Le budget suscite déjà moult convoitises et, en filigrane, beaucoup de suspicions quant à son affectation. Grand branle-bas de combat à Constantine en ce mois de mars 2014. Une année après sa désignation par l'Organisation arabe pour l'éducation, la science et la culture (ALESCO), comme capitale de la culture arabe 2015, l'antique Cirta connaît une frénésie certaine, du moins du côté des officiels, pour «métamorphoser» une ville millénaire accusant un dénuement culturel difficile à combler, et ce, par le biais d'infrastructures réalisées à la hâte. Pour les autorités chargées du dossier, le temps presse en effet, si Constantine veut faire bonne figure et accueillir dignement les participants à cet événement international. Mais comment établir une échelle des priorités sachant que tout est à faire ou à refaire ? Sur 76 projets prévus, les 25 retenus pour l'instant doivent impérativement être achevés en février 2015. C'est du moins le souhait des autorités. Outre les nouveaux chantiers, celles-ci s'engagent également dans des projets de réhabilitation du vieux bâti (environ 500 immeubles datant de la période coloniale sont concernés), mais aussi dans la «reconversion» de certains édifices. Ainsi, il a été décidé de transformer la résidence de la wilaya en centre des arts et en institut de la musique malouf, la medersa en centre de figures historiques et culturelles, alors que la maison de la culture Mohamed Laïd Al Khalifa, où les travaux sont déjà entamés, sera promue au rang de palais de la culture. Pour d'aucuns, la réorientation programmée de la résidence de la wilaya, située au niveau du boulevard Zighoud Youcef (appelé communément Boulevard de l'Abîme) doit impérativement être précédée par une réfection du réseau AEP ainsi qu'un confortement de la chaussée et du mur de soutènement de la corniche à cause du glissement de terrain survenu en mai 2013, induisant la fermeture du boulevard à la circulation. Recyclage et rafistolage Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et le problème des infiltrations d'eau pris en charge par la Seaco piétine, retardant l'intervention des services des travaux publics pour consolider le mur. Rafistoler de vieux immeubles et recycler certaines infrastructures pour combler un vide criard en matière de musées et de centres culturels est certes louable et bénéfique pour Constantine, mais la préservation de la moelle osseuse de la ville doit constituer la priorité des priorités. Si un pan du mur de pierre de la corniche du Boulevard Zighoud Youcef s'effondre, avec toutes les conséquences désastreuses que cela induira, c'est réellement un pan de l'architecture et de l'histoire de la ville qui échouera en contrebas du Rhumel. Côté finances, l'Etat ne lésine pas sur les moyens pour rattraper le retard enregistré avant le début de la manifestation dont le coup d'envoi sera donné le 16 avril 2015. Il compte mettre les bouchées doubles en débloquant des enveloppes mirobolantes d'une part, une cagnotte qui pourrait atteindre environ 50 milliards de DA, et en recourant à la main-d'œuvre et au savoir-faire d'experts étrangers (chinois et turcs), d'autre part. Bien entendu, un tel budget suscite déjà moult convoitises et, en filigrane, beaucoup de suspicions quant à son affectation. Cela étant, toutes les mesures seront donc prises pour que Constantine soit prête pour ce rendez-vous qui donne des sueurs froides aux responsables du méga chantier enclenché ces dernières semaines aux quatre coins de la ville pour assurer la finalisation des 25 principaux projets entamés et dont la réception doit impérieusement avoir lieu avant le début de la manifestation. Mais qu'en sera-t-il dès lors des autres infrastructures-réceptionnées pendant ou après l'événement - et qui engloutiront des sommes éléphantesques sans être réellement optimisées ? Constantine connaîtra-t-elle le «syndrome de Tlemcen» ? Des infrastructures y sont restées fermées, une fois les feux des projecteurs éteints et l'événement (Tlemcen capitale de la culture islamique 2011) pour lequel elles ont été réalisées a pris fin. Peut-on vraiment éviter un remake s'agissant de l'événement de 2015 à Constantine ? Les responsables du secteur auront-ils assez de ressources et de souffle pour assurer une longévité culturelle aux nouvelles entités ?