En 2005, les services de police ont enregistré 5091 mineurs victimes de violence. Parmi ces derniers, 3038 ont subi des agressions physiques, 2472 des violences sexuelles, 414 ont été victimes de mauvais traitements, 139 ont fait l'objet d'enlèvement, et 28 ont été tués. Un constat alarmant dressé par la commissaire de police, Kheira Messoudène, lors d'une journée d'étude organisée, hier, par la représentante algérienne de l'association suisse Terre des homme à l'Institut national de la santé publique (INSP) à Alger. Durant les cinq premiers mois de l'année 2006, a-t-elle ajouté, « nos services ont enregistré 2133 mineurs victimes de violences sexuelles et physiques. Les filles représentent la majorité des victimes d'abus sexuels alors que les garçons subissent plutôt des violences physiques ». Pour elle, la catégorie d'âge la plus touchée est celle comprise entre 13 et 16 ans. Mme Messaoudène a relevé la difficulté de prendre en charge les victimes de ces violences du fait de l'absence de structures d'accueil. L'officier a appelé à l'ouverture de centres pour l'accueil provisoire des enfants victimes de violence, mais aussi inculquer aux citoyens la culture de la signalisation de ces cas pour intervenir le plus tôt possible. « Il faudra également apprendre à l'enfant ce qu'est un attouchement, pourquoi il doit refuser que l'on touche à son corps, et surtout qu'il doit parler lorsque quelqu'un le touche là où il ne faut pas. » Docteur Bessaha a relevé que les violences se présentent sous plusieurs formes. Les plus faciles à identifier et à déceler sont celles dites physiques, mais il existe d'autres formes, comme la négligence, les violences psychologiques ou l'exploitation des enfants, qui sont souvent difficiles à cerner. Il a insisté sur la nécessité de revoir la loi sur le travail des enfants. Il a également fait état de l'ambiguïté de la loi en matière de définition d'inceste et surtout sa qualification. « La loi sanitaire 90-17 et le code de déontologie fait état de l'obligation de signalement des cas de violence sur mineur, mais elle ne prévoit pas de sanctions en cas de non-respect de cette clause comme cela est le cas dans de nombreux pays. Comment un enfant peut-il parler des violences que lui font subir ses parents ? », a-t-il déclaré. Les voisins aussi ne s'impliquent pas, même s'ils sont témoins de cas de violence. Ces réactions ne sont pas uniquement le fait de l'environnement immédiat de la victime, mais également du corps médical. « Une enquête réalisée durant les années 1990 a montré que les trois quarts des médecins nient les maltraitances. Etant donné que l'Algérie a été elle-même une victime de la violence, celle-ci a été occultée y compris par la communauté internationale, puisque ce n'est qu'en 2001 que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a parlé de ce phénomène en Algérie en le présentant comme un problème de santé publique. » Abordant la question du châtiment corporel infligé aux enfants, Dr Bessaha a fait état des résultats édifiants d'une enquête, selon lesquels 60% des parents trouvent que battre un enfant est bien pour son éducation, 30% estiment qu'ils le font à cause des résultats scolaires, et 42% l'exercent pour se faire obéir. Une autre enquête a révélé, a t-il ajouté, que 58% des parents ont affirmé avoir frappé leur enfant pour sa turbulence, 53% pour ses rendements scolaires, 12% à cause des problèmes conjugaux. Même à l'école, a noté le conférencier, l'enfant est souvent victime de maltraitance. « Le code pénal est très flou dans ce cas, puisqu'il pénalise toute forme de violence sauf celle dite légère, qu'il ne définit pas et la laisse à l'appréciation du juge. » Mme Boumeghar, directrice des études au ministère de l'Education, a fait état de la violence en milieu scolaire, en présentant les résultats d'une enquête réalisée entre 1999 et 2001 par son département à travers 36 wilayas. « Nous avons enregistré 4725 cas de violence dans les établissements. L'enfant est tantôt victime tantôt auteur de la violence. Nous avons eu un élève qui a tué son enseignant en plein classe, et un autre qui a tué son camarade dans la cour (...). » Mme Boumeghar a mis l'accent sur la politique de son département en matière de prévention et a annoncé que le projet de loi sur l'orientation scolaire, actuellement en préparation, va consacrer l'interdiction de la violence sous toutes ses formes dans les établissements.