Pour ces universitaires, «l'enjeu de l'heure n'est pas le nombre de mandats seulement, c'est le changement de tout le système qui est demandé». Les enseignants chercheurs, ayant organisé le 13 mars un sit-in contre le 4e mandat à Alger, annoncent de nouvelles actions pour aujourd'hui. Renouvelant leur appel à l'ensemble de la «famille universitaire» de se joindre à leur mouvement, ces enseignants appellent à nouveau à des sit-in à travers tous les établissements universitaires du pays. Les signataires de cet appel, au nombre de 25, justifient cette nouvelle manifestation par l'inquiétude qui «ronge les intellectuels». Ils expliquent leur opposition à un 4e mandat par l'état général du pays qui ne paye pas de mine, selon eux. Ce constat, ils disent l'avoir établi par «l'observation d'un épuisement du système de gouvernance politique en place». Cet «épuisement» se traduit, insistent-ils, par le fait que les enseignants universitaires «ne parviennent plus à organiser une reproduction des connaissances et des élites dans cet espace marqué par l'absence de l'autonomie des universités, des franchises universitaires, de l'achat de la paix sociale par une délivrance de diplômes qui est une course en avant». C'est toute la conception de l'université et de l'enseignement supérieur qui est faussée, d'après ce groupe d'intellectuels, composé, entre autres, de sociologues, à l'image de Nacer Djabi, Fatma Oussedik, Madani Safar Zitoun, Zoubir Arous et Mustapha Madi, de politologues tels que Mohamed Hennad, Rachid Tlemçani, d'historiens comme Mohamed El Korso (ancien président de la fondation 8 Mai 1945), Mustapha Nouicer et Abdelhamid Bourayou, de linguistes comme Taleb Khoula El Ibrahimi et des critiques littéraires comme Ahmed Cheniki. L'éminent sociologue Abdelkader Lakdjaâ a rejoint ce groupe. «L'université ne peut être réformée seule», estiment-ils, car elle est influencée par l'environnement général du pays. «Comme l'ensemble des institutions du pays, l'université algérienne a perdu de sa légitimité et de son efficacité. Ce constat est le produit d'un système de gouvernance qui a précisément vidé toutes les institutions de légitimité et d'efficacité, dévoyé le débat politique par des manipulations qui trouvent leur incarnation ultime dans l'élection à l'allure grotesque du 17 avril 2014», dénoncent-ils. «Le peuple algérien a pourtant montré une grande maturité à l'occasion des événements de 2011, convaincu que les dirigeants avaient pris acte d'un nécessaire changement. Sa maturité ne reçoit comme réponse qu'une violence matérielle, intellectuelle et symbolique», regrettent ces enseignants qui disent aspirer à un système plus ouvert. Ils appellent à un sursaut nécessaire qui «ne peut être que le départ du système de gouvernance en place». Pour eux, «l'enjeu de l'heure n'est pas le nombre de mandats seulement. Une telle revendication ne peut viser qu'à changer la figure du représentant du système en place, sans remettre en cause le fonctionnement du pays».