Il faudrait encore une fois rendre justice à Rachid Bouchareb pour son film Indigènes. C'est une œuvre magistrale. Une réussite totale. Rachid Bouchareb, qui a préparé pendant quatre ans son film, a une approche directe, une méthode concrète d'aborder la Seconde Guerre mondiale qui a vu des combattants du Maghreb et d'Afrique libérer de vastes régions de la France et d'Italie. Ce qui manquait dans les manuels scolaires, Indigènes le restitue dans une clarté pédagogique. Il y a l'essentiel sans sensiblerie. Chaque épisode du film est comme un paragraphe du livre qui n'existe pas encore. « Mon premier choc, dit Rachid Bouchareb, a eu lieu pendant les essais de costumes. Découvrir Jamel, Samy, Rochdi et Sami habillés selon leurs personnages m'a donné la première réalité du film. une veste militaire, une djellaba, un calot confèrent d'un seul coup une vérité aux personnages. Ils avaient pris la place de leurs ancêtres ! Chaque jour de tournage a été difficile. J'étais inquiet mais personne ne devait le voir. Devant 500 figurants et 220 techniciens, on ne peut pas avoir l'air de douter. Le doute, je l'affrontais quand j'étais seul le soir dans ma chambre. Je me rassurais en travaillant. » Indigènes n'est pas une banale épopée. Il ne s'agit pas d'un film de guerre conventionnelle. Le film évoque une histoire qui n'existe dans aucun livre. Pour ce faire, il restitue avec une maestra époustouflante comment un groupe de soldats « indigènes », découvrent un autre monde, une autre culture et comment ils doivent s'y adapter pour sauver... ce monde et cette culture qui les ont toujours méprisés. Cette aventure humaine vécue ensemble pendant les semaines de tournage, Rachid en parle avec émotion : « C'était la première fois que je travaillais avec Jamel Debbouze. Il est très consciencieux. De temps en temps, il faisait des blagues pour détendre l'atmosphère dramatique et aussi pour se rassurer un peu. Roshdy Zem, c'est une force tranquille, je le connais depuis longtemps. Il fait tout avec une apparente facilité mais cela repose sur un énorme travail. Contrairement à ses camarades, Sami Bouadjila est très concentré et ne laisse rien au hasard. Il travaille son personnage jusqu'à le maîtriser complètement. Il a l'énergie, l'intégrité, les réflexes. Sami était très impliqué humainement et très attaché au groupe. Il y a quelque chose de fascinant dans Samy Naceri. Il parle peu. Il ne pose presque pas de questions. Il écoute et soudain, lorsque vous lancez la caméra, il s'éveille et il est bon dès la première prise. Sami Nacéri est un instinctif. Il a une vraie puissance de jeu. » Rachid Bouchareb, cinéaste hypersensible et très intelligent, s'est accroché pendant quatre ans avec une audace et une détermination incroyables au projet d'Indigènes. Le film, à Cannes, a fait mouche sur la presse et le jury. Il sortira fin septembre sur les écrans. Cette fresque est bien partie pour avoir un impact considérable.