Une cinquantaine d'avocats ont plaidé lundi devant la chambre d'accusation près la cour de Blida, dans le cadre de l'affaire Khalifa. L'audience s'est terminée vers 22 h, avec la plaidoirie de la partie civile. De nombreux avocats ont, pour leur part, préféré transmettre leurs mémoires au lieu de plaider. L'affaire a été mise en délibéré pour le 26 juin. La chambre d'accusation aura donc soit à renvoyer le dossier devant le tribunal criminel, soit ordonner un complément d'information et reprendre du début l'instruction. Cette dernière thèse a été écartée par de nombreux avocats qui penchent plutôt vers la première éventualité, ce qui laisse supposer que le procès pourrait avoir lieu, comme nous l'a déclaré une source judiciaire, il y a quelques jours, vers la fin de l'actuelle session criminelle, lors de la première quinzaine du mois de juillet. Le contenu d'une toute petite partie de l'ordonnance du juge, composée de plus de 500 pages, a permis de faire la lumière sur un volet de cette importante affaire, lié à la gestion de la caisse d'El Khalifa Bank. Le juge a inculpé 124 personnes, dont 6 sont en détention provisoire, 64 sous contrôle judiciaire et 41 en liberté provisoire. Sept autres personnes, dont Abdelmoumen Khalifa, installées actuellement à l'étranger, restent recherchées en vertu de mandats d'arrêt internationaux. Dans ce scandale aux ramifications multiples, il est néanmoins surprenant de constater que les pouvoirs publics représentés par cinq ministres n'ont, pendant toute la période où Abdelmoumen subtilisait l'argent du contribuable et arrosait les plus hauts responsables de l'Etat, rien vu ou entendu. Ils ont tous renvoyé la balle soit à leurs prédécesseurs soit à leurs successeurs. Les cinq ministres entendus par le juge en tant que témoins n'étaient finalement au courant de rien. En effet, le 8 septembre 2004, l'ancien ministre de l'Habitat, Abdelmadjid Tebboune, a déclaré devant le magistrat instructeur, à propos des fonds déposés par les OPGI et l'EPLF à l'échelle nationale dans les caisses de Khalifa, que cette décision a été prise par son prédécesseur, Abdelkader Bounekraf, tout en reconnaissant que l'opération s'est poursuivie à son époque et à celle de son successeur, Mohamed Nadir Hamimid. Il n'a pas expliqué pourquoi à son époque justement, ces dépôts se sont poursuivis. L'ancien ministre a également nié avoir donné une quelconque instruction dans ce sens, tout comme il a démenti avoir ouvert un compte à El Khalifa Bank ou signé l'agrément de Khalifa Construction. Le 11 septembre 2004, c'est l'ancien ministre des Finances, Mohamed Terbèche, qui a été entendu par le juge. Lui aussi a rejeté la balle à son prédécesseur, en expliquant avoir exercé en tant que ministre entre avril 2002 et mai 2003, période où le rapport de la Banque d'Algérie a été examiné par son département. Il a précisé que ce dernier comportait des généralités et des anomalies du fait que les agents qui l'ont rédigé n'étaient pas habilités à le faire. Il a rappelé qu'à cette époque, le chef du gouvernement a installé une commission interministérielle composée des ministres de la Justice, Mohamed Chorfi, des Transports, Abdelmalek Sellal, des Finances, de la ministre déléguée à la Réforme financière, Fatiha Mentouri et du gouverneur de la Banque d'Algérie. M.Terbèche a néanmoins précisé que, durant son mandat, dix plaintes ont été déposées contre El Khalifa Bank, pour violation de la loi du contrôle des changes et des mouvements de capitaux. Le 26 octobre 2004, le juge a convoqué l'ancien ministre des Finances Mourad Medelci, actuel ministre des Finances. Ce dernier a affirmé n'avoir aucune relation particulière avec les banques ou leur contrôle, depuis la promulgation de la loi sur la monnaie et le crédit et l'ordonnance 96-22 relative au mouvement des capitaux. Il a totalement nié avoir été destinataire du gouverneur de la Banque d'Algérie d'un quelconque procès-verbal prouvant l'existence durant son mandat de violation de la loi. Lui aussi a estimé que les agents de la Banque d'Algérie n'étaient pas habilités à rédiger ce genre de rapports. Le 23 novembre 2004, le magistrat instructeur a convoqué l'ancien ministre du Travail et des Affaires sociales, Aboudjerra Soltani, actuellement ministre d'Etat sans portefeuille, pour s'expliquer au sujet des dépôts des fonds des caisses de la sécurité sociale à El Khalifa Bank. Le responsable a tout simplement déclaré n'avoir pas été mis au courant, tout en reconnaissant que ces institutions sont mises sous sa tutelle. Pour sa part, le secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, convoqué à titre de président du conseil d'administration de la Caisse nationale des assurés sociaux (Cnas), a lui aussi nié avoir bénéficié de privilèges de la part de Abdelmoumen Khalifa ou de sa banque, en contrepartie du dépôt des fonds de la Cnas dans les caisses de Khalifa.