Le chercheur en histoire, journaliste et écrivain Mohamed Abbas refuse l'expression «Bataille d'Alger» donnée par les Français à la guerre des parachutistes, menée par le général Jacques Massu, aux combattants algériens de la Zone autonome d'Alger en 1957. «Ce n'était pas une bataille mais un véritable encerclement d'Alger par les militaires français», a estimé Mohamed Abbas, hier, lors d'un débat sur les mémoires de la moudjahida Zohra Drif, organisé à la faveur de la semaine culturelle de l'Agence nationale de communication, d'édition et de publicité (ANEP) au centre Mustapha Kateb d'Alger. «Soyez vigilants à la terminologie utilisée. C'est Massu qui avait inventé le terme ‘Bataille d'Alger'. Massu, qui avait des pouvoirs spéciaux, avait fait d'Alger la capitale mondiale de la torture. L'armée coloniale française avait généralisé cette pratique à l'ensemble du pays. La torture était devenue une véritable institution», a relevé, pour sa part, Amar Belkhodja, écrivain et journaliste, qui prépare un livre sur Baya Hocine. Amar Belkhodja a lancé un appel à tous les acteurs de la guerre de Libération nationale, leur demandant d'écrire leurs mémoires. «Nous avons une dette morale, défendons la mémoire des absents», a-t-il souhaité. «Je suis blessée de constater que nos jeunes ne donnent pas toute son importance à la guerre de Libération nationale. Je ne les juge pas, mais je me suis interrogée sur le fait que nous n'avons pas, en tant qu'acteurs, transmis à nos enfants et à nos petits-enfants cet héritage historique, l'image réelle de l'Algérie sous l'occupation française, la vie misérable du peuple algérien à cette époque-là. Aujourd'hui, on ne mesure pas le poids des sacrifices. Certains pensent que c'est une plaisanterie. La France coloniale a voulu nous écraser, faire disparaître notre culture. Pour certains jeunes, le départ de la France fut une malédiction. C'est de notre faute, car l'avenir de notre peuple est menacé par le fait que notre jeunesse ne connaît pas l'histoire de l'Algérie, contemporaine ou ancienne. Donc j'ai peur pour l'avenir», a déclaré Zohra Drif. La méconnaissance de l'histoire de la guerre de Libération nationale est, selon elle, la principale raison l'ayant motivée à écrire ses mémoires, Mémoires d'une combattante de l'ALN, parus aux éditions Chihab (Alger). «J'ai voulu donner une image vivante de La Casbah (entre 1956 et 1957, ndlr), montrer la dimension humaine de Hassiba Ben Bouali avec les qualités, les défauts, le courage et la peur. C'était la réalité au milieu de nos combattants (…). Les Algériens ont vécu de durs moments, humiliés et traités comme des animaux par les colons français. Les colons avaient de la considération pour leurs bêtes et du mépris pour les Arabes, les indigènes. C'est cela la colonisation, on vous dénie même votre humanité. La génération de 1954 n'est que l'aboutissement des combats des générations précédentes, depuis 1830», a-t-elle appuyé. «Zohra Drif nous a donné une image précise de certains acteurs-clés du mouvement de 1957 comme Samia Lakhdari, Hassiba Ben Bouali, les familles Belhaffaf et Bouhired, Lalla Tassaadit, Ben M'hidi. Elle a dressé un bon portrait de Ali La Pointe. Elle a raconté les réunions de femmes sur les terrasses de La Casbah, surtout durant la grève des Huit jours. Son témoignage est précieux», a soutenu Mohamed Abbas.