Si à l'époque les formations étaient orientées vers les métiers de la gestion (management, marketing, finance, ressources humaines) et de l'informatique (bureautique, informatique de gestion), ces dernières années on parle de nouvelles spécialités en liaison avec les nouvelles orientations managériales et les nouvelles stratégies des entreprises, à savoir l'intelligence économique, le management de l'information, la gestion de la chaîne logistique (supply chain management), le management de la qualité, le management interculturel. Mais le problème qui continue à se poser est que «les filières enseignées ne sont pas les filières techniques demandées sur le marché du travail ; de ce fait, il n'y a qu'une partie de la population formée qui arrive à se placer», constate Amina Messaïd, professeure à l'Ecole nationale supérieure de management (ENSM), en ajoutant : «Environ 70% des offres de formations proposées concernent le tertiaire, alors que la demande est beaucoup plus dans les spécialités techniques. L'une des raisons à cela est que ces formations nécessitent des équipements lourds, donc un investissement conséquent ; or, en comparant le secteur public et privé en matière de financement, il y a une grande différence dans la mesure où le budget du secteur privé dépend des recettes qui dépendent à leur tour de la solvabilité des candidats à la formation (les clients)». Cet avis est partagé aussi par Abdelali Derrar, le Directeur général de l'Institut supérieur d'assurance et de gestion (INSAG), qui juge que les formations en électronique, en électromécanique et dans les autres domaines techniques représentent un investissement lourd (entre équipements et laboratoires,…) qui n'est pas à la portée des établissements privés sachant que la plupart d'entre eux ont été financés par des capitaux propres. Second écueil : ces établissements privés de formation sont soumis à un régime fiscal qui, aux dires de beaucoup de responsables d'établissement, n'est pas en leur faveur et ne les encourage pas alors qu'ils participent de manière active à la formation de profils qualifiés et spécialisés, à l'amélioration du bien-être social, à la réduction du taux de chômage et permettent à l'Etat de faire des économies en absorbant un certain nombre de stagiaires, ce qui représente une réduction des coûts destinés à leur prise en charge. Il ne faut pas oublier aussi que ces établissements sont des agents économiques qui payent des impôts qui représentent des ressources pour l'Etat. «Pourtant, nous sommes considérés par l'Etat comme des commerçants. Ce n'est pas péjoratif d'être commerçant, mais nous ne sommes pas des commerçants», déplore le Directeur général de l'INSAG, en ajoutant : «Il y a les impôts d'un côté et la sécurité sociale qui nous oblige à considérer les enseignants qui donnent quelques cours, 2 à 3 heures par semaine, au même titre que le personnel permanent alors qu'ils sont permanents ailleurs. Il n'est pas possible de travailler dans ces conditions. Au final, cela se répercute sur les prix des formations». L'attrait des enseignants de hautes compétences pose aussi problème selon notre interlocuteur, car contrairement à ce que l'on peut croire ces derniers ne sont pas nombreux, en particulier dans les domaines du management, des assurances, de la finance et de la gestion. Ce sont des compétences déjà prises soit par l'université, soit par les entreprises, les banques et les bureaux d'études et «leurs honoraires sont très importants. Mais, malgré tout cela, nous resterons dans le marché de la formation et nous continuerons à exercer notre métier qui est noble. Nous sommes des enseignants et l'enseignant n'est pas une personne qui aspire à devenir riche. Il veut vivre honnêtement et répondre à des besoins, celui qui veut s'enrichir n'ouvre pas d'école», affirme Abdelali Derrar. Nonobstant ces difficultés, le marché privé de la formation professionnelle ne cesse de se développer d'une année à l'autre, le nombre d'établissements s'élève aujourd'hui à 700, et parmi les 391 000 places pédagogiques prévues à la rentrée de la formation professionnelle 2013-2014, 18 000 places pédagogiques ont été offertes par les établissements privés de formation. Ces derniers attirent un nombre de plus en plus important de candidats, y compris les jeunes diplômés fraîchement sortis des universités et établissements publics de formation. D'où une question fondamentale : Ce comportement remet-il en question la valeur du diplôme universitaire algérien ? «Il est clair qu'il y a un débat autour de la valeur du diplôme (de la formation) des universités algériennes», répond Amina Messaïd. «C'est vrai qu'il y a de plus en plus de candidats, relativement au nombre de plus en plus important de formations proposées. Mais il y a un facteur important à relever, en l'occurrence le facteur pécuniaire ; en effet, l'accès à ces établissements est payant, donc ceux qui y accèdent font partie d'une catégorie sociale spécifique, ce ne sont pas toutes les catégories de jeunes qui peuvent y avoir accès. Mais je pense qu'une réflexion devrait être engagée afin de concrétiser la complémentarité entre les deux secteurs (public/privé)», ajoute-t-elle. La volonté politique existe Cet argument est soutenu aussi par la fondatrice et général manager de l'IMSIE qui pense que c'est un tort d'isoler les deux secteurs, privé et le public, et que c'est cette complémentarité qui permettra d'élever le niveau de formation qui pose actuellement problème en Algérie. «Notre gouvernement est conscient de la gravité de la situation ; nous formons en quantité, mais il y a une inadéquation entre formation et emploi. Les entreprises cherchent la ressource humaine compétente et les universités forment en nombre important. Mais il y a un décalage entre les deux», déclare notre interlocutrice, en ajoutant : «La volonté politique existe dans le domaine de la formation et les efforts d'encouragement et d'incitation à la formation tournés vers les PME/PMI sont palpables et réels, en l'occurrence la taxe parafiscale relative à l'apprentissage et la formation qui a été instaurée afin d'inciter les entreprises à former leur personnel. Bien que nous déplorons cela, nous estimons que 2% pour former la masse salariale reste insuffisant si l'on ne veut pas aller chercher la ressource humaine dans les pays voisins ou ailleurs.» à quand l'université privée en Algérie ? Ce qui est également déploré par les acteurs du marché de la formation professionnelle privée en Algérie, c'est l'absence d'un cadre juridique permettant l'investissement privé dans l'enseignement supérieur, qu'il est impossible pour les établissements privés de former dans le niveau des études supérieures, beaucoup d'entre eux ont trouvé la solution du partenariat avec les établissements étrangers pour former en graduation et en post-graduation et valider leurs diplômes à l'étranger. «Certains vous diront que cette ouverture fera la différence entre ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas. Il faut sortir du système socialiste. Chacun peut choisir en fonction de ses objectifs et de ses moyens. On a bien donné l'autorisation à des établissements privés dans l'éducation nationale (CEM, collèges, Lycées). Pourquoi ne pas autoriser la création d'universités privées et donner la chance au développement d'idées nouvelles, de formations nouvelles ? Même en Corée du Nord, avec un système stalinien fermé, il existe des universités privées. C'est le cas dans tous les pays du monde. D'autant plus que ce créneau intéresse beaucoup d'Algériens qui sont prêts à investir», dira le Directeur général de l'INSAG, selon lequel l'avantage des établissements privés est le développement de formations opérationnelles qui correspondent à des métiers précis, en adéquation avec les besoins du marché du travail. En plus de la souplesse dans la prise de décision, ce qui n'est pas le cas dans les établissements publics compte tenu du nombre important de niveaux hiérarchiques, ce qui fait que lorsqu'il y a des décisions à prendre, il faut passer par tous les responsables. Il y a donc plusieurs choses à revoir et à améliorer en ce qui concerne le management des écoles publiques. Des efforts ont été faits depuis le temps, on a introduit de nouveaux systèmes de gestion, mais il y a encore beaucoup à faire en matière de gouvernance des établissements publics. De nouvelles tendance sur le marché En plus des formations qualifiantes et diplômantes, certains organismes privés de formation tels que l'IMSIE proposent à ceux qui ont une expérience dans un domaine en particulier, sans pour autant être diplômés, de valider leur expérience à travers la Valorisation des acquis d'expérience (VAE). Pour rappel, l'IMSIE est un institut de management stratégique et d'intelligence économique. Selon les propos de sa fondatrice, celui-ci se veut un centre de recherche d'innovation, de création et d'intelligence économique qui est tourné vers les nouveaux questionnements, paradigmes et comportements en rapport avec la conjoncture et les transformations universelles internationales. «Nous voulons briser ces murs qui font de l'Algérie un pays sous embargo en termes de technologies, de nouveautés en termes de formations, de concepts et d'approches pédagogiques novatrices», déclare-t-elle. Pour sa part, Abdelali Derrar a observé une baisse de la demande de formation de BTS aussi bien au niveau des établissements privés que publics, et ce, depuis 2 ou 3 années. «Tout le monde veut aller à l'université, c'est dommage car il y a des infrastructures très intéressantes au niveau du secteur privé. Il faut revoir ces offres de formations et les remodeler afin qu'elles soient plus attrayantes pour les jeunes qui n'ont pas leur Bac. Il faut savoir valoriser ces formations dans les domaines de dessin et architecture, bâtiment, informatique de gestion et autres. Ce sont des métiers nobles. Dans la division sociale du travail, il y a des électriciens, des plombiers, des maçons, des ingénieurs, des docteurs… On trouve de tout», explique le Directeur de l'INSAG. Un marché porteur Selon nos interlocuteurs, l'offre n'est pas à la hauteur de la demande dans le marché privé de la formation. Pour l'instant, le marché n'est pas très concurrentiel, il y a de la place pour tout le monde. Les acteurs présents sur le marché se considèrent plus comme des partenaires. «Nous devons conjuguer nos efforts et travailler ensemble dans une logique de développement humain. Ce marché comme tous les autres verra une saturation à moyen terme, mais pour l'instant le pays est en développement que le marché de la formation doit absolument accompagner. Il s'agit d'un marché porteur qui le restera pendant plusieurs années. Une fois arrivé à saturation, on parlera de sélectivité en ce qui concerne les établissements. On n'en est pas encore là car il reste beaucoup à faire», affirme la fondatrice de l'IMSIE.