Les autorités nigériennes doivent être bien déçues. L'intervention militaire occidentale contre le «terrorisme» dans le sud de la Libye qu'elles ont réclamé ces derniers jours, n'aura pas lieu. Les Français n'en veulent pas. Du moins, celle-ci ne se fera pas dans l'immédiat. C'est ce qu'a affirmé hier, à la presse, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius. Interrogé à la radio RTL pour savoir si une intervention était envisagée, il a clairement répondu par la négative : «Non, une intervention non.» La semaine dernière, le Niger avait, rappelle-t-on, réclamé une intervention des puissances occidentales dans le sud de la Libye, soulignant que ces dernières devaient «faire le service après-vente» après le renversement du colonel El Gueddafi. Depuis la chute du régime de Mouammar El Gueddafi, le sud de la Libye est devenu, en effet, un «sanctuaire terroriste» qui menace toute la région. Et tout le monde sait que certains pays qui, comme le Niger, sont en première ligne, ne sont pas du tout «outillés» financièrement et militairement pour faire face à une menace aussi importante. Cela veut-il dire pour autant que les Européens laisseront Ali Zeidan, le Premier ministre libyen, et les pays de la région affronter seuls les narco-terroristes (les dommages collatéraux du renversement de Mouammar El Gueddafi, ndlr) ? Cela ne semble pas être le cas. Toute la communauté internationale est visiblement prête à leur donner un coup de main. «J'ai eu récemment le Premier ministre libyen pour lui demander ce qu'on peut faire pour l'aider, quand je dis nous, c'est pas simplement les Français, c'est les Britanniques, les Algériens, les Tunisiens, les Egyptiens, les Américains et beaucoup d'autres, les Allemands», a expliqué Laurent Fabius. «Il faut combattre le terrorisme partout, ça ne veut pas dire qu'il faut avoir des gens au sol, ça veut dire qu'il faut aider les gouvernements, c'est le cas du gouvernement (libyen) qui veut se débarrasser du terrorisme», a insisté le chef de la diplomatie française, dont le pays est déjà engagé militairement au Mali et en Centrafrique. Reconnaissant tout de même qu'il y a des «regroupements de terroristes dans le Sud», M. Fabius a annoncé l'organisation d'une réunion internationale le 6 mars prochain à Rome pour assurer le suivi de la conférence de Paris de février 2013 et aider «davantage» la Libye dans le domaine de la sécurité. En attendant, la priorité pour l'Union européenne et la France, a indiqué hier une source du Quai d'Orsay, porte sur le renforcement des forces de sécurité libyennes. Une mission européenne, EUBAM-Libye, fournit déjà conseils et formation en matière de gestion des frontières. Cette mission civile, basée à Tripoli, avec un mandat initial de deux ans et un budget annuel d'environ 30 millions d'euros, est déployée depuis le mois de juin 2013. Les autorités françaises se sont dites favorables à la montée en puissance de cette mission, qui comptera en pleine capacité un peu plus de 100 personnes. Cette mission est, rappelle-t-on, en contact avec les pays voisins, la Tunisie, le Maroc et l'Algérie notamment. Elle travaille aussi en bonne intelligence avec les minorités touareg et toubou au Sud, auprès desquelles elle fait office de facilitateur dans leurs relations avec les autorités libyennes. Bruxelles est, de plus, prête à commencer rapidement un programme de formation à destination de 1000 policiers libyens. Washington forme, pour sa part, des soldats libyens en Europe de l'Est. La question de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel et singulièrement dans le sud de la Libye a été aussi à l'agenda de discussions qu'a eu au début de semaine le président français François Hollande avec son homologue américain Barack Obama, lors d'une visite d'Etat aux Etats-Unis. Mais pour le moment, rien n'a filtré de cette rencontre. Si les Occidentaux de manière générale excluent donc une intervention militaire de grande ampleur en Libye, cela ne veut néanmoins pas dire qu'ils n'y mènent pas des opérations spéciales. C'est tout le contraire même. Beaucoup y ont été exécutées ces derniers mois. L'une d'elles, encadrée par les forces spéciales américaines à Tripoli, en octobre dernier, a d'ailleurs permis la capture du libyen Abou Anas Al Libi, membre présumé d'Al Qaîda. Les commandos français qui se trouvent actuellement au Niger, au Tchad et dans le nord du Mali ne doivent pas être non plus en train de se tourner les pouces. Devant un tel quadrillage du terrain, il est vrai qu'il peut paraître superflu de parler d'intervention militaire. Surtout que celle-ci risque de mettre encore à mal le budget d'une Union européenne en crise et de déboucher sur un enlisement. Mais dans tous les cas, la lutte contre le terrorisme au Sahel s'annonce longue et âpre eu égard au vide sécuritaire important qui caractérise la Libye post-El Gueddafi.