En cette période de campagne entamée sur fond de contestation du côté des opposants à la candidature de Bouteflika pour un quatrième mandant, l'ère est aux promesses et aux annonces populistes. Des annonces qui n'ont pour l'heure rien de nouveau par rapport à ce qui a déjà été promis et engagé dans le programme quinquennal qui s'achève. Si la pré-campagne a été marquée par quelques nouvelles idées émanant essentiellement des candidats à la candidature issus de la diaspora, cette campagne commence avec du vieux, notamment sur le plan économique. L'éjection du courant rafraîchissant de la course électorale a exclu les idées novatrices et a fini par imposer sur le tapis des idées qui donnent d'ores et déjà l'aspect du «déjà-vu». Ainsi, intégration de l'informel dans le circuit légal, amélioration du climat des affaires, soutien au développement du secteur privé, facilitation de l'accès au financement, et levée des lenteurs bureaucratiques sont les principales questions abordées par les candidats à la lumière des points dévoilés jusque-là. En dehors de la position dogmatique de la candidate du Parti des Travailleurs, Louiza Hanoune, les programmes économiques des autres candidats convergent et se rejoignent sur plusieurs volets économiques en dépit de leurs divergences politiques. C'est le cas essentiellement pour Ali Benflis, et le président sortant Abdelaziz Bouteflika. Pour Benflis, par exemple, l'accent est mis sur la lutte contre la corruption, la promotion de la PME et la modernisation de l'agriculture. Ali Benflis, qui appelle également à un pacte national contre la corruption à travers des mesures destinées à s'attaquer aux racines du phénomène plaide dans le même sillage pour «une Stratégie nationale de développement de manière à engager un processus de renouveau économique et inscrire l'économie nationale dans une perspective durable de développement et de sortie de la rente». Benflis mise sur l'entreprise privée et la collectivité locale Ali Benflis fonde, en effet, sa conception d'une économie de marché sociale sur deux vecteurs : l'entreprise en tant qu'instrument de création de richesses, de mobilisation de capacités humaines et de relance de l'investissement, et la collectivité locale comme espace d'expression des besoins sociaux. Objectif : allier dynamique économique et progrès social en levant toutes les contraintes à l'investissement et en encourageant le secteur privé. Mais aussi en libérant l'entreprise publique des injonctions de l'Etat et en misant sur la concertation avec les acteurs économiques et sociaux. Des propositions qu'on retrouve largement dans le programme économique de Bouteflika dévoilée la semaine dernière devant le patronat par son directeur de campagne, Abdelmalek Sellal. Une rencontre durant laquelle l'assistance venue en masse a eu droit beaucoup plus à un bilan du quinquennat en cours qu'à une présentation détaillée du programme électoral. L'accent a, en effet, été mis sur la nécessité de poursuivre le modèle économique en vigueur dans le pays. A la différence de Benflis, le patronat à travers toutes ses couleurs est acquis à Bouteflika. La conférence du 18 mars dernier l'a clairement montré. Ils étaient nombreux à venir applaudir la quatrième candidature de Bouteflika à l'élection présidentielle et à poser des problématiques à intérêt particulier. Au point où la rencontre s'est transformée en une tripartite de soutien à la candidature de Bouteflika. Une tripartite qui a regroupé l'ensemble des organisations patronales (CIPA, CGEOA, FCE, CAP, CEIMI….) aux côtés d'associations professionnelles, de la centrale syndicale et de la direction de campagne de Bouteflika en l'absence des opposants à cette quatrième candidature à l'image des syndicats autonomes. Parallèlement, les dossiers les plus importants liés notamment aux moyens de sortir de la rente ont été relégués au second plan, voire carrément oubliés. Ce qui illustre le faible intérêt du patronat algérien, il faut le reconnaître, aux questions économiques cruciales dont dépend l'avenir du pays. Ces lacunes sont d'ailleurs à mettre au profit de Sellal qui saisit l'occasion pour mettre sa casquette d'ex-Premier ministre et faire son bilan depuis sa nomination à la tête du gouvernement en septembre 2012. «Tous les indicateurs sont au niveau voulu. Nous sommes aujourd'hui un pays désendetté», a tenu à préciser Sellal avant de poursuivre : «Nous sommes sur la bonne tendance. Il faut la conforter.» Comment ? En optant pour la stabilité, selon le directeur de campagne de Bouteflika. Pourquoi ce choix ? «Parce que sans stabilité, on ne peut pas bouger sur le plan économique», répondra Sellal notant que Bouteflika est l'homme qu'il faut pour maintenir cette stabilité. Mais quid de tous les engagements pris jusque- là ? Une question soulevée par le Forum des chefs d'entreprises (FCE). Cette interrogation porte particulièrement sur l'application de l'instruction du 7 août 2013 relative globalement à la création d'un choc de modernisation sur le plan économique, les orientations contenues dans cette instruction adressée au gouvernement et qui devait être mise en œuvre avant la tripartite d'octobre 2013. Or, cela n'a pas été le cas. Pour la direction de campagne de Bouteflika, le cap est mis sur le prochain programme quinquennal pour monter au créneau et asseoir «une économie émergente» et donner aux entreprises privées «les moyens d'avancer» au même titre que le public. Et ce, à travers l'amendement de la loi sur l'investissement. Bouteflika promet l'amendement de la loi sur l'investissement «La loi relative à l'investissement sera amendé dans le sens de la liberté d'investir. L'acte d'investir ne doit jamais être un acte administratif mais un acte économique», dira-t-il en énumérant au passage les mesures prévues pour redémarrer la machine économique. Quid des mécanismes de mise en œuvre ? Ainsi, dans le lot des promesses électorales de Bouteflika figure l'amélioration des mécanismes de création d'entreprises et de micro-entreprises (Ansej, CNAC, Angem...), l'insertion des femmes dans le monde de l'entrepreneuriat, le développement du gaz de schiste, la pétrochimie et la nanotechnologie, la création d'une dizaine d'entreprises versées dans l'exportation (une mesure qui nous rappelle le projet de mise en place de champions nationaux dans l'industrie) et d'un pacte économique et social 2015-2019. «Nous nous sommes engagés pour un pacte que nous respecterons», notera Benflis, alors que l'ancien pacte n'a pas connu d'évaluation de l'avis même du Conseil national économique et social (CNES) et des observateurs. Et voilà qu'on cherche encore à bercer l'électorat avec la promesse d'un autre pacte. Mais aussi de facilités d'accès au logement pour les nouveaux diplômés dans le cadre de l'encouragement des ressources humaines. Autant de mesures déjà en phase d'application. Cela pour dire que le gouvernement s'est inscrit dans la perspective de Bouteflika 4 bien avant l'annonce des candidatures. D'ailleurs, la préparation du programme quinquennal 2010-2014 a commencé en 2013 à travers les différents programmes sectoriels. Cependant, concernant les mécanismes nécessaires pour la mise en œuvre de tous ces engagements, rien de particulier à signaler. Sellal n'a rien dévoilé à cet effet. On retombe donc dans les discours populistes et les annonces à enjeux électoraux sans lendemains. Et pour cause, tout dépendra de la gouvernance et du système déjà en place. Un système qui a pourtant déjà prouvé son inefficacité sur le plan économique, de l'avis des experts. Pour l'heure, il est certain que quel que soit le résultat du scrutin du 17 avril prochain, l'année 2014 ne s'annonce guère riche en changements économiques. Encore du temps à perdre pour un pays toujours dépendant de la rente pétrolière. Une rente essentiellement utilisée pour l'achat de la paix sociale.