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Le boucher et l'homme d'Etat
Deux livres viennent de paraître sur Ariel Sharon
Publié dans El Watan le 19 - 06 - 2006

Si pour Robert Assaraf, ancien vice-président de Mariane et président de Radio Shalom, Ariel Sharon s'était élevé au rang d'un homme d'Etat, pour la politologue Tanya Reinhart, professeur à l'université de Tel Aviv et à la New York University, il est resté un dirigeant brutal et raciste.
« Jusqu'à fin 2003, Ariel Sharon passait pour l'un des faucons de la vie politique israélienne et pour le symbole de l'idéologie du Grand Israël. Beaucoup voyaient en lui le seul responsable du déclenchement de la seconde Intifada, du fait de sa visite controversée sur l'esplanade des Mosquées en septembre 2001. Encore étaient-ce là ses péchés les moins graves. Ils ne faisaient pas oublier la tache indélébile attachée à son nom : sa responsabilité morale dans les massacres de Sabra et Chatila en septembre 1982 », diagnostique Robert Assaraf. Un constat qui se veut ironique, car trop abusif. Depuis le retrait unilatéral de Gaza, l'ancien Premier ministre, plongé dans le coma depuis le 4 janvier dernier, est présenté comme un homme d'Etat. Sa rupture avec le Likoud, parti de droite toujours attaché au Grand Israël, et la création d'un parti à sa botte, Kadima, vainqueur des dernières élections, ont fini par convaincre Assaraf sur sa nouvelle stature politique. Or, ce retrait de Gaza n'est qu'une façon de s'approprier de grands pans de la Cisjordanie, en annexant les terres palestiniennes par des implantations juives encouragées par Ariel Sharon lui-même. Même si l'on ne partage pas les conclusions de Robert Assaraf, on est obligé de constater que son livre est très détaillé et très documenté. Son successeur, après sa mort politique, continue de marcher sur ses pas. Ehud Olmert est le sosie d'Ariel Sharon. Les raids, incursions, assassinats « ciblés », de moins en moins précis, sont le lot des Palestiniens. C'est ce que constate Tanya Reinhart. Pour elle, Ariel Sharon demeure pour l'histoire un dirigeant brutal, raciste et manipulateur. « Depuis l'évacuation des colonies de Gaza, le monde occidental est encore sous le charme de Sharon, de la légende du grand tournant qu'il aurait imposé à la politique israélienne », s'indigne l'universitaire qui crie à l'imposture. Dans son livre au titre sans détour, L'héritage de Sharon, détruire la Palestine, suite, elle s'attelle à démontrer que rien n'a changé. Elle montre qu'après le « désengagement », le but de l'occupant est resté le même : maintenir étanche la prison-Gaza, transformer la Cisjordanie en un système d'enclaves fermées, confisquer les terres palestiniennes grâce au mur de séparation. Tanya Reinhart dénote dans le paysage israélien. Elle avait pris tout le monde à contre-pied en demandant la reconnaissance de la formation d'Ismaïl Haniyyéh. « Il faut reconnaître le gouvernement Hamas. Non seulement parce que la reconnaissance du Hamas serait bonne pour Israël (...) mais parce que ce serait une initiative appropriée, conformément à tous les critères de la justice et du droit international. » Elle juge sévèrement le successeur d'Ariel Sharon. « Olmert (le Premier ministre israélien) a peut-être réussi à convaincre une majorité, au Congrès des Etats-Unis, à voter en faveur d'un boycott du gouvernement Hamas. Mais, dans la société israélienne elle-même, il ne dispose d'aucune majorité. Pour l'instant, la seule chose qui reste à espérer, c'est que l'Europe reprendra ses esprits et aussi qu'elle influencera les Etats-Unis afin de les amener à accepter le choix démocratique du peuple palestinien. »

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