Un projet ministériel de construction d'un port a mis en colère les habitants et les pêcheurs de la région de Aïn Témouchent. Pétition, manifestation, sollicitation de la presse. En se mobilisant, les habitants ont réussi à faire venir le ministre du Tourisme sur place. La plage a été entourée d'une clôture. Des rochers ont été transportés depuis les carrières avoisinantes. Une centrale à béton et du matériel de chantier attendent d'être utilisés. Le sol a été terrassé. Dans cette crique qui fait face aux îles Habibas, classées réserve naturelle marine depuis mars 2003, les autorités ont décidé de construire un abri de pêche. Une structure bétonnée qui menace la biodiversité de la zone, dernier refuge pour le phoque moine de la Méditerranée, espèce en voix de disparition. Cette décision, jugée illégitime par les habitants, a provoqué une mobilisation sans précédent à travers la région. Les pêcheurs sont les premiers interloqués. «On ne comprend pas. La zone est vide, pourquoi y faire un abri de pêche. Nous ne pêchons pas ici. Il n'y a aucun commerce aux alentours. Et il y a surtout un autre port à seulement 4 km de là», explique-t-on. Le projet menace aussi l'activité économique locale. «Nous ne sommes pas contre la construction de ports, mais la région de Madagh est touristique. Les gens y viennent pour la richesse de la nature. Cette zone a déjà un intérêt local, quelque chose qui permet aux habitants de gagner leur vie. Si vous détruisez la nature, nous perdons notre gagne-pain», dira un habitant. La mobilisation s'est organisée de manière spontanée. Les pêcheurs qui étaient contre le projet ont été rejoints par des militants écologistes et par des estivants, habitués à venir passer leurs vacances dans cette région. Les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille ont fait le reste. «Trois amis m'ont raconté cette histoire, j'ai décidé de me mobiliser», rapporte une jeune femme, responsable administrative à Alger. La jeune femme a créé une page facebook, rassemblé des dizaines de photos et s'est déplacée deux fois à Aïn Témouchent pendant ces jours de repos. Un groupe s'est occupé de contacter les journalistes. Le 31 janvier, ceux qui ont décidé de se mobiliser ont lancé une pétition sur internet. En moins d'un mois, le texte a recueilli plus de 1 000 signatures. Le 25 février, le ministre du Tourisme s'est rendu sur place. Mohamed Amine Hadj Saïd fut interpellé par Nouria Yamina Zerhouni, wali de Aïn Témouchent. Une rumeur court : le projet serait suspendu. Mais rien n'est certain. A la direction des travaux publics qui assure le suivi du projet de réalisation, l'on assure que rien d'officiel n'a été communiqué. Par contre, on indique qu'une délégation dépêchée mardi dernier par le ministère de la pêche s'est déplacée dans la région avec pour mission «l'étude de la possibilité d'adaptation du projet au site», c'est-à-dire le rendre écologiquement acceptable. Il y aurait consensus sur cette solution intermédiaire, mais il faudrait qu'un comité interministériel l'avalise pour qu'elle devienne effective. L'affaire concerne trois ministères : le Tourisme, la Pêche et l'Environnement. La proposition de la wilaya de Témouchent n'avait jamais été de bétonner la zone. Marina Les bateaux de pêche qui l'utilisaient comme abri avaient même été expulsés et les taudis implantés par les marins sur la plage avaient été rasés. Elle avait été aménagée en plage et embellie par des milliers de mètres cubes de sable, son rivage étant de galets. Les autorités locales voulaient également créer un abri à Ouardania ou à Zouanif, à l'ouest de la wilaya à la demande de la population d'Oulhaça. C'est plutôt à la sollicitation des familles de marins qui mouillaient à Madagh et par le biais de la wilaya d'Oran que le projet a été retenu par l'ancien ministre de la Pêche. Certaines évoquent un lobby au profit de plaisanciers oranais, les pêcheurs étant utilisés en devanture car certains cadres de la wilaya estiment que le projet n'est pas viable : «Les plages, c'est le lieu de sable en mouvement, ce qui se traduit automatiquement par l'ensablement des abris. N'avons-nous pas déjà fort à faire pour désensabler les ports eux-mêmes pour aller nous coltiner aux abris ?» Les habitants, eux, évoquent la politique de développement des zones d'expansion touristique dans la région. Un projet de complexe touristique autour de Madagh existe. Il prévoit l'aménagement d'une marina.