Mohamed El Baradei qui vient d'être élu pour la 3e fois directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIEA), une organisation intergouvernementale des Nations unies, a pris ses fonctions à la la tête de cette agence le 1er décembre 1997 et reconduit à son poste en septembre 2001. Il a succédé au Suédois Hans Blix qui a occupé la fonction de 1981 à 1997, cumulant ainsi quatre mandats à la tête de l'agence, ratant de peu le record détenu en la matière par son prédécesseur et non moins compatriote le scientifique Sigvar Eklund qui a présidé aux destinées de l'AIEA durant 20 ans de 1961 à 1981. Cet Egyptien natif du Caire le 17 juin 1942 et qu'apparemment rien ne prédestinait à occuper de telle charge, fils d'un avocat Mostéfa El Baradei et président de l'Association des barreaux égyptiens, s'est naturellement dirigé vers des études de droit qu'il a suivi à l'université du Caire où il obtint sa licence en droit en 1962. Il entame alors une carrière diplomatique en 1964 au ministère des Affaires étrangères égyptien, notamment auprès des missions permanentes de son pays à New York et à Genève. Il poursuit entre temps ses études de droit à l'université de New York où il obtient un doctorat en 1974. A partir de cette année-là, il devient assistant au ministère égyptien des Affaires étrangères jusqu'en 1978. Il abandonne le service diplomatique en 1980 et entre comme assistant responsable du programme de droit international à l'institut des Nations unies pour le développement et la recherche, il est également professeur associé de droit international à l'université de New York de 1981 à 1987. Mais c'est en 1984 qu'il fait son entrée à l'AIEA, où il occupe des fonctions de conseiller juridique avant d'être directeur général adjoint chargé des relations extérieures en 1993, précisément sous la coupe du Suédois Hans Blix auquel il a succédé en 1997. A la tête de l'agence, les Américains lui reprochent de rechercher un coup d'éclat qui lui permettrait de briguer un 3e mandat, pour la simple raison que celui-ci n'a pas manqué de marquer son scepticisme à propos des armes de destruction massive, supposées être détenues par l'Irak sous Saddam Hussein. En fait, le coup d'éclat a lieu en 2003 devant le Conseil de sécurité de l'ONU où il nie l'existence d'ADM en Irak. Ce qui n'empêchera pas les Américains et leurs alliés de lancer une attaque contre ce pays et de l'occuper. L'autre grief de Washington à l'égard de cet Egyptien, c'est son manque de fermeté à l'égard du programme nucléaire iranien soupçonné d'avoir un caractère militaire. Téhéran est même accusé de procéder à l'enrichissement d'uranium en vue de fabriquer des ogives nucléaires qui seraient portées par des missiles iraniens. En dépit de ces accusations, El Baradei n'hésite pas à prendre son bâton de pèlerin comme il l'a fait l'été dernier pour entamer une tournée au Proche-Orient entrant dans le cadre d'un vaste projet dit de dénucléarisation de la région. Il visite ainsi plusieurs capitales arabes et Téhéran, même Tel Aviv où il est froidement accueilli par Ariel Sharon. Propos acerbes de Sharon La veille de son arrivée dans la capitale israélienne, le Premier ministre israélien Ariel Sharon pour montrer que le directeur de l'AIEA n'était pas le bienvenu n'a pas hésité à dire devant des journalistes : « Que vient-il faire ici ? De toutes les manières, il ne trouvera rien. Il devrait plutôt jeter un coup d'œil chez les Iraniens qui nous menacent avec leurs missiles et leurs ogives. » Des propos aussi acerbes ne l'ont pourtant pas dissuadé à se rendre à Tel Aviv. Les Américains lui ont sans doute gardé rancune pour cela aussi jusqu'à la veille de son élection. L'attitude des Européens qui se sont refusé à désigner un autre candidat de compromis a peut-être pesé en faveur de l'Egyptien. Les Etats-Unis, jusqu'ici isolés, se « joindront au consensus », a indiqué le département d'Etat après une rencontre à Washington entre la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice et M. El Baradei. Il est vrai que ce dernier a bénéficié d'un large soutien international en Europe et parmi les pays en développement, notamment jusqu'en Iran envers lequel les Américains voulaient le pousser à faire le « sale boulot ». Téhéran lui a apporté un soutien particulièrement remarqué. « Nous espérons qu'il sera réélu parce qu'un consensus s'est formé autour de lui et que les Etats-Unis ont été isolés », a déclaré le porte-parole des Affaires étrangères Hamid Reza Assefi. On ne sait quelles conditions ont pu être posées par les Américains à M. El Baradei. Celui-ci affirme ne pas pouvoir prouver que l'Iran cherche à se doter d'armes atomiques sous le couvert d'un programme nucléaire civil, tout en ayant caché pendant 18 ans des activités sensibles. Mais il n'en est pas moins déterminer à poursuivre sa mission jusqu'au bout.