L'armée américaine se déplace à la manière d'un rouleau-compresseur qui broie tout sur son passage, en ayant recours à des moyens sans commune mesure avec ceux qui sont supposés être utilisés pour la combattre. Ce sont des chars d'assaut appuyés par des hélicoptères et parfois même des bombardements aériens qui ne craignent pas de larguer leurs bombes sur des zones d'habitation. C'est la situation à laquelle est confrontée la population irakienne comme à Najjaf, à Sadr City ou encore à Falloujah, toutes ces localités étant considérées dans leur ensemble comme des bastions de la résistance, et présentées alors comme des cibles potentielles. C'est cette fois, et depuis jeudi, la petite ville de Tall Afar encerclée par l'armée américaine qui y interdit toute entrée. Donc pas en sens inverse. En effet, ses habitants la quittaient hier par centaines, alors que des notables de cette région du nord de l'Irak ont proposé au Premier ministre Iyad Allaoui une médiation pour éviter une reprise des combats qui ont fait jeudi plus de 50 morts. De son côté, le Front uni de Ninive, regroupant depuis avril 2004 des chefs tribaux, des partis politiques et des personnalités indépendantes de la province à laquelle est rattaché Tall Afar, a mis en place un comité de cinq personnes pour servir d'intermédiaires entre le gouvernement et les responsables de la ville, a indiqué un des responsables Talaât Al Wazan. « Les résidents et les combattants de Tall Afar nous ont demandé de négocier et nous nous sommes adressés au (secrétaire d'Etat sans portefeuille) Kassem Daoud pour lui faire part de cette proposition », a-t-il ajouté. « Ce dernier nous a indiqué qu'il allait en parler avec M. Allaoui et nous attendons sa réponse ». Selon lui, les chefs de tribus de cette ville de 150 000 habitants, dont la majorité sont des Turcomans chiites, réclament la libération de tous les détenus et le départ des gardes nationaux (qui se battent aux côtés de l'armée américaine). Ils proposent en échange de prendre en charge la sécurité de la ville et d'interdire à tous les combattants étrangers à la localité d'y entrer. Pour sa part, Mme Songoul Chapouk, du Front turcoman irakien et ancienne membre du Conseil de gouvernement, a indiqué avoir elle aussi poussé à cette médiation. « Je suis opposée à l'utilisation de la force contre des innocents. Tall Afar est un ville frontalière peuplée de paysans turcomans et arabes et je ne crois pas qu'ils aient de relations avec des groupes terroristes », a-t-elle dit. De son côté, la Force multinationale (FNM) a indiqué dans un communiqué que ses soldats avaient découvert « une grande cache d'armes à Tall Afar, dont 5 obus de mortier de 120 mm, sept obus de 57 mm, un de 100 mm, un de 82 mm, une roquette de 122 mm et 5 détonateurs ». La FNM a indiqué avoir envoyé vendredi dans la ville des équipements médicaux pour 13 500 dollars. Depuis le début des opérations américaines jeudi contre la ville, 50 personnes ont été tuées, dont 20 policiers, et une centaine a été blessée, selon un nouveau bilan fourni par Faouzi Ahmad, chef de l'hôpital de Tall Afar. Pour sa part, l'armée américaine avait fait état de 57 « terroristes » tués. Une manière bien commode de traiter toutes les victimes de ce rouleau-compresseur américain qui ne fait pas la moindre distinction, alors que des femmes et des enfants figurent parmi les victimes. C'est cet amalgame qui autorise aujourd'hui toutes les dérives et en masque tous les excès. Comme celui qui consiste à traiter de terroriste tout opposant à la présence militaire étrangère et au cabinet irakien mis sur pied par l'armée américaine, et à taire le véritable bilan au sein de la population irakienne. La seule statistique est non officielle parce qu'elle provient de comptages effectués par une ONG (organisation non gouvernementale) donnant le chiffre de 13 000 morts irakiens. De ceux-là, personne ne semble s'en soucier.