La police est venue en force, hier, au boulevard des Martyrs, à Alger, pour endiguer le rassemblement du mouvement Barakat (ça suffit !) devant les sièges de l'ENTV et de l'ENRS (radio). En civil et en tenue, les policiers ont tout fait pour empêcher les protestataires d'occuper la chaussée. Le prétexte classique : ne pas empêcher la circulation motorisée. «Parlez des salaires et on sera avec vous», crie un automobiliste. Les animateurs sont là pour autre chose : la dénonciation du détournement des médias dits publics au profit du pouvoir en place. Les manifestants mettent du scotch sur la bouche pour signifier l'existence de la censure à l'ex-RTA. «Comme à l'ENTV, on ne dit rien !», lance un jeune manifestant. Sur les pancartes, on peut lire : «Halte à l'instrumentalisation de la télévision d'Etat», «Halte au mensonge et à la propagande», «Talfaza watania machi bouteflikia» (télévision nationale, pas bouteflikienne), «Arrêtez de jouer du bendir», «Journalistes de l'ENTV et de la radio, indignez-vous», «Barakat men el khortti», «C'est une télévision publique, pas privée», «Barakat men chita», «Rendez-nous notre pays !», «Solidaires avec Al Atlas TV»… «Les Algériens constatent chaque jour que l'ENTV est utilisée comme un canal de propagande au profit du régime de Bouteflika. Les autres opinions n'y ont pas le droit de s'exprimer, le droit à la différence n'est pas reconnu. Nous n'avons toujours pas vu le caractère national de cette chaîne. L'ENTV montre une Algérie idéale, rien à voir avec la réalité des Algériens. Les jeunes tab jnanhoum !», dénonce le jeune Anis, membre de Barakat. «Aucune démocratie ne peut exister sans liberté d'expression», déclare Amira Bouraoui, membre connu de Barakat. Un manifestant a estimé que l'ENTV n'appartient plus au peuple algérien mais «à la famille Bouteflika et au DRS». «Dans les années 1990, plus de 70 journalistes ont été tués pour la liberté d'expression. Smaïl Yefsah, Tahar Djaout, Rachida Hamadi, Saïd Mekbel, revenez voir dans quel état est votre pays», a lancé une autre manifestante. «Sortez de l'ENTV ! Sortez témoigner. Soyez solidaires avec la liberté d'expression. Dites la vérité», tonne-t-elle à l'adresse des journalistes de l'ENTV, invisibles sous le soleil du boulevard des Martyrs. «L'ENTV est financée par l'argent du peuple algérien à travers la quittance. Aussi, nous refusons qu'il soit utilisé d'une manière exclusive par le pouvoir, par le régime familial de Bouteflika», proteste Kamel, autre membre de Barakat. Selon lui, la fermeture d'Al Atlas TV est une atteinte à la liberté d'expression. Les manifestants ont crié des slogans hostiles à Ennahar TV. «Je salue le mouvement Barakat. Je lui apporte tout mon soutien. Il est composé de militants de qualité, d'un certain niveau, qui ne veulent que du bien pour ce pays. Barakat a raison en considérant l'élection comme une mascarade. Bouteflika va bientôt s'adresser à nous par SMS», souligne Hacen Ferhati de l'Association des familles de disparus. Omar Abed, porte-parole du Collectif des spoliés du groupe Khalifa, est venu se solidariser avec Barakat. «Certaines victimes de Khalifa sont mortes sans avoir obtenu leurs droits. Ils nous disent qu'ils ont ramené Abdelmoumen Khalifa. Mais Abdelmoumen est un escroc agréé par l'Etat. Ils nous ont même appelés pour le procès !», proteste-t-il. «On reviendra, on ne va pas vous lâcher», a promis une manifestante à la fin du rassemblement, dispersé dans le calme.