Quatre années sont passées depuis l'assassinat, le 25 février 2010, de Ali Tounsi, patron de la Sûreté nationale, et l'affaire est toujours en attente de jugement. Du fond de sa cellule, Chouaïb Oultache, auteur présumé de ce crime, attend la programmation de son procès. Il y a quatre années, jour pour jour, Ali Tounsi, ancien directeur général de la Sûreté nationale, était assassiné dans son bureau, au moment où les cadres de l'institution l'attendaient au bout du couloir, pour une réunion-bilan. L'auteur présumé du crime est son homme de confiance, Chouaïb Oultache, un ancien colonel de l'armée de l'air, qu'il a lui-même décoré symboliquement du grade de divisionnaire, avant qu'il ne lui confie l'unité aérienne de la police. Cinq mois plus tard, l'enquête conclut à un «acte isolé», suscitant aussi bien la réaction de la partie civile, qui récuse le mobile retenu, que celle de la défense de Chouaïb Oultache, qui estime que ce dernier «a blessé» le défunt et «d'autres l'ont achevé». En fait, selon l'arrêt de renvoi, le crime a eu lieu suite à une altercation, juste avant la tenue d'une réunion-bilan avec les cadres de la police, en ce jeudi 25 février 2010. Oultache insistait pour être reçu avant ses collègues. Il entre dans le bureau du directeur général, qui le reçoit froidement. Il demande le report de la réunion pour permettre à ses collaborateurs d'achever leur travail. Tounsi refuse. «C'est aujourd'hui que les comptes doivent être rendus…», lui dit-il. Une altercation s'ensuit. Les deux responsables abordent la question des marchés de télésurveillance et de télécommunication. Tounsi s'emporte. «Ton service est resté à la traîne, tu m'as mené en bateau et tu t'es arrangé pour donner tous les marchés à l'armée. Vous êtes tous des traîtres», lui lance-t-il. Oultache réagit : «C'est toi le traître et fils de harki.» Brusquement, Tounsi prend un coupe-papier, se lève de sa chaise et se dirige vers Oultache, qui le met en garde : «Attention ! Je suis armé, ne t'approche pas de moi.» Tounsi continue d'avancer. Oultache dégaine son arme, un Smith & Wesson. Il tire une balle en l'air pour le stopper, puis une seconde et une troisième fois, mais Tounsi est toujours debout, tenant le coupe-papier dans sa main droite. Oultache tire une quatrième balle et Tounsi s'affaisse par terre, à plat ventre. Réalisant son geste, Oultache s'assied sur le fauteuil et retourne son pistolet contre lui. Ce dernier se bloque. Il tente de le débloquer, en vain. Il sort du bureau et se dirige vers le secrétaire particulier du défunt. Personne n'a entendu les coups de feu, du fait des portes capitonnées. Oultache informe le secrétaire que Tounsi réclame le chef de sûreté de wilaya d'Alger, le directeur de l'administration générale (DAG) et le directeur des moyens techniques (DMT). Les trois arrivent au bureau de Tounsi. Oultache assène un coup de crosse sur la tempe du chef de sûreté de wilaya, avant de prendre la fuite avec les deux autres. Le secrétaire arrive, puis repart en criant : «Il l'a tué, il l'a tué.» L'arme à la main, Oultache sort dans le couloir, et à voix haute, il insulte tout le monde. La salle de réunion se vide. C'est la panique générale. Quelqu'un surgit de nulle part et lui tire une balle au niveau de l'abdomen, puis une autre au rein. Oultache revient sur ses pas et le tireur lui loge une troisième balle dans une jambe, puis une quatrième dans l'autre. Malgré ses blessures, il arrive à rejoindre le bureau. L'arme toujours en main, il s'affaisse sur un fauteuil face à la porte d'entrée, qu'il a pris le soin de fermer. Il perd beaucoup de sang. Les gémissements de Ali Tounsi résonnent dans son oreille. Quelques minutes plus tard, le bureau est investi par des policiers. C'est là, qu'il dit avoir entendu cette phrase : «Achevez-les tous les deux.» Il sombre dans un coma profond. A son réveil à l'hôpital de Bab El Oued, il parle de «trou noir qui a effacé toute trace de cette matinée». Son avocat, Tayeb Belarif, soulève de nombreuses «violations» de la procédure et récuse la thèse de «l'acte isolé». Pour lui, Ali Tounsi «a été blessé par Oultache et achevé par d'autres». Quatre ans après, l'affaire n'est toujours pas jugée. Maître Belarif se dit «convaincu que le procès n'aura pas lieu tant que la Cour suprême n'aura pas validé la condamnation de Oultache dans l'affaire liée aux marchés des équipements informatiques attribués à la société privée ABM, dont le directeur général adjoint est son gendre. Ce dossier a été monté de toutes pièces pour constituer un mobile au crime.» L'avocat dénonce avec virulence «la forfaiture» commise, selon lui, par le procureur de Bir Mourad Raïs, le 15 mars 2010. «Il avait placé sous interdiction de sortie du territoire national la fille d'Oultache et épouse de Sator, alors qu'elle n'a jamais été citée de près ni de loin dans cette affaire. Je lui ai écrit lui demandant d'annuler la décision, il m'a fait savoir qu'il s'agit d'une mesure conservatoire non susceptible de recours. C'est inadmissible. Je vais saisir le Comité onusien des droits de l'homme…», s'offusque Me Belarif.