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Dans les coulisses de la campagne
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Salles vides, candidats parfois peu crédibles, discours entendus...Puisque la campagne ne passionne presque personne, El Watan Week-end a choisi de la suivre en coulisses.
-Louisa et ses bodyguards :
Quatre policiers sont en charge de la protection de Louisa Hanoune. elwatan2014 braque les projecteurs sur ces hommes – et cette femme – de l'ombre. Tailleur strict, brushing impeccable, instructions fermes… On en oublierait presque que Soumaya n'a que 24 ans. Soumaya ? La jeune femme chargée de la protection rapprochée de Louisa Hanoune. Durant les trois semaines de campagne, c'est Soumaya qui donne le la. Elle qui inspecte les salles de meeting avant l'entrée de la candidate. Elle qui s'assure que personne n'entrave son chemin. Elle qui garde l'œil ouvert, parée à tout, pendant les discours. Elle encore qui donne le top départ après les réunions publiques, une fois les conditions de sécurité réunies. Il y a quatre ans, Soumaya, surnommée «Soussou» par ses collègues, a intégré le SPS (Service de protection et de sécurité), rattaché à la DGSN. Elle a, depuis, été affectée à la sûreté de la candidate du PT. Comme elle, dix autres policières de choc assurent la protection rapprochée des personnalités féminines de haut rang.
Au quotidien, elles sont l'ombre de Dalila Boudjemaa, Khalida Toumi, Souad Bendjaballah ou Zohra Derdouri, les quatre femmes du gouvernement. Lors des visites officielles, leur est confiée la tâche de protéger les femmes des délégations étrangères. «C'est plus pratique d'avoir une femme qui assure la protection d'une femme, explique l'un des collègues de Soumaya. Dans le cas de Louisa Hanoune par exemple, Soussou peut rester avec elle dans les loges quand elle se change. Elle peut aussi la suivre dans certains endroits où la présence d'un homme semble déplacée.» Rouage essentiel du dispositif, Soumaya n'est pour autant pas seule autour de Louisa Hanoune. Trois hommes complètent l'équipe. Tous membres du SPS. Certains ont intégré ce corps de la DGSN il y a plusieurs dizaines d'années. D'autres sont de plus fraîches recrues.
Beretta
Mais tous sont dotés du même équipement : un gilet pare-balles et des armes - kalachnikov et Beretta - à portée de main. «La ceinture complète - arme, lampe, menottes - pèse jusqu'à trois kilos » explique l'un des hommes du service. Un parapluie en kevlar - une fibre synthétique très résistante - parachève l'arsenal. Toujours dans le coffre de la voiture, prête à être déployée en cas de fusillade.Au quotidien, les hommes du SPS sont soumis à une discipline de fer imposée par le rythme soutenu. «Avec Louisa, il nous arrive de rentrer chez nous à minuit, de reprendre le lendemain à 6 h», justifie un membre de l'équipe de sécurité.
Pour être toujours prêts, quelles que soient les conditions, les membres du SPS bénéficient d'entraînements réguliers. Trois séances de tir hebdomadaires par exemple. Pour se familiariser avec son arme. Gagner en habileté. «Ça permet aussi de s'accoutumer au bruit, insiste un policier. Quand vous êtes sur un stand, et que huit personnes tirent en même temps, votre oreille est moins déstabilisée en cas de fusillade.» Outre les séances de tir, les hommes du Service de protection et de sécurité bénéficient aussi de formations auprès des corps d'élite français et de stages de conduites sur routes difficiles. Des Terminator en costume ? Pas que si l'on en croit l'un des bodyguards de Louisa Hanoune : «Quand on s'absente, elle demande de nos nouvelles, se préoccupe de notre santé. Elle est très protectrice avec nous.» Une inversion des rôles des plus surprenantes.
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-Touati entre quatre yeux :
Si Moussa Touati s'est lancé dans la course, c'est pour occuper le terrain. Car il connaît bien le système et Abdelaziz Bouteflika.
«Savez-vous qui est Abdelaziz Bouteflika ?» Vêtu du costume de circonstance, les mains posées sur une petite table de sa chambre d'hôtel, Moussa Touati, 60 ans, donne le ton de la conversation : «Bouteflika n'a jamais été élu légitiment et ne le sera jamais. Aujourd'hui, c'est son clan qui gère la campagne présidentielle et lui n'est qu'un outil du pouvoir.» Dans ses paroles, l'image du président-candidat s'effrite : «C'est un homme de scène. Il a joué avec la mémoire des martyrs et l'histoire de l'Algérie.» La mémoire des martyrs. Le champ lexical de la Révolution algérienne est un champ lexical bien choisi chez ce fils de chahid qui a fondé en février 1989 l'Organisation nationale des enfants des chouhada (ONEC). De ce qu'a fait Moussa Touati pour préserver la mémoire des martyrs, il ne lui reste que la mémoire. L'ONEC lui a échappé des mains. Devenue une annexe associative du parti unique, l'organisation a déclaré officiellement le 12 mars dernier son soutien en faveur du quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika. Aujourd'hui, le candidat se félicite que son parti, qu'il qualifie sans fioritures de «force politique», «réunisse 320 000 membres» et que personne n'ait pu «arrêter son ascension».
A son crédit : Touati connaît bien le système. Alors pourquoi le président du FNA engage-t-il donc efforts et argent dans une campagne jouée d'avance ? «Je pense que les absents ont toujours tort. Il faut pousser les militants à aller de l'avant. Si les moudjahidine avaient pensé à l'époque être dans l'incapacité de chasser la France, les Français auraient toujours été là !» Les positions de Moussa Touati ne convainquent pas tout le monde. «Je connais l'homme depuis plus de dix ans, c'est un ancien militaire, il a fait partie du système», affirme Larbi Chambi, militant du Front du refus, qui avait tenté le premier jour de campagne, d'interrompre le cortège du FNA dans les rues d'El Bayadh, à coups d'affichages marqués «Barakat, barakat, fin au pouvoir de la sécurité militaire !».
Bourgeoisie locale
«Les représentants du FNA et ceux des autres partis, membres des commissions de surveillance électorale, dans les communes et les wilayas, ont été rémunérés par l'Etat pour acheter leur silence et non par les partis politiques comme cela doit se faire normalement, dénonce-t-il. Le FNA n'a pourtant jamais contesté ce genre de choses. Se porter candidat dans cette mascarade électorale montre qu'il cautionne l'ordre établi.» En pleine parade électorale depuis une semaine, Moussa Touati sillonne les villes de l'intérieur. C'est aussi dans ces régions reculées que le discours socialiste et nationaliste du candidat résonne le mieux. «L'argent ne nous intéresse pas. Nous sommes pour le développement humain !» lance-t-il dix minutes avant d'entamer sa première marche à El Bayadh. Pour lui, un 4e mandat du président-candidat servira, entre autres, à consolider les privilèges de la bourgeoisie locale : «Bouteflika sera reconduit par le même groupe d'intérêts qui a placé ses richesses à l'étranger, conclut-il, interrompu par son chef de protocole qui lui rappelle ses engagements. Le Président, réélu, réformera la Constitution comme il l'a annoncé dernièrement en renforçant le pouvoir présidentiel. Nous aurons dès lors une démocratie pécuniaire.»
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-Militer dans l'indifférence :
Pour les militants, la campagne est faite de journées de distribution de tracts et de collage d'affiches. elwatan2014 a suivi ceux du PT.
A l'entrée du village, les voitures sont garées. Ce mardi matin, les militants du Parti des travailleurs arrivés de Tizi Ouzou retrouvent le responsable de la cellule locale de Tizi Rached. Embrassades, sourires, poignées de main. L'ambiance est bonne, même si le ciel noir fait craindre la pluie. Mohamed Meziani, responsable du groupe de Tizi Ouzou, sort plusieurs paquets de tracts de son coffre. Les militants se répartissent les tas. Une femme brune souriante arrive. Nadia Boudarène est députée du parti pour la région et née dans ce village.
Les premiers militants se mettent au milieu de la route et tendent un feuillet rouge à chacune des voitures qui passent : «Bonjour, c'est pour le vote, pour le Parti des travailleurs.» La plupart des passants prennent le tract, incrédules. Certains reconnaissent celle qui est en photo dessus : «Ah, c'est pour Louisa !» Un vieil homme secoue la tête. Premier problème : les tracts sont en arabe. «Je ne peux pas lire», explique-t-il. Deux pères de famille sont plus virulents : «Vous ne devriez pas distribuer des tracts dans cette langue qu'on nous impose !»
En bas de la rue principale, les habitants viennent faire leur marché. Une dame, militante du RCD, lance au passage des militants : «Vous allez crédibiliser cette élection !» Celles qui l'accompagnent acquiescent. Aucune d'entre elles n'a jamais voté. Elles ne comptent pas le faire cette fois-ci non plus. «Vous savez bien que ça ne sert à rien !» Quelques mètres plus loin, un homme, chemise bleue, casquette foncée sur la tête, refuse lui aussi le tract : «Depuis 1962, c'est tout le temps la fraude. On ne vote pas. Ce n'est qu'une mascarade qui se répète.» Un jeune commerçant a accepté le tract mais il ne sait pas quoi en faire. Il finit par le déchirer quand les militants s'éloignent.
Comme la Syrie
Les militants ont un argument : le programme du Parti des travailleurs. «Nous avons proposé des dizaines d'amendements au Parlement», estime l'un d'eux. «Le programme du parti est le meilleur pour les Algériens», pense un autre. Interpellée par les passants, Nadia Boudarène prend le temps de répondre : «C'est à nous de les convaincre de voter pour le parti, parce que nous représentons l'alternative démocratique. Nous avons des solutions pour tous leurs problèmes.» La défiance semble pourtant bien ancrée. Alors que l'on reproche à Louisa Hanoune d'être proche du président Abdelaziz Bouteflika, Nadia réplique : «Nous avons fait des centaines d'amendements que le président Abdelaziz Bouteflika a repris. Ce n'est pas parce que ces amendements ont été repris par lui que nous devons être contre. Le Président est revenu sur la privatisation des hydrocarbures, pour nous c'est énorme ! Nous n'allons pas nous opposer pour nous opposer.»
Après le bâtiment de l'APC, la route redescend. Un homme âgé prend le bras d'un militant : «Nous sommes contre le pouvoir. Bien sûr, nous ne voulons pas que ce pays devienne comme la Syrie. Mais il ne faut pas nous demander d'aller voter.» Plus de tracts, les militants rebroussent chemin pour aller récupérer de nouveaux paquets. Sur le bitume, des feuillets rouges distribués auparavant sont désormais balayés par le vent et lentement abîmés par la pluie qui a fini par tomber.
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-Blida, the day after :
A Blida, trois meetings se sont tenus le même jour : ceux de Abdelmalek Sellal, Ali Benflis et Abdelaziz Belaïd. Le jour d'après, il n'en reste déjà aucune trace. «Ici, la seule chose qui motive les jeunes, c'est le football. Ils ne veulent même pas savoir ce que font ou ce que disent ces pseudo-politiques. A vrai dire, ils ne se sentent pas concernés par l'élection présidentielle.» Autant dire que le passage du directeur de campagne de Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal, et des deux candidats à la présidentielle, Ali Benflis et Abdelaziz Belaïd, le 24 mars dernier, na pas laissé de souvenir impérissable à Blida. Rencontrés à la gare routière, sur la rue Yousfi Abdelkader, à Ouled Yaïch ou près de l'université de Blida, les jeunes semblent désintéressés : «Maâlabaliche, Khatini(Je ne sais pas et ça ne me concerne pas, ndlr).»
Smaïl, agent polyvalent d'une entreprise privée, estime que voter ne constitue pas la solution à la crise que vivent les Algériens. «Les candidats n'ont aucun niveau et sont incapables de gouverner un peuple comme le nôtre. Ils sont tous âgés et ne peuvent être à la tête d'un grand pays comme l'Algérie. Aujourd'hui, Benflis nous dit qu'il veut lutter contre la corruption alors qu'il était lui-même au pouvoir. Louisa Hanoune était dans l'opposition avant de changer de position. Ils ne sont tous à présent que le produit de ce système.» Amine, trabendiste, rencontré dans la même rue, ajoute : «Il n'y a aucun espoir à mettre en ces personnes, car en réalité, chacun travaille pour ses propres intérêts. Ils m'ont emprisonné et m'ont pris mon argent. Ils ne m'ont rien donné et je n'attends rien d'eux. C'est vrai que nous avons retrouvé la paix. Mais cela ne nous apporté qu'un peu de sécurité pour pratiquer librement le sport», regrette Amine, un célibataire de 35 ans. Pour la plupart des Blidéens, parler de l'élection présidentielle agace.
Mohamed Moustache
«Makan Walou (Il n'y a rien de nouveau, ndlr). Qu'ils viennent ici ou non, ça m'est carrément égal. Je vous assure que Louisa Hanoune est mieux que tous ces Mohamed Moustache (les hommes, ndlr)», s'emporte Ahmed Touil, 47 ans, propriétaire d'une quincaillerie et père de trois filles. Pour Ahmed, être président d'une commune ou président de la République, ce n'est que le statut qui change. «Leur discours me rappelle celui de notre actuel P/APC. Avant qu'il ne devienne président, il n'a pas arrêté de nous promettre le paradis. Aujourd'hui, il ne peut même pas nous changer l'ampoule du lampadaire éclairant la ruelle de notre quartier», se moque Ahmed, rencontré à Oueld Yaïch. Ali, un barbu de passage, lance dans un sourire : «Je ne veux rien entendre ni d'eux ni des autres. Je ne suis qu'un simple citoyen et je ne demande que la paix.».
Une dame rencontrée près du stade Tchaker lui répond en écho : «Ce n'est pas nous qui devrions assister à leurs meetings. Mais ceux qui ont l'habitude de profiter de leur pouvoir et de leurs richesses.» A Blida, les quelques affiches publicitaires des six candidats ont été déchirées. Un vieux, qui se précipitait pour l'accomplissement de la prière de dhor dans une petite mosquée de la ville, s'arrête pour commenter : «Cette année est différente des autres. Ce n'est pas la même ambiance. Je peux vous assurer que les gens ici ne montrent aucun intérêt ni pour les candidats ni même pour l'élection présidentielle. Pour nous, leur passage à Blida est un non-lieu. Car, on ne croit plus à leur bobards.»


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