En Algérie, une récente étude a révélé que 18% des enfants sont en surcharge pondérale. Les experts s'accordent à dire que l'obésité infantile est un problème de santé publique. El Watan Week-end en détermine les causes. «Ma fille Racha n'a que 14 ans et pèse 85 kg ! Tous les régimes qu'elle a suivis ont échoué, et actuellement elle s'est mise à manger tout ce qu'il ne faut pas, c'est-à-dire des sucreries à longueur de journée et les produits des fast-foods», confie, inquiète, Linda, une maman de 42 ans. Près de 18% des enfants, âgés entre 12 et 17 ans, sont en surcharge pondérale, dont 13% en surpoids et 5% obèses. Ce sont les résultats de l'étude menée par des enseignants-chercheurs du Laboratoire de nutrition clinique et métabolique et membres de la Société algérienne de nutrition (SAN), publiés fin 2013) auprès de 400 adolescents (dont 220 garçons), à Oran. «J'ai 15 an, et je pèse 81 kg pour 1m 67. Je mange beaucoup dehors, car je n'ai pas tous les jours le temps de rentrer chez moi pour bien manger. Je me rabats donc sur la nourriture des fast-foods», confesse Nesrine. Cette bachelière adepte des régimes, sans succès, avoue qu'elle ne fait pas de sport, faute de temps. «Mon corps n'est pas harmonieux et cela me gêne et me complexe beaucoup», désespère-t-elle. Pour Malika Bouchenak, présidente de la Société algérienne de nutrition : «Les adolescents en surcharge pondérale ont une alimentation déséquilibrée, c'est-à-dire une consommation excessive de produits sucrés, de produits gras, d'aliments de type fast-food et un apport réduit de fruits et légumes.» Chips Elle poursuit : «Ajoutez à cela une absence pour certains du petit-déjeuner et une tendance au grignotage au cours de la journée. De plus, la dépense énergétique journalière reste faible à cause de la sédentarité (plus que 2h/jour de télévision) et l'inactivité physique (jeux vidéo, ordinateur…).» Le docteur Hamid Brahimi, nutritionniste, indique : «Ces chiffres viennent conforter ce que nous observons depuis longtemps. L'obésité infantile n'a pas cessé de progresser ces dix dernières années. Ceci est dû en bonne partie aux changements de comportements alimentaires liés au mode de vie actuel (fast-food, chips, boissons sucrées, pizza, frites, barres chocolatées, crèmes glacées…), mais aussi au manque d'activité physique.» Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a reconnu l‘obésité comme une maladie en 1997 : «L'obésité des enfants constitue l'un des plus grands défis pour la santé publique au XX1e siècle. Il s'agit d'un problème mondial qui affecte de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire, en particulier en milieu urbain.» Graisse Au risque de rester obèses une fois adultes, ces enfants sont plus susceptibles de contracter des maladies telles que le diabète et des maladies cardiovasculaires à un âge précoce. L'Algérie n'est pas à l'abri du phénomène, et la surcharge pondérale prend de l'ampleur, particulièrement chez les enfants. En effet, Malika Bouchenak affirme :«En plus des adultes, les enfants et les adolescents ne sont pas épargnés. De plus, l'Algérie est aussi confrontée au retard staturo-pondéral (RSP) (terme médical désignant une croissance insuffisante sur le plan de la taille et/ou du poids durant la phase de développement de l'enfant, ndlr), puisque lors de notre étude, il a été noté que 16% des adolescents présentaient un RSP.» L'Algérie pourra-elle devenir les nouveaux USA en terme d'obésité ? Malika Bouchenak craint : «Nous sommes loin des chiffres observés aux Etats-Unis. Cependant, les experts s'accordent à dire que chez l'enfant et l'adolescent, l'excès de consommation d'aliments à densité énergétique élevée, l'insuffisance d'apport en aliments et nutriments protecteurs, ainsi que la sédentarité liée à la diminution de l'activité physique et à l'introduction d'activités sédentaires constituent une conjonction de facteurs de risque exposant les enfants et les adolescents au développement de pathologies.» Correction Définis comme une accumulation anormale ou excessive de graisse qui présente un risque pour la santé, le surpoids et l'obésité doivent être évités en corrigeant les mauvaises habitudes alimentaires dès le plus jeune âge. «Les mauvais comportements acquis sont très difficiles à modifier par la suite, d'où la nécessité d'agir dès le plus jeune âge et d'inculquer aux enfants une bonne hygiène de vie», soutient M. Bouchenak. Le docteur Brahimi, lui, prétend que «seule une alimentation équilibrée et une activité physique correcte» peuvent assurer la bonne santé chez ces enfants. Malgré la hausse des chiffres, l'Algérie ne compte toujours pas de centre spécialisé pour prendre en charge l'obésité morbide. En effet, «même si des études épidémiologiques sont faites ça et là, et que des propositions de menus au niveau des cantines scolaires commencent à s'étoffer, nous sommes encore loin d'un vrai plan de lutte contre l'obésité infantile», soutient Hamid Brahimi. Ce dernier se désole de l'absence de centre de prise en charge de l'obésité infantile : «Je ne crois pas que ce sera pour demain, car la prise en charge en internat dans des centres spécialisés reviendrait trop cher à mon avis. Néanmoins, des consultations spécialisées peuvent tout aussi bien prendre en charge ce type de problème en ambulatoire».