La femme algérienne s'est-elle réellement imposée dans le champ politique ?A-t-elle été brimée dans ses libertés et ses droits, l'empêchant ainsi de s'émanciper et d'exercer sans contraintes ? Le système de quotas entré en vigueur depuis 2012 accordant des pourcentages de sièges aux femmes dans les différentes Assemblées (nationale, de wilaya et communale) peut-il constituer une porte pour soulever ses choix politiques ? La fermeture du champ politique imposée par le pouvoir ne permet pas également l'émergence de femmes politiciennes. Si certaines ont pu s'imposer sans se nourrir de la semoule du pouvoir, d'autres femmes ont investi le militantisme citoyen car déçues des anciennes expériences. Force est de souligner que les femmes qui constituaient des piliers de partis ont tout simplement rejoint le camp de l'opportunisme, alors que quelques années plus tôt elles scandaient «Pouvoir assassin». Louisa Hanoune, membre fondatrice du Parti des travailleurs (PT) et présidente de cette formation depuis plus de deux décennies, est connue des Algériens comme l'une des rares femmes politiques dans le pays. Mais elle n'est pourtant pas la seule. Ses passages à la télévision publique lui ont donné une certaine visibilité. Les impressions de l'opinion font ressortir qu'elle demeure une privilégiée du système. Quant à Chalabia Mahjoubi, présidente du Mouvement pour la jeunesse et la démocratie, de la dénonciation de la fraude en 2012, elle a rejoint le clan des pro-Bouteflika pour le 4e mandat dans un groupe orchestré par Amar Ghoul. Naïma Salhi est une autre présidente d'une formation, le Parti de l'Equité et de la Proclamation. Elle a rejoint mardi dernier le clan des pro-Ali Benflis, candidat à la présidentielle 2014. On l'aura remarqué, les partis politiques algériens connaissent un déficit en matière de leadership féminin. Lors de la mini-ouverture politique début janvier 2012, prélude aux élections législatives de mai de la même anée, l'Union pour le Changement et le Progrès a été créée. L'assemblée constitutive a élu Me Zoubida Assoul en tant que présidente. Ancienne magistrate, elle estime d'emblée dans une déclaration à El Watan que «la femme algérienne qui s'engage en politique doit se former puisqu'elle doit avoir des connaissances pour maîtriser les problématiques que vit le pays et ce, pour avoir une vision et des réflexions pour proposer des solutions.» «Mais, malheureusement, poursuit-elle, le système ne permet pas l'émergence de nouvelles figures féminines.» La dernière décennie a vu l'émergence de militantes féminines qui n'ont pas de casquettes partisanes. On peut citer les Sabrina Zouaoui, Amira Bouraoui, Sabrina Rahmani, et autres Nassima Guettal, qui estiment qu'il n'est pas nécessaire d'adhérer à un parti politique pour exprimer ses opinions. Bien entendu, elles sont des centaines répondant à de similaires profils. Pour Mme Assoul, «il n'y a aucune contrainte à cela, car dans le champ politique ce n'est pas une nécessité de s'encarter.» Elle pense dans le même sillage qu'«une société civile libre et forte est un point positif, ouvrant la voie à des militantes de prendre les préoccupations des citoyens.» Système biaisé Pour Sarah, doctorante en sciences en génie des procédés à l'université de Bab Ezzouar d'Alger, «le militantisme politique des femmes est parfois rejeté par les hommes à cause de la mise en relief par ces dernières de vraies problématiques touchant les volets liés à l'égalité, l'équité, une meilleure distribution des responsabilités, la nomination à des postes sensibles, de chefs de missions diplomatiques, les chefferies de daïra, ou de walis.» «Il faudrait donc maintenir une pression sur les politiciens pour qu'ils soient contraints de faire des concessions et les mettre à l'évidence qu'une société ne peut progresser si elle ignore la deuxième composante de la nation.» Ce qui incite la présidente de l'UCP à rendre hommage aux femmes qui ont longtemps milité par le passé. Toutefois, elle précise d'autre part que «les avancées féminines ont été bloquées par un environnement qui n'est pas propice, puisque la politique reste encore mal perçue par les femmes, et des hommes ne veulent pas qu'elles adhèrent à la politique. Ils veulent que le champ reste biaisé.» En évoquant le système des quotas, l'ex-magistrate observe qu'«en partant de la réalité algérienne, avec l'existence d'une injustice à l'égard des femmes dans l'exercice de la politique, le système des quotas permet de rééquilibrer la scène politique. Mais il ne suffit pas. Il faut des conditions.» La preuve, «des partis ont placé n'importe quelle femme dans les assemblées locales ou nationales. Je connais par exemple des femmes compétentes d'un parti connu de la scène nationale, mais elles sont brimées par leur direction», déplore-t-elle. Mme Assoul soutient que «les femmes doivent jouir de cycles de formation comme le networking. Des outils sont indispensables pour que, outre le bagage universitaire, la femme puisse détenir les clés du leadership. Car la politique est une vocation et une conviction ; ce n'est pas un métier», ajoute la présidente de l'UCP.