figure de test pour la stabilité et l'avenir du pays, et plus largement pour 12 ans d'intervention occidentale marquée par des dizaines de milliards de dollars d'aide. Elle survient alors que l'Afghanistan, en proie à une violente insurrection des talibans, aborde une période d'incertitude à l'approche du retrait, à la fin de l'année, des 58 000 soldats de la force internationale l'OTAN (ISAF). Mais beaucoup d'observateurs considèrent aussi que l'un des plus grands problèmes du pays reste la corruption et le détournement de l'aide internationale. Dans le même ordre d'idées, le ministère afghan des Finances a fermement rejeté un récent rapport de l'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan (Sigar), l'Américain John Sopko, qui a averti que certains ministères afghans ne rendaient pas de comptes sur leurs dépenses de l'aide américaine. «Le ministère des Finances rejette fermement les conclusions du rapport d'évaluation ministériel en se basant sur les faits ainsi que sur l'évaluation des systèmes de gestion des finances publiques afghanes par des organisations indépendantes, plus professionnelles, responsables et réputées», a indiqué le ministère dans un communiqué de presse. Le communiqué note que «(l'évaluation) des dépenses publiques et de la responsabilité financière pour 2012 menée par la Banque mondiale classe les systèmes de gestion des finances publiques afghanes au-dessus de ceux des pays les moins développés et des pays en voie de développement, et au même niveau que ceux des pays à revenu moyen».Les médias locaux afghans ont rapporté que le Sigar mentionnait dans son rapport le fait que malgré les lacunes de comptabilité, l'Agence américaine pour le développement international (USAid) continuait d'attribuer jusqu'ici des fonds à ces ministères. L'audit du Sigar ne cite pas le moindre cas de gaspillage, de fraude ou d'abus du programme d'assistance directe de l'USAid dans le budget, ajoute le communiqué de presse. «Le ministère des Finances et le gouvernement d'Afghanistan, en conséquence, ne prennent rien de ce qui vient du Sigar au sérieux», conclut le communiqué.