Comment superposer dans un seul livre des petites et de grandes histoires ? Comment concilier une vision « optimiste » de la vie dans une réalité faite de conflits ? Ces questions sont plus ou moins souvent soulevées dans les romans d'Anouar Benmalek, qui se penche souvent sur la douleur humaine. Dans son dernier né, Le poumon étoilé, l'auteur des Amants désunis nous livre un recueil de petits romans et de nouvelles étonnamment brillantes qui prend aux tripes et qui entremêlent douleur et plaisir. « Mais avec tant d'oublis, comment faire une rose ? » (Jules Supervielle), lit-on au début du livre, un peu comme pour annoncer la couleur. Parce que les histoires de L'année de la putain sont une plongée dans le passé. Celui du premier meurtre de l'humanité, puis un saut vers la seconde moitié du XXIe siècle, la seconde guerre mondiale, la guerre d'Algérie, la guerre civile au Nicaragua, dans les années 1970, celle du Liban et la misère en Indonésie. Les personnages sont des enfants, des femmes et des hommes victimes de guerres et de folies meurtrières de leurs semblables. A commencer par la première nouvelle du livre Eve, où le lecteur est saisi à la gorge. Le thème est connu de tous : le premier meurtre de l'humanité ! Mais l'auteur décide d'aller au fond des choses, vers une question à laquelle on pense au passage, sans trop s'y attarder : quelle a été la réaction d'Eve et d'Adam lorsque Abel a été tué par Caïn ? Ils devaient bien être animés de sentiments et de sensations, d'humanité tout simplement. C'est ce que démontre Anouar Benmalek à travers une courte histoire, très vraisemblable. Mais Faroudja est certainement de loin la plus dérangeante, cruelle, douloureuse, peut être parce que non invraisemblable... En tous cas, à la fin de cette histoire, on est « contaminé » par l'envie de se révolter, de se venger, de faire mal... Il serait même recommandé de faire une pause avant de lire les autres histoires, ou de la laisser tout en dernier, parce qu'elle fait de l'ombre à toutes les autres, malgré sa brutalité et sa noirceur. Mais hormis Faroudja, dans les autres nouvelles et petits romans, les personnages, malgré tout le malheur qui s'abat sur eux, ont une incroyable volonté de sortir la tête de l'eau, de regarder vers un avenir potentiel, quoi que incertain. Et pour chacun d'eux, il y a l'avant et l'après, rien ne peut plus être comme avant... Anouar Benmalek exprime ces impressions avec les mots qu'il faut : simples, précis, là où il faut. Même lorsqu'il est question de passer d'une violente souffrance à un plaisir intense. Et au-delà des mots et à travers un émouvant voyage dans le temps et les lieux, la langue d'Anouar Benmalek exprime la vie, ce qu'elle a de meilleur et de pire. Le poumon étoilé d'Anouar Benmalek - éditions Sédia ; 600 DA