Commémoration de Miliyonia (mouvement de contestation des chômeurs de Ouargla) demain, en face de l'hôtel des finances. La CNDDC organise depuis le 8 mars courant des sit-in quotidiens en face de l'hôtel des finances pour préparer la rue à la commémoration de Miliyonia du 14 mars 2014, prévue demain, jeudi. En une année, beaucoup de choses ont changé. Tahar Belabes, figure charismatique du mouvement de contestation des chômeurs de Ouargla et coordinateur national de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC) a démissionné. Il a depuis été recruté comme opérateur sur sonde par l'Entreprise nationale des services aux puits ENSP. Il explique son retour à la base par la nécessité de donner au mouvement des chômeurs un délai de réflexion, un second souffle. Ni discorde ni accord Le communiqué officialisant la démission du désormais ex-coordinateur du mouvement souligne qu'il n'existe pas de discorde entre les chômeurs. Ces derniers ont décidé de suivre le chemin de la structuration en association de wilaya. Ils espèrent même que la Drag leur autorise un meeting le 14 mars à la salle Sedrata. Qui sait, maintenant qu'une nouvelle étape est franchie dans le parcours de ce mouvement qui a toujours refusé de se plier aux exigences de l'administration du temps de Zerhouni et de Ould Kablia ? Ali Bouguerra, le wali de Ouargla, a-t-il réussi là ou tous les autres ont échoué ? Le fait est que le choix s'est porté sur Kazouz Slimane, chômeur lambda comme nouveau coordinateur de la wilaya de Ouargla puisqu'il préside désormais l'association de défense des droits des chômeurs de la wilaya de Ouargla qui compte demander son agrément. Les raisons d'un retrait «Ma démission a deux buts. Primo, couper court aux subterfuges du gouvernement qui a voulu réduire les souffrances, les sacrifices et les rêves des chômeurs algériens, à la seule personne de Tahar Belabes, car je ne suis que le porte-voix de ces milliers d'exclus de la société.» T. Belabes reconnaît l'infiltration de son mouvement et accepte désormais d'écouter les voix qui s'élèvent contre lui, contre sa façon de se substituer aux chômeurs alors qu'une large frange veut négocier avec l'administration. Il dit que son retrait a aussi une autre cause : «Le wali de Ouargla nous a demandé de nous structurer, de nous conformer aux lois et créer une association. Une partie des chômeurs, ici à Ouargla, est sensible à cet appel. L'idée d'une structuration administrative conforme aux exigences du ministère de l'Intérieur horripile les chômeurs dans les wilayas. Nous estimons que notre force vient justement du fait que nous ne somme pas structurés, l'inexistence d'un organigramme rend difficile les tentatives incessantes de sabordage, le but étant d'aller vers les chômeurs dans les quartiers, les communes…». T. Belabes se plie donc au désir d'une partie de ses troupes qui veut voir jusqu'où ira Ali Bouguerra quand il promet d'ouvrir le débat avec des chômeurs structurés. L'ex-coordinateur de la CNDDC souligne aussi que sa démission est la réponse à ses accusateurs d'agir selon des agendas étrangers, d'être à la solde des ennemis de la nation pour préparer un printemps algérien, voire un mouvement séparatiste, d'avoir des comptes pleins à craquer en Suisse. Le sud, dans le regard des autres «Qu'on le reconnaisse ou pas, le 14 mars a suscité un regard différent sur le Sud et les gens du sud de la part de nos décideurs et de nos compatriotes.» Selon les chômeurs, il y aurait plus de respect dans l'air, moins de folklorisation, un changement dans les nominations qui a profité à quelques secteurs, même si les cadres continuent à être marginalisés. «Vous rendez-vous compte qu'avant cette date, nous étions une sorte de territoire en disgrâce où on venait soit par mesure disciplinaire, soit parce qu'on était poussés au suicide au Nord ? Que le nombre des députés de toutes les wilayas du Sud équivalent à ceux d'une seule wilaya du Nord, est-ce notre faute que d'avoir choisi d'être dans cette région du pays pour payer ce prix ? Et qu'on ne vienne pas nous dire qu'il y a une équité dans la misère ; les disparités entre le sud et le Nord sont visibles à l'œil nu. Les cahiers des charges sont différents, les standards sont différents.» Lutte pour le changement pacifique Longtemps stigmatisé par la société, par l'administration qui refuse d'être contestée, le mouvement des chômeurs montre des signes d'essoufflement tout en continuant à exister. Le mouvement a implosé nous disait Madani Madani, figure de proue du mouvement il y a quelques jours. Critiqué pour son discours, son manque de clairvoyance et son refus de dialogue alors qu'il était en position de force, ce mouvement veut survivre à l'implosion. «Les chômeurs de Ouargla ont imposé une méthode, un modèle de lutte pacifique pour l'intérêt général». Pour beaucoup de chômeurs, le challenge pour les années à venir est de préserver de mode de lutte pacifique, de le transmettre et d'en faire une école. Pour l'aile politique du mouvement, rallier toute initiative de changement pacifique est un objectif à court terme. Sociales, économiques, politiques, les revendications des chômeurs sont celles du peuple algérien. «Arracher nos droits constitutionnels. Liberté de manifester, de s'exprimer, respect du citoyen, implication dans la vie politique du pays, le chemin de la liberté est encore long et nous savons que le système actuel est tout à fait impuissant et incapable de donner quelque chose de son propre chef», disait encore Tahar Belabes lors du rassemblement du 2 février dernier, quelques jours avant son retrait stratégique.