Interpellés le mercredi 16 avril, Mohand Kadi et Moez Benncir, sont aujourd'hui poursuivis pour attroupement non armé et atteinte à l'ordre public. Plusieurs associations dénoncent un «harcèlement judiciaire». Après être restés sans nouvelles d'eux pendant quarante-huit heures, la famille et les proches de Mohand Kadi et Moez Benncir savent désormais qu'ils se trouvent sous mandat de dépôt à la prison de Serkadji. Ils ont été interpellés par la police à la veille de l'élection présidentielle, lors du rassemblement du Mouvement de Barakat à Alger-centre, mercredi 16 avril, et sont aujourd'hui poursuivis, d'après leur avocat, Me Abdelghani Badi, pour attroupement non armé et atteinte à l'ordre public. Mohand Kadi, comédien, originaire de Tizi Ouzou, est membre de l'association Rassemblement-Action-Jeunesse (RAJ) et son coordinateur de son bureau à Azzazga. D'après Abdelouahab Fersaoui, président de RAJ, Moez Benncir est Tunisien, il travaille pour une maison d'édition à Béjaïa. «Leur seul tort : s'être retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment, affirme Me Noureddine Benissad, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH). Ils ont été directement placés en garde à vue jusqu'au dimanche 20 avril à la division centre de la police judiciaire d'Alger. Puis, ils ont été présentés au parquet de Sidi M'hamed où l'affaire a été renvoyée au juge d'instruction qui les a placés sous mandat de dépôt à Serkadji.» Abdelouahab Fersaoui affirme que son association n'a été en contact avec Kadi que durant les deux premières heures qui ont suivi leur interpellation. Depuis, ils ont perdu tout contact avec lui. «Nous sommes partis à sa recherche et avons écumé la plupart des commissariats, en vain», raconte-t-il. Lors de leur interrogatoire, «les deux jeunes ont nié avoir une quelconque relation avec les manifestations et ne faisaient que passer à côté». Abdelouahab Fersaoui confirme : «Notre association n'a jamais appelé à rejoindre le rassemblement du mouvement Barakat. Et même si c'était le cas, je n'y vois là aucune infraction. Les Algériens ont le droit d'exprimer pacifiquement leurs opinions politiques.» Pourquoi ont-ils été les seuls interpellés ? «Nous-mêmes, nous nous sommes posé la question, s'interroge Me Benissad. Les accusations ne tiennent pas la route. Plus grave : rien ne les justifie.» Intimidation La défense a fait appel de la décision de mise sous mandat de dépôt auprès de la chambre d'accusation. Objectif : obtenir une libération provisoire. Sid Ali Kouidri, porte-parole du mouvement Barakat, s'est déclaré solidaire avec les deux jeunes. «Le mouvement Barakat dénonce vigoureusement ces arrestations et pratiques indignes d'un Etat qui se respecte et qui confirme publiquement le caractère policier et répressif du pouvoir. C'est un outrage de plus à la dignité des citoyens et une insulte aux militants de tous bords.» Pour Amine Sidhoum, le coordinateur du Réseau des avocats pour la défense des droits de l'homme (RADDH), le dossier des accusés pose problème. «Au plan juridique, il y a une anomalie. S'ils les ont interpellés pour attroupement, ils ne devraient pas être les seuls. Cela prouve que dans le traitement des citoyens algériens, il y a deux poids, deux mesures.» Dans un communiqué rendu public cette semaine, la LADDH, le RAJ et le RADDH ont dénoncé conjointement cette «intimidation» et ce «harcèlement judiciaire» à l'encontre de ces deux jeunes et ont exigé leur libération immédiate. Les signataires appellent par conséquent les autorités algériennes à respecter la liberté des citoyens algériens à se rassembler et à manifester pacifiquement afin de revendiquer leurs droits garantis par la Constitution algérienne et par les conventions internationales des droits de l'homme, dont le pacte international relatif aux droits civils et politique ratifié par l'Algérie depuis 1989. L'affaire est toujours en instruction.